Entraîneur en chef de Swiss Athletics pour les courses de fond et de demi-fond, Louis Heyer s'est confié à Keystone-ATS lors des Mondiaux de Doha.
«Le marathon sera une énorme loterie», juge le Jurassien bernois. Mais «tout est possible pour Tadesse Abraham.»
Une préparation spécifique était-elle nécessaire pour les épreuves de longue distance de ces Mondiaux?
«C'était une idée lumineuse d'organiser ces Mondiaux ici... Mais c'est comme ça, et on a eu le temps de se préparer. Il s'agit aussi d'une sorte de répétition générale en vue des JO de Tokyo 2020. Mais là, le stade ne sera pas climatisé, donc ce sera encore pire. Avec les scientifiques de l'Office fédéral du sport à Macolin et Swiss Olympic, une Task Force a été mise en place pour gérer cette problématique. On a fait une série de prétests, pris des mesures que l'on teste pour la première fois ici.»
Comment avez-vous sensibilisé les athlètes?
«Nous avons eu des discussions avec les athlètes et les entraîneurs, car beaucoup de choses devaient être testées à l'entraînement. Cela concerne principalement Tadesse Abraham (réd: le Genevois disputera le marathon dans la nuit de samedi à dimanche), qui s'entraîne en Ethiopie. Sur nos recommandations, il a décidé de quitter son groupe d'entraînement pour effectuer certaines séances en plaine, parce qu'il y fait plus chaud. Plutôt que de terminer sa préparation au sein d'un super groupe d'entraînement, Tade a fait ça tout seul. La qualité de son entraînement était du coup un peu moins bonne, mais l'acclimatation à la chaleur est primordiale. C'est un paramètre-clé dans ces Mondiaux. Nous avons aussi fait des tests dans le Vélodrome suisse à Granges, où se trouve un laboratoire qui permet de simuler la chaleur et l'humidité. C'est en effet la combinaison des deux éléments qui pose en effet problème. Ici, les gens sont surpris du taux d'humidité, surtout la nuit. Mais les données étaient claires pour tout le monde. C'est une idiotie de faire des Mondiaux ici, mais c'est comme ça. Tous ces tests nous permettent d'aller sur la ligne de départ de manière sereine avec Tadesse.»
Une médaille est-elle envisageable pour Tadesse Abraham, ainsi que pour Julien Wanders sur 10'000 m?
«Le marathon sera une énorme loterie. On ne sait pas si les athlètes ont suivi scrupuleusement ou non un processus d'acclimatation à la chaleur, ni quelles seront les mesures prises avant le marathon en matière de 'pre-cooling', ou pendant la course. J'attends de grosses surprises sur ce marathon. Mais tout est possible pour Tadesse s'il est en grande forme et s'il digère bien la chaleur. Quant à Julien, il peut faire de belles choses sur 10'000 m. Il est en constante progression, et a montré qu'il peut devenir très, très fort sur la piste. Je pense qu'il sera encore plus fort à Tokyo qu'ici, mais il va se battre pour obtenir une belle place.»
Julien Wanders a-t-il également dû faire des ajustements dans sa préparation?
«Le stade est climatisé. Mais 24-25 degrés, ça reste très chaud pour disputer un 10'000 m. Lui aussi s'est entraîné en plaine au Kenya. Ici, il s'entraîne sur tapis roulant à l'intérieur, mais en étant chaudement habillé. On ne peut pas sous-estimer la difficulté de courir un 10'000 m par 24-25 degrés. Ca peut être problématique.»