Retenu parmi les six sportifs de l'année aux Credit Suisse Sports Awards, Ramon Zenhäusern a vécu une année folle. Médaillé d'argent du slalom olympique à Pyeongchang, membre de l'équipe championne olympique lors du Team Event et vainqueur de sa première course de Coupe du monde à Stockholm en slalom parallèle, le "grand Z" s'est affirmé sur la piste et dans le coeur des Suisses.
Zenhäusern a incontestablement été un des acteurs majeurs de l'année sportive. Le skieur haut-valaisan a traversé 2018 avec le sourire aux lèvres. Quatrième à Wengen, sixième à Kitzbühel, vainqueur à Stockholm: le millésime a agi comme un déclic pour celui qui travaille avec un psychologue du sport depuis les Mondiaux de St-Moritz en 2017.
"C'est vraiment une année folle", reconnaît le Viégeois au sortir d'un entraînement à Zinal où il s'est confié à Keystone-ATS. "Je me suis dit que je devrais peut-être écrire tout ce que j'ai ressenti. Ma mère me pousse à le faire. Toutes les émotions que j'ai pu vivre cette année. Tous les accueils officiels, de la commune, du canton, du pays... C'était incroyable. Beaucoup de gens sont tellement contents pour moi. J'étais un peu gêné au début, mais ça fait super plaisir. Peut-être que ma grande taille me rend atypique et que les gens aiment ça, je ne sais pas. Peut-être aussi qu'on m'apprécie en Suisse romande parce que je parle français", poursuit le tout frais bachelier en économie.
Ses bâtons au Musée olympique
A Pyeongchang, le géant de Bürchen est presque parvenu à mettre les supporters suisses à genous. Ses deux médailles lui ont permis d'entrer de plain-pied dans l'histoire olympique nationale.
Neuvième sur le tracé initial, Zenhäusern s'arrache lors de la deuxième manche. Sa spectaculaire remontée n'est stoppée que par le Suédois Andre Myrher qui se pare d'or. Qu'importe pour le Haut-Valaisan qui accepte l'argent avec un indicible bonheur.
"C'était très serré, se remémore-t-il. Je fais une bonne première manche, sauf que dix skieurs sont capables de viser le podium. Comme à Wengen, je suis monstre content, mais je me dis que ça ne suffit pas pour le podium. Et puis, tout d'un coup, je sais que j'ai une médaille. Aux JO on devait rester debout, il n'y a pas le "hot seat" comme en Coupe du monde. Alors quand j'ai su que j'avais la médaille, je me suis assis (rires)."
A Wengen, la joie du Haut-Valaisan lui fait jeter ses bâtons en l'air. Depuis, c'est devenu sa marque de fabrique, comme le lancer de ski de Didier Cuche. "J'ai vu du vert, c'était automatique, glisse-t-il en souriant. Seulement comme je n'étais pas sûr que ça suffise pour une médaille, j'ai hésité avant de les jeter. Mais après j'ai vu qu'il y avait de la place et que je ne risquais rien alors j'en ai profité!"
Le Musée olympique ne s'y est d’ailleurs pas trompé puisqu'il a demandé au Haut-Valaisan ses bâtons afin de les mettre dans une vitrine. Plus qu'honoré, Ramon Zenhäusern n'a pas hésité une seconde. "Il y a mes bâtons à côté de la tenue de Pirmin Zurbriggen à Calgary, mes bâtons à côté d'autres objets des légendes, raconte-t-il avec les yeux plein d’étoiles et de sincérité. C'est complètement fou. C'est vraiment l'histoire suisse. En tant que sportif, tu dois toujours regarder devant, jamais derrière. Mais là, ça faisait 38 ans qu'il n'y avait pas eu de médaille suisse en slalom. C'était le Fribourgeois Jacques Lüthy. Il est d'ailleurs venu à l'accueil à Viège."
Le clou du spectacle lors du team event
Au vu de la performance du géant de Bürchen sur le slalom, on se dit tout de suite que la Suisse a quelque chose à jouer sur le Team Event. Qu'avec une Wendy Holdener en forme et un Zenhäusern supersonique sur une pente taillée pour lui, la Suisse peut légitimement songer à une médaille.
De la zone mixte se dégage la sensation que Zenhäusern est invincible. Que les piquets ne jouent pas franchement leur rôle d’obstacles, qu'ils font la révérence face à la puissance du Haut-Valaisan. Comme s'il était "dans la zone", cet état presque euphorisant qui permet aux sportifs de se sublimer. Tour après tour, cette sensation se transforme en certitude. Le meilleur ce jour-là, c'était lui.
"J'ai aussi ressenti ça, dit-il après quelques secondes de réflexion. J'avais vraiment le sentiment d'être invincible, c'est vrai. J'ai presque envie de dire que je savais que je pouvais le faire presque tout seul. Il fallait que quelqu'un d'autre soit aussi en grande forme et c'était Wendy. La pente était assez plate et les succès d'avant m'ont conforté dans l'idée que je pouvais le faire. Mais cela m'a aussi presque fait peur. Entre les deux courses, je me suis rendu compte que je pouvais repartir de Corée du Sud avec deux médailles. Ceci dit je suis fier d'avoir pu contrôler mes émotions et garder de l'énergie, parce que la médaille d'argent m'a fait brûler beaucoup d'énergie. Sportivement, elle compte plus. Mais avec l'équipe, c'était aussi génial. Et l'or en équipe a un peu déteint sur ma médaille d'argent, comme s'il y avait une petite couche d'or en plus."
A la recherche d'un sponsor à faire figurer sur son casque, Ramon Zenhäusern a finalement réussi à en décrocher un cet automne. Un défi qui prouve que même avec deux médailles olympiques en ski alpin et un capital sympathie au-dessus de la moyenne, le financement dans le sport en Suisse demeure un combat quotidien. "Je suis moins stressé maintenant, conclut-il. C'était vraiment dur."
Un dernier sourire et Ramon Zenhäusern se prépare déjà à attaquer 2019 avec la même envie contagieuse. Le City-Event d'Oslo est agendé le 1er janvier. Le Haut-Valaisan fera partie des favoris. Une belle manière de débuter la nouvelle année.