Avant le géant d'Adelboden samedi, Marco Odermatt vole-t-il déjà vers son troisième gros globe de cristal ? Privé de son dauphin au classement général, le génie du ski alpin semble n'avoir plus qu'un adversaire : lui-même.
Le constat peut paraître prématuré début janvier, d'autant que le no 1 mondial n'a pu inscrire ses premiers points que le 9 décembre en remportant le géant de Val d'Isère, après l'annulation de ses six premières épreuves de Coupe du monde à l'automne. Sauf impasse ou blessure, il reste donc 21 courses d'ici la fin mars dans ses trois spécialités (géant, super-G et descente), contre huit déjà disputées, soit largement le temps de dilapider ses 172 points d'avance au général.
Mais son poursuivant immédiat, le polyvalent autrichien Marco Schwarz, a dû mettre fin à sa saison le 28 décembre, après s'être gravement blessé au genou droit à mi-parcours de la descente de Bormio. Or «Blacky», qui voulait jouer le gros globe de cristal en disputant toutes les courses de la saison alors que sa discipline de prédilection est le slalom, paraissait de loin la principale menace pour Odermatt.
Triple leader
«Ce duel aurait électrisé tout le monde du ski», mais Odermatt semble désormais assuré d'une troisième couronne mondiale consécutive «même s'il part en vacances aux Maldives dès la fin janvier», constatait récemment le Luxembourgeois Marc Girardelli, quintuple vainqueur du classement général, dans le quotidien suisse Blick. Le no 2 mondial des deux derniers hivers, le Norvégien Aleksander Aamodt Kilde, accuse déjà 396 points de retard sur le champion suisse après un début de saison en demi-teinte et aucune victoire dans ses disciplines fétiches, la descente et le super-G.
A l'inverse, «Odi» semble imperméable à tout: son statut d'immense favori après deux gros globes d'affilée – assorti pour le deuxième d'un record historique de points –, la cascade d'annulations qui ont encore déséquilibré le calendrier en faveur des techniciens, un lumbago vite surmonté fin novembre. Avec déjà quatre succès à l'automne (géants de Val d'Isère et doublé à Alta Badia, super-G de Bormio), le Nidwaldien de 26 ans revient sur ses terres vêtu des trois dossards rouges de leader des classements provisoires de descente, super-G et géant.
Certes, le grand blond au perpétuel sourire d'ado n'a pas encore remporté de descente de Coupe du monde, lui qui accuse un double déficit face aux purs spécialistes: un gabarit relativement fin et une connaissance encore perfectible des pistes liée à son jeune âge.
Acrobate
Mais avec déjà onze podiums dans la discipline, il se sait tout proche, d'autant qu'il avait éclaboussé de sa classe en février dernier la descente des championnats du monde de Méribel-Courchevel, chef-d'oeuvre d'audace et de justesse.
Dans l'immédiat, la mythique Chuenisbärgli d'Adelboden, avec son tracé déversant, ses incessants changements de rythme et son mur final à 60%, pourrait lui sourire pour la troisième année consécutive. Odermatt y avait décroché début 2022 son premier succès devant son public, surmontant l'énormité des attentes au pays du ski roi, face à une marée de drapeaux helvétiques en liesse.
Reste qu'il lui faudra aussi gérer la fatigue et un programme démentiel jusqu'à la mi-février, en particulier en vitesse, avec deux descentes et un super-G la semaine prochaine dans la vallée voisine de Wengen puis deux descentes la semaine suivante sur la redoutable Streif de Kitzbühel.
Skieur frisson aux trajectoires ultra-directes, Odermatt a jusque-là pu compter sur ses talents d'acrobate, quitte à se rétablir sur une jambe comme il y a deux ans à Bormio. Mais le Nidwaldien, qui protestait il y a quelques semaines encore contre la densité du calendrier, avait connu une sérieuse alerte l'an dernier à Kitzbühel: sur une chute dans la première descente, il avait été touché au genou gauche, finalement sans gravité.