Techno Brésil: Felipe Neto, le youtuber qui défie Bolsonaro

AFP

7.10.2020 - 10:49

Habitué à faire rire les jeunes avec ses vidéos sur Youtube, Felipe Neto est devenu une personnalité de premier plan du débat politique au Brésil défiant le président d'extrême droite Jair Bolsonaro et s'exposant au discours de haine de certains de ses partisans.

«Ce qui dérange tellement le gouvernement, c'est que beaucoup de gens sont d'accord avec moi, et ça se passe justement là où ils sont d'habitude en terrain conquis, sur internet», explique-t-il dans un entretien par courriel à l'AFP.

Fort de 39,7 millions d'abonnés sur Youtube et 12,4 millions sur Twitter, ce jeune homme de 32 ans né dans un quartier populaire de Rio de Janeiro est l'un des deux Brésiliens qui figurent sur la liste des 100 personnalités les plus influentes du monde du magazine américain Time. Le deuxième est le président Bolsonaro.

QUESTION : Vous continuez à penser que Jair Bolsonaro est «le pire président du monde» pour le combat contre la pandémie de coronavirus, comme vous l'aviez dit en juillet au New York Times ?

RÉPONSE : «C'est le pire président au monde non seulement en ce qui concerne la pandémie, mais aussi en matière d'environnement. Je n'ai pas le moindre doute là-dessus. Mais il est mauvais dans presque tous les domaines. L'économie va de mal en pis, notre politique étrangère est inexistante, nous sommes une blague pour le monde entier. Le Brésil est en train de s'enfoncer».

Q : Avez-vous pensé à abandonner après les attaques des pro-Bolsonaro ?

R : «Pour moi, me taire n'est pas une option (...) Ils ont tout fait pour salir mon nom, me traiter de pédophile, d'escroc, de communiste. Mais ils n'ont pas réussi à détruire ma réputation. Au contraire, ça n'a fait que renforcer mon image. Puis, du jour au lendemain, ces attaques coordonnées sur internet ont cessé».

- «Je ne regrette rien» -

Q : Pourquoi avez-vous décidé d'assumer publiquement vos positions politiques ?

R : «J'ai commencé à faire des vidéos sur Youtube très jeune et j'ai mûri sous le regard de beaucoup de gens. J'ai commis beaucoup d'erreurs, j'en commets encore, mais je me suis engagé à étudier et à tenter d'évoluer en permanence. J'ai toujours parlé de politique (il a critiqué par le passé le Parti des travailleurs de l'ex-président de gauche Lula, ndlr). Le problème, c'est que la situation politique du pays a changé et beaucoup de gens se sont rendu compte de l'abîme dans lequel on était plongé».

Q : Quelles ont été les conséquences de cet engagement ?

R : «Financièrement, ça m'a coûté très cher. Actuellement, je n'ai plus le moindre sponsor qui me soutient sur le long terme. Les entreprises se sont éloignées, des contrats de sponsors n'ont pas été renouvelés, même si je continue à battre tous les records en termes d'interactivité avec les internautes et de retour pour les marques. J'ai perdu des millions de réais.

Ça m'a aussi coûté ma liberté, parce que j'ai dû avoir recours à une sécurité renforcée à cause de menaces que j'ai reçues. J'ai peur pour ma famille. Mais je ne regrette rien et je peux dormir tranquille chaque soir, en sachant que je fais tout ce que je peux pour combattre le fascisme».

Q : Comment avez-vous réagi après avoir vu votre nom figurer sur la liste des 100 personnalités les plus influentes du monde de Time ?

R: C'était une énorme surprise. Seuls 12 Brésiliens dans l'histoire y ont figuré et c'est la première fois que quelqu'un issu du secteur du divertissement est cité. C'est un grand honneur, et ça me fait prendre encore plus conscience de la responsabilité qui est la mienne en raison de cette influence».

Q : Avez-vous l'intention de vous lancer dans une carrière politique ?

R: «Non, le monde de la politique ne m'attire pas, je pense que je peux faire beaucoup plus en dehors, notamment avec la société civile, les ONG».

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