Un homme utilse son téléphone portable dans les rue de La Havane avec un portrait de Fidel Castro en fond, le 17 mars 2019
Une femme utilise son téléphone portable dans les rues de La Havane, le 17 mars 2019
Ces Cubains qui défient le gouvernement grâce aux réseaux sociaux
Un homme utilse son téléphone portable dans les rue de La Havane avec un portrait de Fidel Castro en fond, le 17 mars 2019
Une femme utilise son téléphone portable dans les rues de La Havane, le 17 mars 2019
Critiques, insolents parfois, mais pas forcément opposants: une nouvelle génération de Cubains défie le gouvernement socialiste à travers les réseaux sociaux, interroge les ministres sur les problèmes du quotidien et met son grain de sel dans la vie de l'île.
C'est peut-être le revers de la médaille pour le président Miguel Diaz-Canel, au pouvoir depuis avril dernier, qui a fait de l'informatisation de la société sa priorité numéro un.
Devenu le premier dirigeant cubain à ouvrir un compte Twitter, il a demandé aux membres de l'exécutif et hauts fonctionnaires de faire de même.
Puis la 3G a été déployée dans le pays – l'un des derniers au monde le faire – en décembre, dopant l'accès à internet de la population, désormais connectée depuis son téléphone. En trois mois, 1,8 million d'habitants (sur une population de 11,2 millions) s'y sont abonnés.
Les Cubains n'ont pas tardé à profiter de cet espace interactif inédit: récemment, une internaute reprochait au président de continuer à «étirer le chewing-gum» de la révolution de 1959, tandis qu'un autre le remerciait d'oeuvrer pour un «socialisme prospère».
«Cette convergence de personnes qui viennent sur les réseaux sociaux, avec les dirigeants à portée de clavier et la possibilité de leur dire ce qu'on pense, ça a changé la dynamique de la société cubaine», explique à l'AFP Camilo Condis.
Employé dans un restaurant et propriétaire d'un logement touristique, Camilo s'est bâti une petite notoriété sur Twitter à Cuba en ne cessant d'interpeller les ministres et différentes autorités sur les problèmes de la vie quotidienne.
«Je suis assez critique mais je le fais avec respect et un minimum de bon sens», confie-t-il. Ce qui n'a pas empêché plusieurs ministres, dont celui de la Communication, de le bloquer après ses interventions.
De source proche du gouvernement, on reconnaît qu'il reste encore tout un apprentissage à faire, parmi les hauts dirigeants cubains, en terme de communication 2.0.
- «Le nouveau Cuba» -
Il est vrai que ces 60 dernières années, l'île au parti communiste unique a été habituée à l'unanimité politique: la Constitution actuelle a été plébiscitée à 97,7% lors d'un référendum en 1976, puis en 1992 99,3% des électeurs ont validé le caractère «irrévocable» du socialisme, suivant en cela la consigne de Fidel Castro d'un «vote uni» contre l'impérialisme.
Les réseaux sociaux modèlent une société civile différente, plus encline à s'exprimer... et cela marche: il y a quelques mois, face au tollé soulevé par l'application de normes plus restrictives pour le secteur culturel et les travailleurs privés, celles-ci ont été modifiées.
«Je crois que cette société civile était déjà là, mais elle n'avait pas de quoi s'organiser et communiquer, maintenant elle y arrive grâce à l'internet mobile», note Camilo Condis.
«Désormais, elle a l'opportunité d'envoyer un tweet à un ministre ou au président, ou d'avoir une plateforme où discuter et débattre», renchérit le politologue Carlos Alzugaray, et ainsi elle a «réussi à imposer au gouvernement de rectifier» ses projets.
«C'est ça, le nouveau Cuba», mais il «n'est pas contre-révolutionnaire. La majorité de la population cubaine veut que les choses s'améliorent (...) et n'estime pas qu'il faut renverser le gouvernement, mais ne trouve pas non plus qu'il réagit comme il faut. Et maintenant, ils peuvent le dire par internet».
Brandissant le hashtag #AldeaTwitter (village Twitter), ces internautes cubains revendiquent leur caractère apolitique... et aussi citoyen.
Ainsi, quand, le 27 janvier, une puissante tornade a dévasté plusieurs quartiers de La Havane, des habitants se sont organisés pour venir en aide aux milliers de sinistrés, sans attendre le gouvernement comme c'était le cas auparavant.
«Personne ne se connaissait avant, mais on s'est contacté à travers les réseaux sociaux. On a commencé à aller sur place et on a créé un groupe Whatsapp pour s'organiser», raconte Aida Duarte, 29 ans, qui se rend encore dans les zones affectées pour distribuer des aliments.
Cet élan de solidarité a surpris les autorités cubaines et «les réseaux sociaux ont mis un petit peu de pression» sur l'effort public, estime-t-elle.
Pour Carlos Alzugaray, désormais «il y a une société civile que le gouvernement ne reconnaît pas comme telle mais qui est là (...). C'est un défi pour l'appareil d'Etat cubain qui n'a jamais été confronté à ça».
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