Plus besoin d'argent liquide, de carte bancaire, ni même de smartphone : les consommateurs chinois peuvent désormais payer leurs achats en scannant leur visage, dans un pays où la reconnaissance faciale connaît un essor fracassant.
La Chine est déjà très avancée en matière de paiement mobile, mais cette nouvelle technologie, actuellement déployée au niveau national, ringardise désormais même les codes QR.
«Plus besoin de prendre votre téléphone avec vous. Vous pouvez sortir faire des achats sans emmener quoi que ce soit», s'enthousiasme Bo Hu, directeur des services informatiques de la chaîne chinoise de boulangeries Wedome.
Cette populaire enseigne, qui propose pains et viennoiseries occidentales adaptées au goût des Chinois, utilise déjà des terminaux de reconnaissance faciale dans une centaine de points de vente.
Une femme utilise un terminal de reconnaissance faciale le 21 août 2019 dans un supermarché à Tianjin (Chine)
Une femme utilise un appareil de reconnaissance faciale installé dans un supermarché à Tianjin (Chine), le 21 août 2019
En Chine, on règle avec son visage même quand on paie pas de mine
Une femme utilise un terminal de reconnaissance faciale le 21 août 2019 dans un supermarché à Tianjin (Chine)
Une femme utilise un appareil de reconnaissance faciale installé dans un supermarché à Tianjin (Chine), le 21 août 2019
«Payer sans rien, ce n'était pas possible au début des paiements mobiles (réalisés avec des codes QR). Mais c'est aujourd'hui possible grâce à l'essor de la reconnaissance faciale», explique-t-il.
Cette dernière est déjà très utilisée en Chine: pour passer commande chez KFC, pour repérer des fugitifs dans la foule, des personnes qui traversent en dehors des passages piétons, ou encore pour débloquer l'accès à son lieu de travail.
La reconnaissance faciale:
"Souriez-pour-payer"
Elle est également appliquée à très grande échelle pour le maintien de l'ordre dans la région du Xinjiang (nord-ouest), où la population, majoritairement musulmane, est sous intense surveillance policière après une série d'attentats.
Pour payer, les consommateurs doivent d'abord lier une photo de leur visage à leur compte bancaire ou à un système de paiement mobile.
Une fois dans le magasin, ils n'ont ensuite plus qu'à faire scanner leur tête par le terminal prévu à cet effet.
Le géant chinois du paiement mobile, Alipay, mène la danse en Chine, avec des machines installées dans 100 villes du pays.
L'entreprise entrevoit un énorme potentiel de croissance et prévoit d'investir sur trois ans quelque 3 milliards de yuans (380 millions d'euros) pour améliorer sa technologie baptisée «Smile-to-Pay» («Souriez-pour-payer»).
Son concurrent Tencent, qui gère l'application de messagerie WeChat, aux 600 millions d'utilisateurs, a lui dévoilé en août un nouveau terminal de paiement nommé «Frog Pro».
Des start-ups tentent également d'investir ce secteur en plein essor.
«Le paiement par reconnaissance faciale a certainement le potentiel de se généraliser grâce à l'impulsion des principaux acteurs du paiement mobile», note Mengmeng Zhang, analyste du cabinet hongkongais Counterpoint.
«Alipay dépense des milliards pour diffuser cette technologie, via des subventions aux vendeurs et des récompenses financières pour les consommateurs qui l'utilisent».
Caisses à caméras
A Tianjin, grande ville à 120km au sud-est de Pékin, le supermarché IFuree, qui fonctionne sans caissières, propose également cette technologie à ses clients.
Une caméra 3D scanne les visages des personnes qui entrent dans le magasin. Au moment de payer, celles-ci scannent leurs articles elles-mêmes à la caisse, puis présentent à nouveau leur visage à la caméra. Leur compte bancaire est immédiatement débité.
«C'est pratique parce qu'on peut acheter des choses très rapidement», s'enthousiasme Zhang Liming, une retraitée.
«Dans les supermarchés traditionnels, il faut faire la queue. Ce n'est pas très agréable», souligne-t-elle.
Chez Wedome, quelque 300 boutiques possèdent désormais des terminaux de reconnaissance faciale, explique Bo Hu. Elles seront bientôt suivies par 400 autres.
La nouvelle technologie de paiement est également un moyen pour les commerces de recueillir davantage de données.
«Cette tendance dans la vente au détail est motivée par deux choses: prévenir les vols à l'étalage et obtenir des informations sur les préférences des consommateurs», note Jeffrey Ding, chercheur à l'université Oxford.
Cette nouvelle forme de paiement s'inscrit également dans le cadre d'une campagne nationale plus large pour faire de la Chine un leader mondial des hautes technologies.
"Un grand risque"
«C'est en phase avec les ambitions gouvernementales de faire de la reconnaissance faciale l'un des piliers du secteur de l'intelligence artificielle», note Adam Segal, analyste du cabinet américain Council on Foreign Relations.
Mais que faire si ces informations sont détournées de leur but premier de paiement? Beaucoup s'inquiètent des risques inhérents à cette technologie potentiellement intrusive.
«Il y a un grand risque que l'Etat utilise ces données pour ses propres besoins de surveillance, de contrôle, ou encore pour le suivi des dissidents», s'alarme Adam Ni, chercheur sur la Chine à l'université Macquarie de Sydney.
Pour les partisans de cette technologie au contraire, il n'y aurait aucune inquiétude à avoir.
«La reconnaissance faciale aide à garantir la confidentialité», estime Li Dongliang, ingénieur chez IFuree.
«Il est dangereux de composer son code de carte bancaire lorsque quelqu'un est derrière soi. Payer avec son visage permet de protéger son compte».
Mais certains consommateurs ont d'autres inquiétudes. Selon un sondage du site d'information Sina, 60% des personnes interrogées jugent leur visage «laid» lorsqu'il apparaît sur l'écran du terminal de paiement.
En réaction, Alipay a déjà annoncé une nouvelle qui devrait les rassurer: ses caméras seront désormais équipées... de «filtres d'embellissement».
Protégez vos cartes de crédit sans contact
Vol de données NFC: protégez vos cartes de crédit sans contact
Le paiement sans contact via carte de crédit fait des émules: des millions de consommateurs utilisent déjà cette technologie pour payer de petits montants en quelques secondes.
Les distributeurs de cartes de crédit en font activement la promotion: la plupart des nouvelles cartes de crédit sont équipées d'une puce NFC (Near Field Communication, ou Communication dans un champ proche).
Il suffit de chercher le symbole WLAN/Wi-fi pour déterminer si la carte est équipée de la fonctionnalité de paiement sans contact. Il ne reste plus qu'à apposer la carte sur le terminal pour envoyer le paiement. Cependant, ce confort a un prix.
Les fraudeurs ont désormais développé de nouvelles méthodes leur permettant d'accéder aux données stockées sur ces cartes équipées de la puce NFC. Ils peuvent ainsi s'enrichir au détriment de la victime.
Nous vivons à une époque où l'argent n'est plus dérobé de façon conventionnelle. Il est beaucoup plus lucratif de mettre directement la main sur les informations de la carte de crédit de la victime.
Aujourd'hui, grâce aux cartes de crédit équipées du paiement sans contact, cette manipulation dure à peine quelques secondes. Les fraudeurs ont simplement besoin d'un scanner RFID, qu'il est possible de se procurer en ligne pour environ 40 francs.
Les données de la carte de crédit de la victime sont captées à travers la poche, le sac à dos ou le porte-monnaie. C'est ainsi que le numéro de carte et la date d'expiration sont transmis au fraudeur.
Ces informations sont amplement suffisantes pour passer de petites commandes dans certains magasins en ligne. Ainsi, le criminel peut faire ses emplettes avec les données volées.
En outre, il se peut que ce piratage ne nécessite même plus de scanner, étant donné que toujours plus de Smartphones disposent d'une puce NFC intégrée pour pouvoir utiliser le paiement sans contact.
On peut imaginer que les fraudeurs utilisent un logiciel malveillant pour déclencher le lecteur NFC, activer la carte de la victime et transférer les données récupérées sur Internet.
Si vous remarquez des transactions suspectes sur votre relevé bancaire, contactez immédiatement votre banque ou votre fournisseur de carte afin, si nécessaire, de faire opposition.
Néanmoins, comment réagir avant qu'il ne soit trop tard? Au final, le vol de données ne se remarque même pas sur le moment.
On peut douter de l'efficacité des coques en aluminium censées protéger des «ondes manipulatrices». Toutefois, dans ce cas de figure, l'aluminium est une bonne solution. Si la carte a été fabriquée en cette matière, le fraudeur n'a aucune chance.
Entre-temps, de nouveaux porte-monnaie avec «protection-RFID» intégrée ont vu le jour (Alpine Swiss en a produit un modèle). Le contenu de ces porte-monnaie est protégé du vol de données.
D'autres documents équipés de la technologie NFC sont vulnérables, tels que le SwissPass émis par les CFF. En revanche, les éventuels fraudeurs ne peuvent rien faire de ces données, vu qu'elles sont sauvegardées par les CFF sur des serveurs sécurisés.
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