L'icône du courtier en ligne Robinhood sur un smartphone, le 24 juin 2020 à Washington
Le site du courtier en ligne Robinhood sur un smartphone, le 24 juin 2020 à Washington
Examen de conscience pour Robinhood, le courtier préféré des millenials
L'icône du courtier en ligne Robinhood sur un smartphone, le 24 juin 2020 à Washington
Le site du courtier en ligne Robinhood sur un smartphone, le 24 juin 2020 à Washington
Après le suicide d'un de ses clients, convaincu d'avoir perdu des centaines de milliers de dollars, le courtier en ligne Robinhood a essuyé de vives critiques. Prisée par les millenials, la plateforme est accusée par ses détracteurs de trivialiser les opérations boursières.
Alexander Kearns a mis fin à ses jours le 12 juin après avoir découvert que son compte de courtage Robinhood, où il achetait et vendait des options, affichait un solde négatif de plus de 730.000 dollars.
«Le stress émotionnel causé par une telle exposition au marché l'a poussé au suicide», a tweeté Bill Brewster, cousin par alliance du jeune homme de 20 ans et analyste financier basé à Chicago.
Mais selon la famille d'Alexander Kearns, l'interface peu claire de Robinhood et la complexité des investissements lui ont fait croire qu'il s'était gravement endetté quand son compte était en réalité créditeur.
En cas d'achat et de vente d'options, il est possible que la valeur du portefeuille d'un client soit positive, mais que sa capacité d'investissement et ses liquidités soient provisoirement négatives, a indiqué à l'AFP une source proche de Robinhood sans confirmer si ce cas de figure s'était présenté pour M. Kearns.
Dans une note de blog, les co-fondateurs de Robinhood, Vlad Tenev et Baiju Bhatt, se sont dits «personnellement dévastés par cette tragédie» et ont promis des changements, dont le renforcement des critères d'éligibilité pour investir dans des options, l'amélioration de leurs outils d'éducation financière et une meilleure lisibilité de leur interface.
MM. Tenev et Bhatt ont aussi annoncé une donation de 250.000 dollars à la Fondation Américaine pour la Prévention du Suicide.
- Démocratiser Wall Street -
Robinhood est né en 2013 avec l'ambition, selon ses fondateurs, de démocratiser l'accès à la Bourse en éliminant les commissions sur chaque opération d'achat et de vente d'actions, de fonds indiciels (ETF) ou d'options.
L'entreprise propose aussi des services comme l'achat d'actions fractionnées, qui permet d'acquérir une partie des titres d'entreprises particulièrement onéreux, ou l'octroi d'une action gratuite aux nouveaux clients.
Emblème de la «fintech», le courtier est devenu très populaire grâce à son application mobile, attirant une clientèle jeune, accro aux smartphones.
La plateforme, qui joue à fond la carte de l'interactivité, permet de créer des listes de titres en vogue et célèbre chaque opération par une pluie de confettis virtuels.
Début mai, Robinhood revendiquait plus de 13 millions de comptes avec une croissance particulièrement forte pendant le «Grand confinement». C'est davantage que des poids lourds comme Charles Schwab, TD Ameritrade ou E*TRADE, même si le montant des actifs gérés par ces derniers est très nettement supérieur.
Les clients de Robinhood sont en effet essentiellement des petits porteurs, friands de mouvements spéculatifs et attirés par les actions cotées en cents -- un profil parfois moqué par les investisseurs chevronnés.
Mais des analystes de la Société Générale ont étudié les positions des usagers de la plateforme depuis le début de l'année.
«Le moment choisi pour investir semble impeccable avec un regain considérable des placements au moment où les marchés actions ont plongé à la mi-mars», ont-ils remarqué, dans une note récente.
- Responsabilités -
Depuis ses débuts, le modèle économique de Robinhood interroge. Outre les levées de fonds et les abonnements premium, la plateforme se rémunère grâce à des commissions versées par des animateurs de marché dont elle achemine les ordres.
Courante chez les courtiers, cette pratique est parfois dénoncée pour son manque de transparence, loin du message véhiculé par Robinhood.
L'entreprise a aussi connu des accidents de parcours, notamment sa tentative avortée d'offrir à ses clients des comptes courants et épargne, ou encore les nombreuses pannes de son application.
Mais la critique la plus fréquente à l'encontre de la plateforme est son manque, voire son absence, de garde-fous.
«Robinhood rend beaucoup trop facile à de jeunes investisseurs sans expérience, dont les comptes affichent des soldes bas, de s'aventurer dans des investissements risqués» qu'ils ne maîtrisent pas, regrette Tara Falcone, fondatrice de ReisUP, un cabinet d'éducation financière.
L'application mobile met par exemple en avant des cryptomonnaies, comme le bitcoin, sans avertir outre mesure sur les possibles dangers de tels placements.
Pour Mme Falcone, les annonces des fondateurs après le suicide d'Alexander Kearns sont un pas dans la bonne direction, mais Robinhood peut et doit aller beaucoup plus loin.
«La démocratisation des investissements financiers est une mission merveilleuse et ils ont clairement fait un travail immense dans ce sens», souligne la spécialiste en planification financière.
«Mais ce genre de liberté implique de grandes responsabilités. Une partie est du ressort des individus qui prennent ces décisions, mais je crois que Robinhood a aussi une responsabilité envers sa clientèle», ajoute-t-elle.
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