L'Otan parée à la cyberguerre, prépare des renforts pour l'Afghanistan
Les pays de l'Otan ont donné mercredi leur feu vert au recours à des tactiques de cyberguerre dans les opérations de l'Alliance, une nouvelle étape pour renforcer sa "dissuasion" face à la Russie.
Les 29 ministres de la Défense de l'Alliance atlantique ont également donné leur feu vert à une refonte de sa "structure de commandement", ressuscitant un centre supervisant l'Atlantique Nord comme du temps de la Guerre Froide.
Ils vont aussi mettre sur pied un commandement "de l'arrière" qui doit lever les nombreux obstacles logistiques rendant aujourd'hui impossible le déplacement rapide de troupes en Europe.
Depuis l'annexion de la Crimée et l'offensive de rebelles prorusses dans l'est de l'Ukraine en 2014, l'Otan a entamé une profonde mue face à une Russie jugée "plus agressive".
"Nous avons vu une Russie (...) qui a investi lourdement en matière de défense depuis de nombreuses années, (acquérant) des capacités modernes, des forces conventionnelles et nucléaires, et qui a montré qu'elle voulait faire usage de la force contre des pays voisins", a souligné le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, en référence à l'Ukraine.
"L'Otan a su y répondre. Nous nous adoptons constamment", a-t-il insisté, rappelant le déploiement de bataillons dans les pays baltes et en Pologne.
- Article 5 -
L'Otan considère depuis 2016 le cyberespace comme un "domaine opérationnel".
Par conséquent, "une cyberattaque peut déclencher l'article 5" du traité fondateur de l'Alliance, qui prévoit que les pays membres volent au secours d'un allié en cas d'agression, a rappelé M. Stoltenberg.
Les tactiques de cyberguerre --contre des sites ou sur les réseaux sociaux, pour intercepter des échanges, éteindre des serveurs ou saboter des technologies utilisées au combat-- ont été utilisées "très efficacement" en Irak et en Syrie contre le groupe Etat islamique (EI) par certains pays de l'Alliance, a-t-il pointé.
Les principales puissances de l'Otan (Etats-Unis, Royaume-Uni et France) disposent de capacités offensives en la matière, mais un récent exercice de l'Otan a révélé de graves faiblesses alors que la Russie a une réputation d'excellence en la matière, selon des diplomates.
"Nous devons être tout aussi efficaces dans le domaine cyber que nous le sommes sur terre, en mer et dans les airs", selon le chef de l'Alliance.
Pour "renforcer sa dissuasion", l'Otan a lancé mercredi un remaniement de sa structure de commandement, ce qui va mettre fin à une série de coupes dans ses effectifs, passés de 22.000 hommes au temps de la Guerre froide à 6.800 aujourd'hui.
L'intense activité des croiseurs et sous-marins russes dans l'Atlantique explique que les Alliés veuillent ranimer un centre dédié à "garantir que les voies maritimes entre l'Amérique du Nord et l'Europe restent libres et sécurisées".
Mais les 29 Etats membres, sous pression du président américain Donald Trump pour augmenter leurs dépenses, ne trancheront les questions les plus difficiles (ampleur de la hausse d'effectifs, budgets et sites d'implantation) qu'en février prochain.
- Présence iranienne -
Jeudi, l'Otan doit répondre à un autre appel de la Maison Blanche qui a réclamé des renforts pour la mission en Afghanistan, en soutien à sa "nouvelle stratégie" pour ce pays.
Après 16 ans de conflit et malgré des centaines de milliards de dollars d'aide internationale, les talibans, qui contrôlent 40% du territoire afghan, multiplient les attaques, y compris à Kaboul.
"Resolute Support", la mission de conseil et d'assistance de l'Otan à l'armée afghane, forte actuellement d'environ 13.000 soldats, devrait en compter "quelque 16.000 l'an prochain", a précisé M. Stoltenberg.
Les Etats-Unis devraient contribuer à hauteur de 2.800 soldats supplémentaires et les Alliés ainsi que leurs partenaires devraient fournir 700 soldats, selon des sources diplomatiques.
Jeudi après-midi, le ministre américain Jim Mattis réunira une trentaine de ministres et représentants des pays de la coalition contre l'Etat islamique pour faire le point sur la campagne militaire en Irak et en Syrie.
La chute de Mossoul en Irak et, plus récemment, de Raqa, la "capitale" de l'EI en Syrie, ouvrent la voie à des considérations sur "l'après" Etat islamique, selon M. Mattis.
"Il y a beaucoup d'attentes", note une source française, notamment en raison du discours offensif de M. Trump contre l'Iran.
"On se demande comment les discours des hauts responsables américains sur la nécessité de faire refluer la présence iranienne dans la région va se manifester concrètement dans la stratégie militaire", a-t-elle expliqué.
Mercredi soir, M. Mattis devait profiter d'un dîner avec ses homologues pour des consultations sur les urgences sécuritaires du moment, à commencer par la Corée du Nord.
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