Une antenne satellite du stand Ultra Electronics au salon Satellite 2019 à Washington le 6 mai 2019
Jeff Bezos, le 19 septembre 2018 à Oxen Hill, dans le Maryland
La course à internet dans l'espace
Une antenne satellite du stand Ultra Electronics au salon Satellite 2019 à Washington le 6 mai 2019
Jeff Bezos, le 19 septembre 2018 à Oxen Hill, dans le Maryland
L'affolement a gagné le secteur spatial depuis que l'homme le plus riche du monde, Jeff Bezos, a laissé filtrer son dernier projet baptisé Kuiper: 3.236 satellites à 600 kilomètres d'altitude pour arroser la Terre d'internet à haut-débit.
Offrir un internet à ultra haut-débit jusque dans les déserts numériques est aussi le but de la société OneWeb, qui doit commencer cet été en Floride à fabriquer deux satellites par jour, pour une constellation de plus de 600 satellites censée être opérationnelle en 2021.
SpaceX, société du milliardaire américain Elon Musk, est également active: elle a obtenu l'autorisation de placer 12.000 satellites à diverses altitudes, la constellation Starlink.
Sans compter d'autres projets encore moins financés ou définis.
Y a-t-il de la place pour trois, quatre, cinq... opérateurs d'internet dans l'espace?
Dans les sessions publiques et les couloirs du grand salon international Satellite 2019, à Washington cette semaine, les professionnels du secteur disent redouter un bain de sang coûteux. A fortiori si Jeff Bezos, qui a créé Amazon, décidait d'écraser la concurrence en proposant des prix très bas.
«Jeff Bezos est assez riche pour faire mettre la clé sous la porte à tout le monde», dit à l'AFP Matt Desch, directeur général d'Iridium Communications.
Iridium s'y connaît, en banqueroutes. La firme avait lancé un téléphone satellite dans les années 1990, une «brique» à 3.000 dollars et 3 dollars la minute. Presque personne ne s'était abonné, à l'aube des téléphones cellulaires.
Après le dépôt de bilan, la société s'est relancée et a fini cette année de renouveler toute sa constellation, 66 satellites qui offrent une connectivité, mais pas en haut-débit, sur 100% du globe à des clients institutionnels: navires, avions, armées et entreprises.
«Le problème est que les satellites requièrent des milliards de dollars d'investissements. Si vous vous plantez, vous créez une sorte d'hiver nucléaire pour tout le secteur pendant dix ans. C'est ce qu'on a fait», poursuit Matt Desch.
«Les nouveaux, je leur souhaite de réussir», ajoute le patron. «J'espère qu'ils ne mettront pas trente ans à réussir comme nous».
- Streaming dans l'avion -
Disposer d'internet depuis l'espace est utile en priorité pour les zones isolées puisque dans les villes, les utilisateurs ont déjà la fibre ou le câble. Dans une constellation, n'importe quel point du globe a un ou plusieurs satellites en vue dans le ciel: une antenne suffirait pour recevoir le très haut-débit, directement.
«C'est comme une très haute antenne cellulaire», simplifie Al Tadros de Maxar, un constructeur de satellites.
L'autre avantage des constellations annoncées est qu'elles voleront relativement bas, ce qui réduira le «temps de latence»: le temps de réponse, si crucial pour la fluidité des conversations ou jeux vidéo, par exemple.
Le problème des zones isolées est qu'il n'y a pas assez de clients rentables. C'est pourquoi OneWeb a réduit ses ambitions initiales et va d'abord se concentrer sur la fourniture d'internet aux avions (imaginez des films en streaming dans un vol transatlantique) et aux bateaux, où la demande est énorme.
«Pour survivre dans les premières années, il faut viser ce qui rapporte de l'argent, c'est-à-dire les secteurs maritime et aérien», dit l'analyste Shagun Sachdeva, du cabinet Northern Sky Research.
Combien de projets de constellations mourront? «Beaucoup.» Combien survivront? «Peut-être deux.»
Selon elle, l'internet de l'espace ne sera pas banalisé avant au moins cinq ou dix ans.
Amazon n'en est qu'au début du chantier. Un obstacle concerne les droits d'accès au spectre de fréquences.
En arrivant tard, il n'est pas prioritaire, pointe Michael Schwartz, de l'opérateur Telesat, qui prépare sa propre constellation pour les entreprises. «Les gens ne font pas assez attention à la nécessité d'obtenir des droits sur le spectre.»
Mais les avantages d'Amazon sont évidents. Le groupe dispose d'une formidable infrastructure informatique au sol, qui pourra soutenir le réseau satellite.
Et Jeff Bezos finance sa propre société de fusées, Blue Origin, qui pourra assurer à un prix compétitif les dizaines de lancements nécessaires à la constellation.
Fair play, le directeur financier de OneWeb Thomas Whayne a reconnu lors d'un panel lundi: «S'ils sont sérieux, ils le feront et le feront bien.»
Retour à la page d'accueil