Disney, Apple, Warner, Canal+... La course au streaming met la planète TV en ébullition

AFP

9.4.2019 - 13:18

C'est le branle-bas de combat dans l'industrie mondiale de la télévision: studios hollywoodiens et grandes chaînes publiques et privées d'Europe mettent les bouchées doubles pour se lancer dans l'aventure du streaming et tenter de contrer l'irrésistible ascension du géant américain Netflix.

Aux Etats-Unis, pendant qu'Apple fourbit ses armes avec Apple Video+, la Warner et Disney s'apprêtent à lancer leurs plateformes de vidéo par abonnement (ou SVoD).

De l'autre côté de l'Atlantique, les grandes manœuvres sont également engagées, souvent via des unions sacrées entre service public et chaînes privées: la BBC et ITV vont lancer leur plateforme commune BritBox, tandis que France Télévisions, TF1 et M6 veulent créer Salto.

Des mouvements tectoniques scrutés par les professionnels de la télévision réunis au MIPTV, grand-messe du secteur qui se déroule jusqu'à jeudi à Cannes.

«Il y a un emballement et une accélération, car plusieurs phénomènes sont en train de converger», explique à l'AFP Philippe Bailly, dirigeant du cabinet NPA Conseil.

D'un côté, «les acteurs traditionnels comme les bouquets payants et les grandes chaînes historiques sont en train de se convertir aux services à la demande, et en parallèle, les studios comme Warner et Disney, qui vendaient jusqu'ici des droits de diffusion aux plateformes, veulent s'asseoir à la table en montant leurs propres services», résume-t-il.

Raz-de-marée d'offres

Pour Aled Evans, expert du secteur au cabinet IHS Markit, la conversion au streaming «est avant tout une réponse au changement profond des usages des consommateurs vers des contenus visionnés à la demande, enclenché depuis une dizaine d'années, plutôt qu'une réaction à Netflix».

Pour les acteurs traditionnels, décrypte-t-il, s'unir est une bonne stratégie car ils peuvent ainsi financer des programmes exclusifs à gros budget, clé du succès pour attirer les consommateurs.

«Nous sommes trop petits, même si nous sommes les plus grands dans notre pays», a souligné au MIPTV la présidente de France Télévisions Delphine Ernotte.

«Je ne pense pas qu'on va se battre contre Netflix, mais je pense qu'il y a de la place pour un acteur local dans la SVoD», a-t-elle lancé, «heureuse» de travailler avec TF1 et M6.

Maxime Saada, patron de Canal+, pionnier de la télévision payante, s'attend lui à un raz-de-marée d'offres de plus en plus spécialisées. Dont son groupe espère émerger en continuant d'agréger films, sport et séries.

«On va se retrouver avec 50 ou 100 simili-Netflix, qui se voudront le Netflix de ceci ou de cela (...) et le consommateur se retrouvera noyé dans un océan d'offres à 5 ou 10 euros (par mois)... Mais il ne pourra pas s'abonner à 50 ou 100 services», dit-il.

Accords et désaccords

Au-delà des coûts, cette multiplication des offres pourrait compliquer la vie des téléspectateurs.

«Aux Etats-Unis, il y a plus de 300 services de streaming selon certaines estimations», relève Philippe Bailly, ce qui lassent certains consommateurs, contraints de jongler entre les plateformes.

D'après lui, «les fournisseurs d'accès ont une carte à jouer». Comme ils ont déjà lancé des bouquets de chaînes thématiques, «demain ils proposeront des bouquets d'offres de SVoD», prédit-il. Un modèle qui pourrait séduire les nouveaux entrants comme Disney+, en les aidant à pénétrer dans les foyers.

La productrice Simone Harari-Baulieu y voit l'opportunité, pour les chaînes, de rattraper leur retard auprès des 20-35 ans, «accros» au streaming.

Cependant, le timing est essentiel, juge-t-elle, critiquant l'«insupportable» délai, de plusieurs mois, que va prendre l'Autorité de la concurrence française avant d'autoriser ou non Salto: «A chaque semaine qui passe, ce sont des abonnés gagnés par Netflix et Amazon».

«Il y a urgence», a admis à Cannes le PDG de TF1 Gilles Pélisson, même si cela n'empêche pas son groupe de négocier des accords en parallèle avec Netflix, qui a accepté de préfinancer sa nouvelle série événement «Le Bazar de la charité», un drame historique avec des milliers de figurants.

De tels accords de circonstance pourraient se multiplier, souligne M. Bailly, car il aideront Netflix ou Amazon à compenser la perte des droits sur tout ou partie des catalogues des studios hollywoodiens, un vrai défi pour les deux groupes.

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