TechnoLa foi chevillée au selfie, les jeunes catholiques s'affichent sur Instagram
AFP
26.12.2019 - 18:34
Selfie sur un prie-Dieu, concours de crèches, profusion de #deogratias: mission d'évangélisation ou simple partage du quotidien, les jeunes catholiques s'emparent sans complexe du réseau social Instagram, loin des débats et polémiques sur Twitter ou Facebook.
«Petite je voulais être missionnaire, aujourd'hui je me dis que j'ai le devoir de témoigner de ma foi sur Instagram», déclare à l'AFP Angélique Provost, photographe de 26 ans, 8.800 abonnés sur le réseau social.
«Je poste sur la vie de ma famille, sur ma pratique religieuse» décrit-elle, «pour moi il n'y a pas de différence entre un +post+ sur mes enfants qui découvrent les vitrines de Noël, et un autre où je me montre au sortir de la messe du mercredi des Cendres, avec des cendres sur le front, c'est mon quotidien.»
Son message sur le choix d'une école catholique pour l'aîné de ses deux fils a généré des milliers de «likes». Mais pas de polémique: sur Instagram, on vient regarder des photos de gens dont on se sent proche, pas débattre.
Une attitude qui fait écho à celle des catholiques conservateurs, explique à l'AFP le sociologue Yann Raison du Cleuziou. «Ils ont une sociabilité très affinitaire, partout où ils vont, ils cherchent leurs pairs, les réseaux sociaux permettent d'activer cette communauté».
La Conférence des évêques de France (CEF) a bien identifié cette tendance et son compte est désormais suivi par plus de 11.600 abonnés, pour environ 2.000 en début d'année.
«Nous étions déjà sur Facebook et sur Twitter, des plateformes où les échanges sont souvent très politisés, où on réagit beaucoup à l'actualité», explique Kandida Muhuri, responsable du pôle éditorial à la communication de la CEF.
Pour «toucher» les jeunes, «on a valorisé du contenu qu'ils peuvent apprécier sur Instagram: de beaux visuels, une phrase de l'encyclique Laudato Si, une jolie typographie, des paroles spirituelles... et on voit que ça réagit énormément», ajoute-t-elle, convaincue de l'émergence d'une communauté de jeunes catholiques «décomplexés», et moins politisés que leurs aînés.
«Que ce soit le mariage gay, ou la vie de Vincent Lambert: je ne suis pas là pour me disputer, et ce n'est pas à moi de leur expliquer la foi catholique» abonde Angélique Provost.
- Briquets «Jesus loves you» -
«Il y a toujours une gêne à mêler politique et religieux chez les catholiques», explique Yann Raison du Cleuziou. «Il y a eu une fatigue militante après la Manif pour tous, durant laquelle les catholiques ont beaucoup souffert d'être pris à partie. Les jeunes générations sont face à un double positionnement minoritaire: au sein de la société française d'une part, et au sein de la communauté catholique d'autre part, cela aboutit à un besoin pour eux de s'affirmer et de dire: +on est catholiques, et bien dans notre époque+ pour pallier ce sentiment de marginalisation.»
Sur la forme, cette tendance rappelle certaines églises évangéliques américaines, qui «ont réussi à mettre d'énormes moyens pour produire des vidéos et des images simples et très efficaces, avec des codes branchés et cools», décrypte le père Benoît Pouzin, lui-même très actif sur les réseaux sociaux.
Ancienne célébrité de la «pop-louange», une fois devenu prêtre, il a fait installer dans son église de Valence des écrans et «le meilleur des systèmes sons».
La tendance fait aussi recette: Armelle Pecqueriaux, qui avait fondé le concept store chrétien Catho Rétro en 2015, voit ses commandes s'envoler.
La signature de la marque repose sur un choix de produits très modernes (briquets «Jesus loves you», bible manga, statues de la vierge rose fluo...) et des collaborations régulières avec des marques pointues. Le site enregistre désormais plus de cent commandes par jour en période de fêtes, emploie quatre salariés, et voit ses deux enseignes, à Marseille et Paris, rencontrer le même succès.
«Je sens que les gens s'affichent davantage sur les réseaux sociaux avec des éléments de leur pratique religieuse comme un coin prière ou une crèche» raconte l'entrepreneure de 34 ans, qui comptabilise 20.300 abonnés sur Instagram.
«Je sens qu'ils reviennent par les objets et les accessoires +tendance+ à une identité catholique assumée» analyse-t-elle «au début je ne me sentais pas en mission, mais maintenant, j'ai parfois l'impression de faire du marketing de l’Église.»
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