Manifestation contre la violence sexuelle le 23 novembre 2019 à Marseille
Des chaussures rouges accrochées aux grilles du tribunal de Nantes le 25 novembre 2017 pour dénoncer les agressions dont sont victimes les femmes
Le boom des applis de lutte contre le harcèlement de rue
Manifestation contre la violence sexuelle le 23 novembre 2019 à Marseille
Des chaussures rouges accrochées aux grilles du tribunal de Nantes le 25 novembre 2017 pour dénoncer les agressions dont sont victimes les femmes
«Street Alert», «Garde ton corps», «Sekura»... Les applications mobiles de lutte contre le harcèlement de rue se sont multipliées, permettant aux femmes d'appeler à l'aide grâce à un bouton «alerte» qui indique leur position. Mais les modalités d'utilisation, voire l'existence même de ces dispositifs suscitent des interrogations.
«Je ne me sens pas du tout en sécurité dans la rue. Au moins, si je lance une alerte, je sais qu'il y a des personnes qui peuvent réagir directement», confie Sophie, 22 ans, étudiante à Toulouse.
Sur son téléphone, la jeune femme garde toujours ouverte la dernière appli en date, «The Sorority», gratuite comme les différentes offres de ce secteur. Disponible depuis le 1er septembre, elle permet de générer une alerte partagée ensuite auprès des utilisatrices. Celles qui se trouvent à proximité peuvent ainsi savoir si l'une d'elles a besoin d'aide et la géolocaliser.
«Pour créer un climat de confiance, nous n'acceptons que les femmes et leur demandons une pièce d'identité et un selfie pour vérifier manuellement l'identité de chacune», assure à l'AFP Priscillia Routier Trillard, créatrice de cette appli qui revendique près de 4.000 téléchargements en deux semaines.
Les applications proposent des fonctionnalités diverses, d'une alarme sonore censée faire fuir les agresseurs au recensement de «lieux refuge». C'est le cas de «Garde ton corps», disponible depuis le 10 août, qui a noué un partenariat avec à ce jour une trentaine de bars, restaurants et hôtels en France. Ces derniers s'engagent à accueillir quiconque s'estime en insécurité sur la voie publique.
«L'idée de répertorier des endroits sûrs m'est venue après que je me suis fait refuser l'accès à un bar, un soir où je me sentais suivie, car je ne portais pas la +bonne tenue+», raconte sa fondatrice, Pauline Vanderquand.
- «Machiavélisme des agresseurs» -
Mais attention, prévient Diariata N'Diaye, pionnière dans ce domaine, «quand on développe ce type d'application, il est important de maîtriser le sujet des violences. Car on peut facilement proposer une fonctionnalité qui se retourne contre l'utilisatrice».
«C'est très dangereux de mettre en contact une personne en situation de vulnérabilité avec des inconnus, c'est sous-estimer le machiavélisme des agresseurs, qui se font un plaisir de télécharger ce type d'application, quitte à usurper une identité», met en garde cette slameuse et activiste qui a lancé «App-Elles» en 2015 en s'appuyant sur son expérience du terrain et son vécu de victime de violences.
«Cela peut aussi être dangereux pour la personne qui voudrait apporter son aide à une victime», fait-elle valoir.
Son appli permet aux utilisatrices, anonymisées, d'enregistrer le contact de trois proches qui sont les uniques destinataires des alertes. Ces derniers peuvent alors localiser la victime et accéder à l'enregistrement audio de son téléphone.
Certaines applis présentent-elles un caractère de dangerosité pour leurs abonnées? La responsable du développement de l'application «Handsaway», Lucile Dupuy, tempère. «Notre vocation n'est pas d'inciter les utilisateurs à intervenir dans l'urgence d'une agression. Il s'agit d'un outil pour fédérer et rendre compte de la fréquence des agressions sexistes et sexuelles», argumente-t-elle.
Mais le dispositif peut être utilisé à mauvais escient: ainsi «Handsaway», lancé en 2016 et fort de 110.000 utilisateurs revendiqués, a dû suspendre son service le 8 juin dernier après avoir été inondé de fausses alertes et de messages à caractère sexiste et sexuel, selon cette responsable.
Militante au sein du collectif Stop harcèlement de rue, Marine Stoll s'interroge sur l'existence même de ces applis.
Si «le compagnonnage de rue permet à certaines de se sentir plus en sécurité», il n'est «pas normal d'avoir besoin d'un accompagnement de ce type pour ne pas être harcelée et vivre sa vie normalement», plaide-t-elle. Plutôt que de déployer des applications mobiles, ce qui ne «règlera pas la problématique sur le long terme, il faut davantage informer et sensibiliser dès l'école», souligne cette bénévole.
Retour à la page d'accueil