Techno Rokhaya Diallo, militante antiraciste aux positions et à l'éviction contestées

AFP

19.12.2017 - 20:12

Rokhaya Diallo, le 18 décembre 2014
Rokhaya Diallo, le 18 décembre 2014
AFP

Derrière la crise au Conseil national du numérique (CNNum), il y a une affaire Rokhaya Diallo: cette essayiste de 39 ans, taxée de "communautarisme" par ses adversaires, est une figure médiatique et marquante de la nouvelle génération de militants antiracistes.

Quelques jours seulement après sa nomination à la présidence du CNNnum, l'entrepreneure Marie Ekeland a annoncé mardi sa démission, suivie par celle de presque tous les autres membres de cette commission chargée de conseiller le gouvernement et nommée par lui.

Les démissionnaires s'opposent à la demande adressée par le secrétaire d'Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi, de revoir la composition du Conseil. En cause: la présence en son sein du rappeur Axiom, et surtout celle de Rokhaya Diallo, cible de vives critiques sur un large échiquier allant de Valérie Boyer (LR) aux militants de la gauche laïque la plus offensive.

Née le 10 avril 1978 de parents sénégalais et gambien, cette Française qui a grandi en banlieue parisienne, à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), s'est fait connaître en cofondant en 2007 l'association Les Indivisibles, dont l'objectif affiché est "de déconstruire les préjugés grâce à l'humour". Le collectif est célèbre pour ses "Y’A Bon Awards", décernés chaque année à des personnalités pour des propos jugés racistes.

Rapidement, cette jeune femme diplômée et à l'aise dans les médias, de RTL jusqu'à l'émission "Touche pas à mon poste" de Cyril Hanouna sur C8, s'est imposée à l'avant-garde de la génération de nouveaux antiracistes, très militants.

"Les associations historiques sont des clubs d'intellos blancs, déconnectés du terrain et des quartiers populaires. En plus, elles ont complètement raté le virage internet", taclait-elle en 2013, visant notamment SOS Racisme et la Licra.

Quatre ans plus tard, elle maintient auprès de l'AFP que "la question antiraciste doit être portée en priorité par les personnes qui vivent le racisme dans leur chair". Et elle défend l'organisation ponctuelle de réunions "non mixtes" ouvertes aux seules personnes "racisées", c'est-à-dire s'estimant victimes de discriminations en raison de leur origine et n'ayant "pas accès à la parole".

Ségrégation racialiste contraire à l'universalisme républicain? Rokhaya Diallo balaye l'argument avec une comparaison: "Je ne connais pas de personnes qui ne sont pas alcooliques et qui veulent absolument participer aux réunions des Alcooliques anonymes au nom de la République".

- Elle 's'en remettra' -

Engagée à l'intersection de différents combats (féministes, "décoloniaux", contre "l'islamophobie"...), la jeune femme assume avoir signé l'appel des Indigènes de la République, mouvement dont la principale animatrice, Houria Bouteldja, est accusée d'antisémitisme et d'homophobie par ses détracteurs.

Depuis le 11 décembre, les opposants de Rokhaya Diallo s'étonnent de voir nommée au CNNum, instance paragouvernementale, une militante dénonçant la persistance d'un "racisme d'Etat".

"Expliquer que la France est un pays structurellement raciste, c'est au fond laisser entendre l'idée qu'il y aurait une forme d'apartheid en France, et cette idée là n'est pas acceptable", explique à l'AFP Amine El-Khatmi, président du Printemps républicain, collectif vent debout contre ce nouvel "antiracisme politique".

Lui estimait que Rokhaya Diallo avait d'autant moins sa place au CNNum qu'elle n'avait pas fait du numérique "un engagement". "J'ai beaucoup travaillé sur les questions de cyberharcèlement, d'inclusion numérique", affirme au contraire l'intéressée.

"Je suis une citoyenne, et même si je dénonce de manière parfois extrêmement critique mon pays, je le fais en tant que citoyenne", fait-elle encore valoir, "attristée" de constater que Marie Ekeland n'aura pas pu mener à bien son projet.

Rokhaya Diallo, elle, "s'en remettra", estime son ami Jean Baubérot, historien de la laïcité, relevant qu'elle est régulièrement invitée à s'exprimer à l'étranger, comme au Caire récemment, à l'invitation des Nations unies.

"Les gens ne comprennent pas que la question du multiculturalisme soit source de telles crispations en France", se lamente la militante.

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