Techno Taxe sur le numérique: poker menteur entre le gouvernement et les géants américains

AFP

2.8.2019 - 16:58

La taxe sur le numérique votée par le Parlement français en juillet, qui doit permettre de taxer les géants du net à hauteur des revenus qu'ils génèrent sur le sol français, a déclenché une première riposte d'Amazon. Tour d'horizon des enjeux de cette taxation:

Quel est le montant de l'impôt sur les sociétés payé par les géants américains en France?

Si elles génèrent bien souvent d'importants volumes de ventes dans les différents pays européens, les grandes entreprises du numérique sont passées maîtres dans l'art d'utiliser les possibilités d'optimisation fiscale dans l'Union européenne, en profitant notamment de l'implantation de leur siège européen dans un pays à faible assiette fiscale, comme le Luxembourg ou l'Irlande.

Bien souvent elles facturent depuis ces pays les services ou espaces publicitaires vendus en France, ce qui diminue mécaniquement le chiffre d'affaires réalisé dans le pays et plus encore les bénéfices qui y sont générés.

Google France n'a ainsi payé que 17 millions d'euros d'impôt sur les bénéfices en 2018, déclarant 411 millions d'euros de chiffre d'affaires et seulement 29 millions de bénéfice. Or ses recettes publicitaires sur le marché français peuvent être estimées à «environ 2 milliards d'euros» selon le Syndicat des régies internet, cité par le directeur général de Google France Sébastien Missoffe en décembre 2018.

Selon la commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager, les entreprises numériques paient en moyenne 9% d'impôts en Europe, contre 23% pour les autres sociétés.

Quel est l'objectif de la «taxe Gafa»?

La taxe sur le numérique française, surnommée «taxe Gafa» car les géants Google, Amazon, Facebook et Apple désignés par cet acronyme vont être particulièrement concernés, doit permettre de taxer le chiffre d'affaires réalisé effectivement en France.

Les entreprises visées devront s'acquitter d'un montant de 3% de leur chiffre d'affaires, une base de taxation plus facile à établir que les profits, selon le gouvernement. Cette taxe doit couvrir trois activités: les publicités en ligne, la vente à des tiers des données personnelles et l'«intermédiation» (la mise en relation par des plates-formes d'entreprises et de clients, comme les places de marché, ou «marketplace»). La taxe devrait rapporter 400 millions cette année puis 450 millions en 2020, 550 millions en 2021 et 650 millions en 2022, selon les estimations de Bercy.

Elle est censée être transitoire, le temps de trouver un accord au niveau mondial, en pratique au niveau de l'OCDE. Le sujet devrait être abordé lors du prochain sommet du G7, qui doit se tenir fin août à Biarritz.

Qui est concerné par cette taxe?

Les entreprises qui réalisent plus de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires dans le monde et plus de 25 millions d'euros en France.

Cela représente un peu moins d'une trentaine d'entreprises, parmi lesquelles Google, Amazon, Facebook et Apple. S'y ajoutent des plates-formes de vente en ligne, comme Rakuten ou Alibaba, ou de services, tels Uber ou AirBnB, ainsi que des entreprises spécialisées dans la ciblage publicitaire grâce à l'exploitation des données personnelles, à l'image du français Criteo.

Les entreprises vont-elles répercuter cette taxe?

Amazon a informé les vendeurs présents sur sa plate-forme de mise en relation avec les consommateurs (sa «marketplace») que les commissions prélevées sur les ventes augmenteraient de 3%, soit entre quelques dixièmes de point de pourcentage et 1,5 point de hausse des prix. En revanche, le géant ne prévoit pas d'augmenter ses prix sur les produits vendus en France par Amazon lui-même, ni sur les services Amazon Web Services, Amazon Prime ou encore sur l'activité publicité.

Il s'agit d'une forme de mise en garde adressée au ministre français de l'Economie. En mai, Bruno Le Maire avait jugé que «le consommateur, jusqu'à preuve du contraire ne payait pas pour la publicité qu'il regardait». «Or, c'est le principal revenu de cette taxe», avait-il souligné.

La majorité des autres entreprises potentiellement concernées par cette taxe se montrent très discrètes sur leurs intentions. Interrogés par l'AFP, Facebook, Google et Apple n'ont pas fait de commentaire, Uber ne répondant pas aux sollicitations.

Très présent en France depuis le rachat de PriceMinister, le japonais Rakuten affirme que ses tarifs n'augmenteront pas en 2019 et se décidera ensuite selon l'impact de la taxe sur ses résultats. Criteo a assuré de son côté n'avoir pas l'intention de répercuter la taxe sur ses clients.

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