Techno TikTok et WeChat, une menace relative pour la sécurité des Etats-Unis, selon les experts

AFP

8.8.2020 - 01:30

Malgré les raisons avancées par Donald Trump, le tour de vis contre les plateformes TikTok et WeChat, joyaux chinois de l'internet, ne présente pas un intérêt «majeur» pour la sécurité des Etats-Unis, estiment les experts du secteur qui soupçonnent le président-candidat d'avoir d'autres motivations.

«Il n'y a aucune justification pour bannir une application juste parce qu'elle est chinoise», déclare à l'AFP Daniel Castro de la Fondation pour l'Innovation et les Technologies de l'Information.

«Des accusations de risques sécuritaires doivent être étayées par des preuves solides, pas par des insinuations sans fondement», poursuit-il, en craignant que la mesure ne se retourne contre les géants américains des technologies.

«Ils vont perdre des parts de marché mondiales si d'autres pays se mettent à appliquer les mêmes règles et à bloquer des entreprises américaines parce qu'ils craignent d'être surveillés par les Etats-Unis», dit-il.

Donald Trump a signé jeudi un décret interdisant, d'ici à 45 jours, toutes transactions de personnes sous juridiction américaine avec ByteDance, la maison mère chinoise de l'application de vidéos légères TikTok.

Il a pris une mesure comparable pour la plateforme WeChat, qui appartient au géant chinois Tencent et est omniprésente dans la vie des Chinois (messagerie, paiements à distance, réservations...).

Le milliardaire républicain a invoqué une «urgence nationale», accusant les deux applications de recueillir, pour le compte de Pékin, les informations personnelles de leurs utilisateurs, aussi bien américains que chinois présents aux Etats-Unis.

Les deux services «posent plus un problème politique qu'une menace sécuritaire», estime pourtant Nicholas Weaver, professeur en sécurité informatique à l'université de Californie.

Ils collectent certes bien les données de leurs centaines de millions d'usagers et WeChat les stocke sur des serveurs en Chine qui, en vertu d'une loi de 2017, doivent être accessibles aux services de renseignement chinois.

«WeChat utilise des liens cryptés vers ses serveurs en Chine mais ces serveurs peuvent les lire et le gouvernement chinois aussi,«, reconnaît M. Weaver.

Pour lui, il n'existe toutefois pas vraiment d'alternative pour échanger avec des Chinois. «En interdisant WeChat, ça va surtout empêcher les Américains de communiquer avec des amis ou des proches en Chine, ce qui est une idée horrible», juge-t-il.

- «Discrétion» -

Quant à l'application TikTok, extrêmement populaire auprès des jeunes, elle représente bien «une opération massive d'aspiration de données» mais ni plus ni moins que les autres réseaux sociaux américains. «Bien sûr que le gouvernement chinois peut y accéder, mais comme le gouvernement américain», dit-il.

Pour cet expert, ces plate-formes ne représentent pas un risque particulier tant que les utilisateurs sont conscients du danger. La meilleure approche «n'est pas un interdit complet mais de mieux communiquer auprès des entreprises américaines pour les appeler à la vigilance, et de configurer les systèmes du gouvernement pour éviter les risques» d'espionnage, conseille-t-il.

«Les vraies menaces sécuritaires – et il y en a – sont mieux gérées dans la discrétion», estime encore M. Weaver.

Ni WeChat ni TikTok ne devraient être installés sur les téléphones de responsables américains ou de fonctionnaires, estime de son côté Adam Segal, directeur du programme sur la sécurité numérique au Council on Foreign Relations.

Mais l'interdit «n'est pas une action essentielle pour augmenter la cybersécurité», juge-t-il aussi, en spéculant sur une possible motivation politique à la décision de Donald Trump, qui espère décrocher un nouveau mandat le 3 novembre.

Le président républicain «semble motivé par son sens de la compétition technologique avec les Chinois et son désir de se montrer ferme envers la Chine à l'approche de l'élection», avance M. Segal en soulignant l'ambiguïté de l'annonce.

L'administration américaine «a été très claire quand elle a dit qu'on allait concurrencer la Chine et que nous devions la contenir», souligne-t-il. En revanche, poursuit-il, «elle n'a pas dit clairement ce qu'elle attendait de la Chine.»

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