Techno UE: Vestager, terreur des Gafa et encore plus puissante, attendue au tournant

AFP

11.9.2019 - 16:16

Bête noire des Gafa, la Danoise Margrethe Vestager a pris du galon au sein de la nouvelle Commission européenne: elle garde la Concurrence et récupère le Numérique, deux dossiers brûlants surveillés de près par Washington, ce qui laisse augurer d'une mission difficile.

Arrivée fin 2014 à Bruxelles, Mme Vestager, ex-ministre des Finances d'un petit pays européen, s'est rapidement fait un nom sur la scène internationale grâce à son intransigeance vis-à-vis des géants de la Silicon Valley.

Responsable depuis cinq ans de l'un des portefeuilles les plus importants de la Commission européenne, celui de la Concurrence, elle dispose contrairement à nombre de ses collègues d'un réel pouvoir de sanctions.

Elle a poursuivi plusieurs géants américains: sommé Apple à l'été 2016 de rembourser 13 milliards d'euros d'arriérés d'impôts à l'Irlande et mis Google à l'amende à plusieurs reprises pour abus de position dominante pour un montant de 8 milliards au total.

Le président américain Donald Trump, qui l'a surnommée la «Tax lady de l'UE», l'a accusée de détester son pays, ce dont elle s'est toujours défendue.

Son tableau de chasse et son aisance ont largement contribué à en faire une star de l'exécutif européen, ce qui explique sa promotion.

Désormais vice-présidente exécutive de la Commission européenne, elle a gardé dans son escarcelle la Concurrence (à la surprise générale car une règle non écrite veut qu'un commissaire ne puisse pas garder deux fois le même portefeuille) tout en ayant désormais une mission supplémentaire: adapter l'Europe à l'ère numérique.

Avocats, lobbyistes et experts préviennent déjà que son mandat ne sera pas de tout repos: ses ennemis, qui ne sont pas seulement à Washington, sont prêts à en découdre, notamment devant la justice européenne.

La Cour de justice de l'UE à Luxembourg doit se pencher la semaine prochaine sur l'affaire Apple, qui a fait appel conjointement avec l'Irlande de la décision de la commissaire.

- «Eventuelles défaites» -

Or, dans ce cas emblématique, rien n'est gagné. La Cour du Luxembourg a déjà retoqué plusieurs décisions de Bruxelles.

«Mme Vestager a souvent dit qu'elle aimerait garder son poste jusqu'à ce que ses principales affaires soient jugées et elle y est parvenue», constate Alfonso Lamadrid, expert en droit de la concurrence au sein du cabinet Garrigues à Bruxelles.

«Leur résultat pourrait être décisif pour évaluer les années Vestager», ajoute M. Lamadrid, qui travaille pour les entreprises technologiques en guerre contre la Commission.

Un autre avocat, basé à Bruxelles et qui s'est battu contre Google, Thomas Vinje, remarque: «Si la Commission perd ces affaires, cela pourrait très probablement affecter sa volonté d'ouvrir d'autres cas».

«Dans tous les cas, elle devra se préparer à d'éventuelles défaites. Leur impact dépendra des arguments de la Cour», note l'un de ses confrères, Philippe Blanchard, associé du cabinet de conseil Brunswick Group à Bruxelles.

La Danoise est également très attendue sur la réforme des règles de la Concurrence, réclamée avec vigueur par Paris et Berlin après le veto de Vestager à la fusion dans le rail de l'allemand Siemens avec le français Alstom.

«Elle va devoir être fine politique: elle a déjà dit qu’une réforme de fond en comble n’était pas nécessaire et ne s'est pas beaucoup exposée», remarque M. Blanchard, qui a conseillé Siemens et Alstom sur leur fusion.

Dans un entretien à l'AFP mardi, Mme Vestager a dit vouloir «écouter très attentivement les différentes opinions» avant de changer toutes les règles.

Et d'ajouter: «C'est très important de garder à l'esprit les bénéfices de la concurrence, car cela vous permet de rester innovant. C'est la concurrence qui crée les champions dont on a besoin».

Retour à la page d'accueil