Techno Zoom, étoile filante du confinement

AFP

4.4.2020 - 13:33

Quel est le point commun entre Boris Johnson, les amateurs d'apéros à distance et 90.000 écoles dans le monde? Tous utilisent l'application de visioconférence Zoom, pour travailler ou socialiser pendant la pandémie de coronavirus.

Mais la société californienne se retrouve face à des responsabilités inattendues, après une semaine noire marquée par des scandales de sécurité.

Zoom, cotée en Bourse depuis moins d'un an, a été créée dans la Silicon Valley en 2011 par Eric Yuan, un ingénieur.

Cet immigrant se dit passionné par les technologies de communication depuis les années 1990, quand, alors étudiant à Shandong (Chine), il rêvait de voir sa petite amie sans voyager 10 heures en train.

L'interface était essentiellement utilisée pour des réunions professionnelles... Avant que la moitié de l'humanité ne se retrouve graduellement astreinte à domicile.

Aujourd'hui Zoom sert de salle de classe, de studio de yoga, de table de poker et même d'église. Des couples s'y marient, des familles y assistent aux funérailles d'un proche.

«C'est très facile à utiliser, il suffit de cliquer sur un lien. Mardi j'y ai retrouvé mes élèves après les vacances, on a fait un peu de maths et de lecture», raconte Justin Minkel, un instituteur américain qui enseigne via Zoom.

- Cocotiers -

«Quand il y a trop de bruit chez eux, je peux désactiver tous leurs micros! Ce serait bien pratique à l'école, quand ils bavardent...«, s'amuse cet habitant de Springdale, dans l'Arkansas.

Sa femme enchaîne les réunions sur Zoom, et ses deux enfants s'en servent aussi pour leur scolarité et les rendez-vous avec les copains.

Selon M. Yuan, la plateforme a dépassé en mars les 200 millions de participants à des réunions quotidiennes, contre 10 millions en décembre dernier.

Mais pourquoi Zoom, et pas Google Hangouts, Teams (Microsoft), Skype, FaceTime, Webex, Jitsi...? Les volumes d'échanges ont explosé sur toutes les messageries vidéo, mais aucune ne s'est distinguée comme Zoom.

La plateforme permet d'appeler jusqu'à 100 personnes en simultané, pendant 40 minutes, gratuitement. Un abonnement payant donne accès à plus de fonctionnalités.

Son design est basique mais on choisit un arrière-plan pour cacher sa chambre mal rangée (cocotiers, bibliothèque...) ou partager son écran avec les autres participants.

Mais surtout, en mars, Zoom a retiré la limite des 40 minutes pour les profs dans une vingtaine de pays.

- Boule de neige -

«Les gens avaient tellement peur d'être déconnectés. Et là Zoom arrive en disant +voici la solution, c'est gratuit, vous ne serez pas isolés!+ Tout le monde s'est précipité», constate Stephanie DeMichele, coach en technologie de l'éducation.

L'adoption a fait boule de neige.

Stephanie DeMichele préfère pourtant les outils de Google, notamment pour les écoles équipées de toute la suite éducative, parce que «c'est plus simple d'utiliser ce qu'on a déjà».

«Google fournit tout, y compris des emails attachés à l'établissement pour tous les enfants et instituteurs. Cela crée une bulle agréable où on se sent en sécurité», explique-t-elle.

Par contraste, le phénomène du «ZoomBombing» l'a consternée: ces derniers jours, sur Zoom, des soutenances de thèse, des cours ou des cérémonies religieuses ont été perturbés par des images pornographiques ou des propos menaçants.

Le média américain Vice a en outre révélé que l'application fournissait des données personnelles à des tiers, comme Facebook.

Des entreprises et organisations, comme la Croix-Rouge, recommandent désormais à leurs employés de ne pas s'en servir.

- Avalanche -

Les procureurs d'au moins trois Etats américains (Connecticut, New York et Floride) enquêtent sur les pratiques de l'entreprise en termes de protection de la vie privée et de la sécurité.

«Nous n'avons pas été à la hauteur des attentes» sur ces deux sujets, a déclaré Eric Yuan mercredi, dans une lettre ouverte où il annonce des mesures de correction.

«Nous avons désormais une base d'utilisateurs beaucoup plus large (que les clients professionnels). Nous découvrons des cas d'usage inattendus (...) et nous découvrons des problèmes sous-jacents», a-t-il détaillé.

«Ils ont du boulot pour restaurer la confiance. Mais j'ai été impressionnée, c'est plus que des excuses creuses», dit Gennie Gebhart, chercheuse de l'ONG Electronic Frontier Foundation.

La société américaine est concentrée sur la partie actuelle, mais elle devrait commencer à envisager l'après-pandémie, estime Carolina Milanesi, analyste chez Creative Strategies. «Zoom est un peu mono-tâche. Ses concurrents remplissent plus de fonctions et peuvent le copier facilement».

Le logiciel passera-t-il dans l'histoire comme l'étoile filante du confinement? «Ils ne vont pas disparaître», tempère l'experte. «Ils vont juste briller moins fort».

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