Chronique TV Comment travaillent les traducteurs de vos séries préférées?

D'Elvire Küenzi

31.1.2020

Malgré l'explosion des plateformes de contenus, il est devenu très compliqué de vivre du métier de traducteur explique Anthony Panetto, traducteur professionnel sur le site internet du CNC.
Malgré l'explosion des plateformes de contenus, il est devenu très compliqué de vivre du métier de traducteur explique Anthony Panetto, traducteur professionnel sur le site internet du CNC.
Elvire Küenzi

Comme moi, vous regardez certainement des séries sur Netflix ou sur d’autres plateformes. L’une des premières questions que l’on se pose, après avoir sélectionné ce qu’on allait regarder (évidemment), c’est: la version française ou la VO?

On est de plus en plus nombreux à choisir la langue originale, souvent l’anglais, pour se sentir plus proche de l’action et des personnages. Du coup, je me suis demandée comment travaillaient les traducteurs de séries et quelles étaient les problématiques qu’ils rencontraient.

Comme j’ai la chance d’avoir une connaissance qui œuvre dans le milieu, je me suis empressée de lui poser quelques questions! Junie Terrier a gentiment accepté de me répondre.

Junier Terrier, en plus de son métier de traductrice d'anglais, est également auteure. En 2001, elle a remporté le concours des 24 heures d'écriture avec sa nouvelle intitulée «Couvre-feu».
Junier Terrier, en plus de son métier de traductrice d'anglais, est également auteure. En 2001, elle a remporté le concours des 24 heures d'écriture avec sa nouvelle intitulée «Couvre-feu».
Editeur Rue des Promenades

Déjà, comment se retrouve-t-on à baigner dans cette marmite particulière? Il y a aujourd’hui des masters spécialisés en traduction audiovisuelle qui proposent une formation en sous-titrage et en doublage. Junie est bilingue français-anglais, elle a fait des études de littérature et de cinéma. Elle avoue être tombée dans ce milieu un peu par hasard.

Et même si elle apprécie le challenge que représente ce métier, elle confie que certaines contraintes ne sont pas toujours faciles à gérer.

«Aujourd’hui, on a de moins en moins de temps pour effectuer les traductions pour les sous-titres. Beaucoup de projets sont à traduire en H+24. C’est à dire que les séries sont diffusées le lundi aux Etats-Unis et qu’il faut que tout soit prêt le mardi pour la diffusion en France».

Pour traduire un épisode, il faut environ une semaine

Alors comment les traducteurs s’en sortent-ils sans «retourne-temps» magique? En fait, ils reçoivent une matière non-définitive en amont pour effectuer une première traduction. Traduction qu’ils doivent ensuite vérifier avec la version finale, reçue souvent au dernier moment, pour corriger et affiner leur travail. Un sacré boulot souvent réalisé dans des conditions difficiles qui, malheureusement, dégradent de plus en plus le métier...

Autre difficulté à surmonter dans le sous-titrage? Les contraintes physiques de l’être humain. «L’œil ne peut lire que 12 caractères par seconde, cela signifie qu’on ne peut pas traduire tout ce qui est dit car l’œil humain n’a pas le temps de le lire. On doit donc produire un condensé de ce qui est prononcé, une sorte de résumé tout en gardant le sens le plus proche et les éléments les plus importants», explique Junie.

En ce qui concerne la traduction pour le doublage, par contre, il faut souvent rajouter des mots et délayer les phrases sans pour autant trahir le film ou la série.

Côté anecdote, Junie nous parle de son travail sur le film «Parasite» qui a obtenu La Palme d’Or à Cannes et un Golden Globe, un vrai défi puisque les délais étaient très courts.

Et ça n’a pas été la seule difficulté: «Je ne parle pas coréen donc j’ai été aidée par un consultant qui maîtrisait cette langue. Avec une autre auteure, Héloïse Chouraki nous avons dû nous creuser les méninges pour trouver des équivalents en français à certaines interjections. Les acteurs font des «hein», des «ouah» ou des «mihn» au milieu des phrases! C’était périlleux et compliqué.»

L’une de ses plus belles expériences? La traduction pour préparer les sous-titres de «True Detective»! Si ce n’est pas la classe, ça!

Un grand merci à elle pour cette plongée passionnante dans le milieu de la traduction. Je ne sais pas pour vous, mais moi, je ne regarderai plus jamais plus mes sous-titres de la même façon.

Le conseil de Bong Joon-ho, un (presque) oscarisé: «Allez au-delà des sous-titres!»

Rédactrice pour différents journaux suisses, blogueuse et passionnée des mots, Elvire Küenzi adore les séries (elle est tombée dans le chaudron magique en regardant Sex and the City et n'en est jamais ressortie)! Elle écrit aussi des romans girly en mangeant des marshmallows et en sirotant des cocktails (avec modération, bien sûr).
Rédactrice pour différents journaux suisses, blogueuse et passionnée des mots, Elvire Küenzi adore les séries (elle est tombée dans le chaudron magique en regardant Sex and the City et n'en est jamais ressortie)! Elle écrit aussi des romans girly en mangeant des marshmallows et en sirotant des cocktails (avec modération, bien sûr).
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