Interview Fanny Agostini: «C'était un besoin fort, presque charnel»

de Caroline Libbrecht/ AllTheContent

15.4.2021

Fanny Agostini a incarné «Thalassa», le magazine de la mer. Aujourd'hui, c'est «En Terre ferme» (Ushuaïa TV) qu'on la retrouve, ainsi que dans «Génération Ushuaïa» (TF1). Pour cette journaliste engagée, le retour à la terre n'est pas qu'une douce utopie.

de Caroline Libbrecht/ AllTheContent

15.4.2021

Vous vivez en Auvergne, à Boisset, un village d’un peu plus de 300 habitants. Depuis quand êtes-vous retournée dans votre région natale?

Cela fait deux ans. Dans notre ferme, on a des chèvres, des chevaux, des poules… Cela fait pas mal d’occupations. On a aussi une parcelle maraîchère, un verger et un jardin.

Le public vous a découverte en 2011 sur BFMTV, où vous avez présenté les bulletins météo pendant six ans. Quels souvenirs en gardez-vous?

Je faisais un métier qui me plaisait énormément et qui a forgé mes convictions. La météo m’a fait glisser vers la climatologie. C’était une période charnière pour moi, mais j’étais en intérieur, sous lumière artificielle. Cela ne me convenait pas, mais je ne m’en rendais pas compte.

«Je m’étais adaptée à cette vie citadine, mais il me manquait l’essentiel.»

Puis, vous avez remplacé Georges Pernoud à la tête de «Thalassa» (France3), de 2017 à 2019. Après ces dix années passées à Paris, comment le besoin de campagne s’est-il fait ressentir?

C’était un besoin fort, presque charnel. En ville, ce lien direct avec la nature me manquait. Pourtant, j’avais une position sociale, j’avais mes repères, je m’étais adaptée à cette vie citadine, mais il me manquait l’essentiel. Je l’ai ressenti surtout les deux dernières années, lorsque je présentais «Thalassa». Ce magazine m’a permis d’aller au grand air, en mer, dans différents coins de France. Je me suis sentie revigorée, en meilleure santé. Je me suis rappelée ce qui était essentiel à mon bien-être.

Et en 2015, vous avez rencontré celui qui allait devenir votre mari, Henri Landes…

Les choses ont pu se faire, car on avait des aspirations communes: renouer avec une vie plus proche de la terre et de la nature. Pour vous faire une confidence, on a fait notre voyage de noces dans une ferme! Personnellement, je suis Auvergnate. Henri, lui, est franco-américain et a grandi entre New York et San Francisco. Il était directeur de la Fondation de GoodPlanet (fondation créée par Yann Arthus-Bertrand en 2005, NDLR), tandis que je présentais «Thalassa». A ce moment-là, on était à la croisée des chemins: on avait des métiers à responsabilités, mais on n’avait pas les coudées franches pour agir concrètement. Ensemble, la bascule a été possible.

«Au moment où je vous parle, il vient de rentrer les poules.»

D’où la création de votre ONG environnementale «LanDestini», en 2019?

Oui, c’est la contraction de nos deux noms. On se sent plus forts à deux pour prendre ce genre de décision. On a alors décidé de poser nos valises en Auvergne où j’ai mes racines. Henri a eu plus de mérite que moi, car ce n’est pas sa terre d’origine. J’avais une légère appréhension quand on est arrivés ici, mais deux ans plus tard, il est comme un poisson dans l’eau. Au moment où je vous parle, il vient de rentrer les poules (rires). Au moment du confinement lié à l’épidémie de Covid-19, on s’est félicités chaque jour du choix qu’on avait fait! On a suivi notre instinct et on a fait le pari de la décentralisation, tendance qui se confirme largement.

N’aviez-vous pas peur que la télévision vous oublie?

J’ai quitté «Thalassa» et je suis partie m’installer en Auvergne sans aucune stratégie concernant la suite. C’était un saut dans le vide et je pensais changer de métier. Finalement, j’ai commencé par faire des chroniques sur la radio Europe1 tous les matins, tout en étant à distance. Ce genre de choses est aujourd’hui possible! Ensuite, l’an passé, Ushuaïa TV m’a proposé de traiter des thématiques qui me sont chères. Moi qui pensais que les médias étaient derrière moi, je me suis retrouvée à tourner un magazine mensuel, «En terre ferme». La seule condition, c’était de le faire en Auvergne (l’émission est tournée dans une ferme auvergnate, à Saint-Georges de Mons, NDLR).

Quel est le principe de la nouvelle émission de TF1, «Génération Ushuaïa», que vous présentez le samedi matin?

«Génération Ushuaïa» rediffuse des documentaires et magazines produits par la chaîne Ushuaïa TV. C’est un condensé de ce qui se fait de mieux sur cette chaîne des amoureux de la nature. «En terre ferme» y est repris, un samedi par mois, en alternance avec d’autres… Je suis contente que TF1 monte en puissance sur ces questions déterminantes pour l’avenir de l’humanité. Le temps de la sensibilisation est passé, maintenant il faut passer à l’action!

Comment faire pour rassembler les citoyens autour de ces questions?

Je suis pour une écologie de la réconciliation. L’écologie ne doit pas être clivante: il faut éviter les camps qui s’affrontent et refuser les amalgames. Par exemple, sur la question de l’élevage, j’ai invité le chef Thierry Marx à visiter une exploitation paysanne. Il est végétarien et il reconnaît pourtant que le vrai problème n’est pas l’élevage en soi, mais le côté intensif de l’élevage. Même les végétariens ont besoin de l’élevage s’ils veulent manger sainement, sans pesticides. L’élevage en prairie est vertueux pour la planète; les agriculteurs et les éleveurs sont des alliés.

«Malgré tout, cela ne nous a pas empêchés de devenir parents.»

L’avenir de la planète vous inquiète-t-il au plus haut point, ou un espoir est-il permis?

Je rejoins Nicolas Hulot qui dit qu’«il est trop tard pour être pessimiste». Les générations à venir ne doivent pas se retrouver face à une impasse. On est sur une ligne de crête. C’est notre façon d’habiter la planète qu’il faut changer, en arrêtant notamment de surconsommer. Malgré tout, cela ne nous a pas empêchés de devenir parents d’un petit Darwin en 2020: avec mon mari, on s’est dit qu’il est important qu’un maximum de personnes engagées pour la planète aient des enfants!