Interview Manuella Maury: «La télé, c’est plutôt quelque chose qui isole»

D'Aurélia Brégnac/AllTheContent

22.7.2019

Manuella Maury dans l'arène de la Fête des Vignerons à Vevey .
Manuella Maury dans l'arène de la Fête des Vignerons à Vevey .
RTS/Jay Louvion

En plein cœur de la tradition, l’événement a lieu environ tous les 20 ans. Alors, pour célébrer comme il se doit la Fête des Vignerons, des émissions seront diffusées jusqu'à la mi-août. Parmi elles, un spectacle exceptionnel et gigantesque, et pour mener la danse: Manuella Maury, accompagnée de Tania Chytil. 

De la radio à la télévision, en passant par l’écriture et la création d’un festival, la pétillante journaliste a accompli un sacré chemin depuis son village natal en Valais. Elle garde au cœur l’attachement à ses racines et la communauté. Confidences, à quelques heures de son premier grand direct pour la «Fête des Vignerons».

Pouvez-vous d’abord nous parler de la «Fête des Vignerons» et des deux émissions en direct que vous animez à cette occasion?

Nous avons d’abord fêté ce jeudi soir le Couronnement, qui est l’essence même de cette immense «Fête des Vignerons» et qui a lieu une fois par génération. C’est d’ailleurs la douzième depuis 1797. C’est le moment où l’on prime les tâcherons-vignerons. Tous les 20, 25 ans, on remet des médailles d’or; et l’on découvre qui sont les couronnés: ce qui reste un secret d’alcôve, dans le plus grand secret jusqu’à la cérémonie. Personne n’est au courant, pas même nous: tout a lieu en direct. Il y aura ensuite, le 27 juillet prochain, un plateau d’artistes et un spectacle que je commenterai en direct avec Tania Chytil. Ça va être exceptionnel!

Il est en effet question d’un spectacle gigantesque, avec des grands tableaux qui vont se succéder sur scène; le tout accompagné d’une narration imaginée entre une petite fille et son grand-père. Comment est née cette idée?

Je ne fais là que reprendre ce qui a été initié par la compagnie Finzi Pasca, qui est à l’origine du spectacle, et qui l’a scénarisé. Il y avait cette envie d’onirisme, de transmission. Oui, c’est vraiment l’idée d’une transmission: il y a cette petite Julie qui va servir de fil rouge. On va suivre cette fillette, emmenée par son grand-père à travers une vingtaine de tableaux, et à travers les quatre saisons.

On parle d’un spectacle «de tous les superlatifs»… Comment seront composés ces tableaux?

Ce qui est extraordinaire, c’est qu’il y aura tout de même 5600 figurants, mais aussi 900 choristes… Vous imaginez? Des gens qui vont représenter tout un parcours… C’est un spectacle qui nous élève, à la fois grandiose et poétique… ça part du petit et ça nous amène au grand, c’est assez spectaculaire!

«Ça va bien au-delà du terroir, du folklore. … C’est une histoire de transmission.»

Nous nous sommes récemment entretenus également avec Jean-Marc Richard, qui animera la grande fête du 1er août, qui poursuivra notamment cette thématique de la vigne. Il sera aussi question de retour au terroir?

Je ne sais pas très bien ce que veut dire le «terroir», pour être honnête. Moi, je viens de la montagne… Je pense que c’est un mot que les journalistes utilisent, qui rassure tout le monde, comme le «folklore», mais qui ne veut pas dire grand-chose. Comme la confrérie le dit depuis la nuit des temps, – depuis le Moyen-Age au moins –, il est simplement question de transmission entre humains, qui se sont parlé et qui ont vécu ensemble toutes générations confondues. Ça va bien au-delà du terroir, du folklore. … C’est une histoire de transmission, car il y a des gens qui en sont à leur quatrième fête des Vignerons, de grand-père en petit-fils. C’est ça qui est absolument unique et extraordinaire.



Vous avez passés 25 ans à la radio, vous comptez 20 ans d’animation à la TV… Mais vous prenez aussi régulièrement la plume et proposez votre propres ouvrages. Que vous apporte ce travail d’écriture, en marge de vos autres activités de journaliste?

Je viens d’un tout petit village valaisan, qui s’appelle Mase, situé à 1301 m d’altitude, de 222 habitants. J’ai appris par mon père que la communauté est plus importante que la famille. Je me bats pour des projets en communauté. Chaque fois que je me suis engagée, c’était pour des projets que l’on peut faire ensemble. Comme dans «Passe-moi les jumelles», qui met en valeur des gens qui sont capables et donnent envie de vivre ensemble. Et puis, c’est vrai, j’ai «commis» des ouvrages. Je ne me prétends vraiment pas auteure, c’était des livres qui étaient des projets. J’ai fait par exemple un livre, «Le monde de Mona», un projet avec un vigneron et un graphiste. Ce sont toujours des histoires de rencontres, je ne suis jamais dans les concepts, à des milliards de kilomètres des écoles d’art… Je suis dans le fruit du hasard, des rencontres. Il faut sortir dans la rue. J’ai grandi dans un restaurant: je sais que c’est là où on guérit l’âme, où on la brûle parfois. C’est là que la vie se passe…

Et le Festival de la Correspondance «Lettres de Soie», que vous avez lancé à Mase, est donc aussi dans cet esprit de rencontres…

Oui, absolument. Et puis, c’est aussi pour rendre hommage à mon père, qui m’a donné cette pépite, cet éclat qui consiste à dire que la communauté est plus importante que la famille, qu’elle élargit le cœur.

Dans une interview accordée au journal «24 Heures» l’été dernier, vous disiez vous sentir toujours, à cette époque, comme «une usurpatrice dans ce métier», que vous étiez arrivée «par hasard à la télévision», car venant d’un petit village très reculé…

Je pense réellement que, quand on s’éloigne trop de l’endroit d’où l’on vient, on est toujours un peu dans la schizophrénie, on doit négocier avec ça. Quand on rentre dans les médias, et qu’on devient tout à coup intéressante pour des gens qui ne sont pas du tout de notre milieu, on questionne ce monde. Pourquoi, finalement, on est arrivé là?

«C’est quand même là où je me sens la plus libre.»

Mais, c’est toujours le cas, plus de 20 ans après vos débuts à la télévision?

Oui, je pense que ça n’a pas changé… J’ai toujours autant de questions. J’ai beau être acceptée, bien entourée – car les gens sont très généreux avec moi –, mais j’ai toujours cette sensation de… Je ne sais pas comment dire… Je me sens bien quand je suis chez moi. Le lendemain, je vais prendre mon train et mon bus, on fait une immense raclette chez ma sœur… Et c’est quand même là où je me sens la plus libre.

En effet, vous avez grandi dans une famille nombreuse, entourée de trois sœurs… Cette ambiance de clan, de communauté, vous la retrouvez dans un sens dans l’animation?

Je ne suis pas sûre qu’on retrouve vraiment ça… Peut-être un peu plus à la radio. Je pense que la télé, c’est plutôt quelque chose qui isole, plutôt que rassemble.

Pourquoi?

On doit travailler ensemble, ça c’est vrai. On dépend de tous les autres mais, en même temps, quand on fait de l’animation, on n’est pas chez les techniciens. Parfois, on aimerait être avec eux. Parce que là, on retrouve cet esprit de famille. D’ailleurs, je leur rends hommage à chaque fois car on ne ferait rien sans eux, on ne serait pas capable de faire quoi que ce soit sans eux. Ils sont en famille; et nous, on est porté sur la scène, au soleil… il y a de ça aussi.

«Je vais prendre un vrai congé sabbatique.»

Quels seront vos projets TV à la rentrée?

Non… en fait, je vais m’arrêter pour un temps… Je vais prendre un vrai congé sabbatique. Je vais me consacrer à mon festival – le Festival de correspondance de Mase, «Lettres de Soie», (ndlr). J’ai quand même toujours mes «grands entretiens», qui passent en septembre. Je vais me consacrer à mes projets; mais j’avais enregistré une émission, en mars, à l’occasion d’un voyage en Argentine. J’ai en fait rencontré des descendants de Suisses, qui vivent en Argentine, qui se rencontrent. Je présente cette émission qui sera diffusée à la rentrée. C’était spectaculaire, et ça m’a enchantée…

«Je vais surtout me consacrer à ma petite maman, qui a 82 ans.»

Cette pause, c’est aussi après ce programme estival chargé?

Je fais ce qui est juste pour moi. Prendre du temps dans ma famille, travailler pour mon festival, parce que c’est un gros événement.

Vous n’allez pas en profiter pour voyager?

Pas vraiment. Je vais surtout me consacrer à ma petite maman, qui a 82 ans, et avec laquelle j’aimerais faire des petites balades. Je pars dans l’alpage de mon enfance, pour aller marcher au moins pour un mois. Je voyage beaucoup pour mon travail. Alors, à vrai dire, les vacances, c’est plutôt à la maison.

«Fête des Vignerons : le Spectacle», émission en direct, le samedi 27 juillet à 20h10, sur RTS Un.  Avec Swisscom TV Air, vous profitez gratuitement de Swisscom TV sur votre ordinateur, votre tablette et votre Smartphone. Ainsi, vous pouvez regarder Swisscom TV, vos enregistrements inclus, où que vous soyez.

D'où vient la Fête des vignerons?

40 000 personnes au cortège de la Fête

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