Dix ans après les manifestations de la place Tahrir et le vent de liberté qui a balayé l'autocrate Hosni Moubarak, le pouvoir d'Abdel Fattah al-Sissi ne ménage aucun effort pour se prémunir d'un tel scénario. Il réprime impitoyablement toute opposition.
Des manifestants égyptiens se rassemblent sur la place Tahrir, au centre-ville du Caire, en Égypte, lors d'une manifestation, le 25 janvier 2011, baptisé «jour de colère».
Le vendredi 28 janvier 2011, la capitale égyptienne Le Caire est le théâtre d'un violent chaos: des dizaines de milliers de manifestants anti-gouvernementaux lapident et confrontent la police, qui riposte avec balles en caoutchouc, gaz lacrymogène et canons à eau.
Le 30 juin 2012, le candidat des Frères musulmans Mohamed Morsi devient le premier président égyptien élu démocratiquement. Il sera destitué le 3 juillet 2013 et décède en 2019.
Le 28 mai 2014, Abdel Fattah al-Sissi remporte comme prévu une victoire écrasante (96,9%). Mais depuis, son pouvoir réprime toute opposition.
Des manifestants égyptiens se rassemblent sur la place Tahrir, au centre-ville du Caire, en Égypte, lors d'une manifestation, le 25 janvier 2011, baptisé «jour de colère».
Le vendredi 28 janvier 2011, la capitale égyptienne Le Caire est le théâtre d'un violent chaos: des dizaines de milliers de manifestants anti-gouvernementaux lapident et confrontent la police, qui riposte avec balles en caoutchouc, gaz lacrymogène et canons à eau.
Le 30 juin 2012, le candidat des Frères musulmans Mohamed Morsi devient le premier président égyptien élu démocratiquement. Il sera destitué le 3 juillet 2013 et décède en 2019.
Le 28 mai 2014, Abdel Fattah al-Sissi remporte comme prévu une victoire écrasante (96,9%). Mais depuis, son pouvoir réprime toute opposition.
Militants politiques, journalistes, avocats, intellectuels emprisonnés via une justice expéditive: après la destitution par l'armée en 2013 du président islamiste Mohamed Morsi – le premier issu d'élections libres -, la société civile égyptienne a peu à peu perdu tout espace d'expression libre.
S'ajoutent à cela, selon les ONG de défense de droits humains, des conditions de détention désastreuses, des tortures et exécutions extrajudiciaires. Début décembre, Amnesty International dénonçait une récente «frénésie d'exécutions».
Human Rights Watch souligne dans son rapport mondial 2021 la «dure poigne du gouvernement autoritaire» de M. Sissi, ajoutant que «des dizaines de prisonniers sont morts en détention, dont au moins 14 apparemment à cause du Covid-19» qui «a aggravé les conditions de détention déjà épouvantables».
«Le régime a tiré la pire leçon»
«Le Printemps arabe en Egypte a été de courte durée», affirme à l'AFP Agnès Callamard, rapporteure spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. Selon elle, «le régime a tiré la pire leçon du Printemps arabe: tuer toute velléité de liberté dans l'oeuf».
Face aux critiques internationales, la réponse des autorités égyptiennes est invariable.
Le ministre des Affaires étrangères Sameh Choukry l'a récemment réitérée: «En Egypte, nous avons la conviction que l'évaluation de la fidélité (d'un Etat) aux droits humains est de la responsabilité de la société concernée et non de celle de parties extérieures».
Les autorités démentent toutes pratiques d'arrestation arbitraire ou de torture. Le gouvernement attache «une grande importance à la liberté d'opinion et d'expression. Il n'y a pas de 'prisonniers politiques' (...). Toute détention est seulement liée à des actions de violation du Code pénal», a affirmé à l'AFP le ministère égyptien des Affaires étrangères.
60'000 prisonniers politiques
Le coup d'envoi de la vague répressive a été donné à l'été 2013 lorsque des centaines d'islamistes protestant contre la destitution de M. Morsi ont été tués par la police au Caire, selon plusieurs ONG.
Arrestations arbitraires, détentions provisoires, procès de masse et condamnations à mort ont ensuite déferlé sur les membres de la confrérie des Frères musulmans, interdite dès 2013, mais aussi sur l'opposition libérale.
Et le pouvoir de M. Sissi, élu en 2014 et réélu en 2018 avec plus de 97% des voix faute d'opposant sérieux, n'a fait que se renforcer.
En avril 2019, une révision constitutionnelle a prolongé sa présidence et affermi son contrôle sur la justice. Le pays compte environ 60'000 prisonniers politiques, selon des organisations de défense des droits humains.
En septembre de la même année, des centaines de manifestants réclamant le départ de M. Sissi ont tenté d'investir la place Tahrir au Caire, symbole de la contestation anti-Moubarak. Plusieurs milliers de personnes ont été arrêtées.
Accusations de «terrorisme»
Au coeur de l'appareil répressif, le système judiciaire est souvent décrié par les ONG pour son recours systématique à des accusations de «terrorisme», de «divulgation de fausses informations». Elles dénoncent aussi le «recyclage» ou ajout de nouvelles accusations pour prolonger les détentions.
Selon Mohamed Lotfy, directeur de la Commission égyptienne pour les droits et la liberté, une ONG basée au Caire, «le système judiciaire est censé être une citadelle qui protège les droits et les libertés» mais la justice «demande rarement des comptes aux officiers de police».
La lutte antiterroriste est aussi un argument récurrent du pouvoir face aux accusations de violations des droits, dans un pays en proie depuis 2013 à une insurrection djihadiste au Nord-Sinaï.
Or, selon Sherif Mohyeldeen, chercheur au cercle de réflexion Carnegie Moyen-Orient, les violations rapportées contribuent à «alimenter une violence structurelle et cultivent en partie l'extrémisme».
Nouvelle escalade
La répression vise aussi les médias et la liberté d'expression, avec des centaines de sites internet d'information bloqués depuis 2017. Selon Reporters sans frontières, 28 journalistes sont emprisonnés en Egypte.
«Il n'y a pas d'organisme (de presse) travaillant indépendamment», affirme à l'AFP Lina Attalah, rédactrice en chef du site d'informations Mada Masr, une «exception» dans le paysage médiatique égyptien selon celle qui a été brièvement interpelée par les services de sécurité à plusieurs reprises. De fait, plusieurs médias ont été acquis par des entités favorables au pouvoir, proches de l'armée.
Sans intervenir directement dans la répression politique, la puissante armée égyptienne apparait en filigrane dans la société, contrôlant une partie de l'économie. Et l'état d'urgence, en vigueur depuis avril 2017, a été renforcé en mai 2020 en pleine pandémie de coronavirus. Un prétexte, selon des ONG, pour installer de «nouveaux pouvoirs répressifs».
Cette répression a connu une nouvelle escalade en novembre avec l'arrestation de trois cadres d'une organisation locale de défense des droits humains. Après de fortes pressions internationales, ils ont été relâchés.
Parallèlement, les autorités ont pris pour cible des femmes. Ces derniers mois, une dizaine d'influenceuses ont été condamnées à de la prison ferme pour des contenus partagés sur l'application TikTok, jugés contraires aux bonnes moeurs.
Cela «prend du temps d'être un Etat de droit». «Lorsqu'on veut analyser ce qu'il se passe en Egypte, il faut comprendre ça», a assuré à l'AFP Mokhles Kotb, secrétaire général du Conseil national des droits de l'homme (CNDH).
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