Culture Centre éphémère pour les techniscénistes

ATS

5.6.2020 - 09:05

Les apprentis techniscénistes se battent pour continuer de se former. Même si les théâtres et les cinémas vont rouvrir d'ici peu, de nombreux techniciens du spectacle qui vivent des festivals vont rester sur le carreau cet été, les jeunes en formation d'autant plus.

Les spectacles, ce sont les artistes, mais aussi les techniciens qui s'occupent du son, de la lumière et que l'on voit parfois grimper sur des tours métalliques à côté des grandes scènes dans les festivals. Or 99% des techniscénistes en formation n'ont pas vu leurs entreprises depuis le début de la crise, a dit à Keystone-ATS Gil Ceré, 39 ans, formateur et patron de GC-Tech, une société active dans la technique de spectacle à Reconvilier BE.

Ces jeunes gens veulent continuer à se former. D'autant plus qu'ils vont passer leurs examens de fin d'apprentissage dès la mi-juin: «on ne pouvait pas les laisser trois mois sans toucher au matériel». Pour répondre à leurs besoins, Artos, la faîtière romande des arts de la scène, et GC-Tech ont lancé un pôle de formation pratique éphèmère en un temps record.

En plus de la sonorisation ou de l’éclairage, ces jeunes en formation doivent aussi maîtriser la machinerie, la vidéo, le montage et démontage d’infrastructures ou encore les effets spéciaux. «Aujourd'hui, le seul fait de brancher une régie audio demande presque des capacités d'informaticien, de chef réseau, en plus d'être sonorisateur. Les exigences ne cessent de grimper», souligne le Jurassien bernois.

Créer un pont

Dès que la situation reviendra à la normale, ce pôle «Covid» disparaîtra. «L'objectif est de faire un pont d'ici au redémarrage, que ce soit dans une semaine, un mois ou une année», a relevé le patron. En temps normal, les apprentis n'auraient pas besoin d'un pôle de formation pratique: ils travailleraient dans leur structure habituelle et feraient leur stage d'échange entre entreprises.

«Cela représente une quinzaine de Romands par volée et une vingtaine d'Alémaniques», a précisé le patron formateur. Environ cinquante apprentis romands suivent cette formation sur quatre ans. Les neuf premiers techniscénistes romands ont reçu leur CFC en été 2015 à la Manufacture à Lausanne.

Début douloureux

Les débuts ont pourtant été douloureux. Plusieurs s'y sont cassés les dents. «Nous avons eu plus de 70% d'échecs sur les deux premières années en raison d'erreurs de recrutement», a relevé le patron formateur. Depuis, les apprentis sélectionnés sont plus âgés, de 18 à 30 ans, et ont souvent suivi une première formation.

D'autant plus que cet apprentissage, lancé en 2011, est extrêmement intense: il a été classé le deuxième le plus difficile en Suisse dans la filière du certificat fédéral de capacité (CFC), selon une étude récente.

Avec le soutien du Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (Sefri), Artos a obtenu les autorisations nécessaires à la création de ce centre à Reconvilier. Si le premier module, qui a accueilli les techniscénistes dès le 20 mai, a pu être financé in extremis, l'argent manque pour les deux prochains modules.

«Le Sefri a déjà fait bien plus que sa part», a souligné Gil Ceré. Artos a déposé des demandes auprès des cantons, des communes, des chambres de commerce, de sociétés privées, de fondations: «pour l'instant, tout le monde se renvoie la balle. On a reçu que des réponses négatives de la moitié des cantons romands».

Artos s’est aussi approché de son homologue alémanique, SVTB-ASTT. «Le programme sera commun pour les techniscénistes alémaniques dans les prochaines phases», a expliqué Carmen Bender, secrétaire générale d'Artos.

Si la phase 1 doit permettre aux apprentis de dernière année de passer leur CFC à la mi-juin, les phases 2 et 3 s'adressent à un autre public. Dans la 2ème, qui devrait débuter à la mi-juin, le but est que les élèves puissent pratiquer au moins une semaine par mois à Reconvilier «jusqu'à ce qu'ils puissent retourner chez leur employeur».

La phase 3 vise elle à éviter une année blanche pour beaucoup d'apprentis, qui devraient commencer leur formation en août, mais qui ne le peuvent pas en raison de la crise du coronavirus. «Le but est de ne pas laisser ces jeunes sur le carreau», poursuit le Jurassien bernois.

Le Sefri cherche toujours une solution. «La réponse pourrait tomber la semaine prochaine».

Métiers de la scène impactés

Outre les apprentis techniscénistes, les métiers de la scène sont très impactés par la crise du coronavirus. Gil Ceré compte une cinquantaine d'entreprises comme la sienne en Suisse romande, auxquelles il faut ajouter les freelances.

S'ils touchent le chômage partiel, les RHT, les entreprises de ce secteur ont des difficultés à se faire reconnaître comme appartenant au secteur culturel, ce qui leur donnerait droit à toucher une part des 280 millions libérés par Berne.

Les cantons y vont également chacun de leur interprétation dans l'octroi de cette manne. Certains d'entre eux indemnisent uniquement les frais engagés, d'autres les charges fixes comme les loyers et d'autres cantons le manque à gagner. Gil Ceré, comme les autres membres de sa branche, va devoir, en plus d'ingéniosité, s'armer de patience.

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