Innovation Un masque transparent développé en Suisse

ATS

9.6.2020 - 17:08

Un masque chirurgical transparent, qui filtre les microbes mais laisse passer les émotions: un véritable défi relevé par l'EPFL et l'Empa. Les soignants devraient pouvoir en porter dès l'été 2021.

C'était bien avant la pandémie de Covid-19. Diane Baatard, alors conteuse professionnelle, se rend quatre fois par semaine au chevet des enfants atteints de cancer ou en fin de vie aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

Un jour, un garçonnet de deux ans, tout juste greffé et installé dans une chambre stérile, lui tend la main à travers les barreaux de son lit. «Je lui ai souri, mais il n'a pas pu voir mon sourire... Cette réalité m'a explosé au visage», raconte-t-elle à Keystone-ATS.

La Genevoise a alors une idée simple mais grandiose, de celles qui marquent un tournant: créer un masque transparent. Elle cherche en vain des personnes qualifiées jusqu'au jour où, lors d'un dîner, elle rencontre Sacha Sidjanksi, de l'Ecole polytechnique fédérale (EPFL) de Lausanne.

Il croit dur comme fer au projet et le soumet au jury du Challenge Debiopharm-Inartis pour la qualité de vie du patient, et bingo! le projet HelloMask remporte le prix de l'édition 2016 ex-aequo. Grâce au prix et à la levée de fonds auprès d'une dizaine d'associations à but philanthropique, quelque 500'000 francs sont réunis pour financer deux ans de recherches.

Coup d'accélérateur

Depuis, «nous avons beaucoup progressé. Nous venons de déposer un brevet international et avons créé une start-up pour poursuivre le développement industriel et l'exploitation commerciale du futur masque», indique à Keystone-ATS Thierry Pelet, chef du projet HelloMask au sein du Centre EssentialTech de l'EPFL.

La start-up HMCARE, installée sur le campus Biotech à Genève, vient de lever un million de francs. Le succès a rapidement dépassé tous les espoirs: les investisseurs se sont pressés au portillon au point «que nous avons dû décliner des offres», confie Thierry Pelet.

Il faut dire que sans le vouloir, le projet a bénéficié, d'un prodigieux coup d'accélérateur avec la pandémie de Covid-19. Le masque est devenu un accessoire indispensable, rare et convoité par tous.

Entièrement transparent

Si le projet est «facile à comprendre et bénéficie d'un fort capital de sympathie auprès de chacun, il n'a pas été facile à concrétiser», tempère Thierry Pelet. Au début, l'idée est de réaliser un masque avec une fenêtre transparente au niveau de la bouche. Mais sa réalisation en plusieurs étapes (découpe de la fenêtre, scellement avec la partie en tissu) se révèle trop onéreuse.

L'EPFL et le laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche (Empa) à St-Gall optent donc pour un masque jetable entièrement transparent. Le matériau doit être à la fois filtrant et poreux, pour faire barrage aux agents pathogènes tout en permettant à l'air de passer.

Une gageure tenue puisque les chercheurs réussissent à développer un polymère quasi biodégradable répondant à toutes les exigences requises, tests à l'appui. Les équipes sont désormais dans les starting-blocks pour la phase finale: passer du laboratoire à la production industrielle, avec tous les tests grandeur nature et ajustements que cela implique.

Mais alors que le coronavirus a boosté le projet, voilà qu'il le ralentit: «Avec la crise sanitaire, les partenaires industriels sont peu disponibles, occupés à combler les besoins du marché. Cela devrait toutefois se décanter prochainement», assure Thierry Pelet.

Production suisse

Avec le Covid-19 et les machines à produire des masques importées en Suisse, le made in Switzerland devient désormais possible. «A condition que l'opération ne soit pas trop coûteuse. Des discussions sont en cours avec des cantons et des entreprises».

Le nouveau masque «sera sans doute très légèrement plus cher qu'un produit standard, mais il sera dans les prix du marché d'avant Covid-19», insiste Thierry Pelet. Sa mise sur le marché homologuée est prévue d'ici l'été 2021 et il sera, dans un premier temps, uniquement destiné aux soignants.

Enormes attentes

Le masque transparent, unique au monde, à la connaissance de ses concepteurs, intéresse notamment de nombreux hôpitaux, dentistes, EMS. Un débouché existe aussi dans le domaine de la psychologie expérimentale ou encore pour les associations de sourds et malentendants, que les masques standards privent de lecture sur les lèvres et d'expressions faciales.

Ou encore en faveur des systèmes de reconnaissance faciale des smartphones par exemple. «Les attentes sont énormes. Elles dépassent tout ce que nous avions prévu», note Thierry Pelet.

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