Proche-Orient A Bethléem, les touristes ne restent pas

ATS

22.12.2019 - 23:26

Grâce à l'artiste briztannique Banksy, Bethléem ne vit plus seulement du tourisme religieux mais aussi d'un «tourisme atypique». Nombreux sont ceux à venir aussi admirer le mur qu'Israël a construit et qui est devenu pour les Palestiniens un terrain d'expression politico-artistique.
Grâce à l'artiste briztannique Banksy, Bethléem ne vit plus seulement du tourisme religieux mais aussi d'un «tourisme atypique». Nombreux sont ceux à venir aussi admirer le mur qu'Israël a construit et qui est devenu pour les Palestiniens un terrain d'expression politico-artistique.
Source: KEYSTONE/AP/MJ

Bethléem, 16h02. Des touristes s'engouffrent dans la basilique de la Nativité. A 16h47, ils ressortent enchantés du seul lieu qu'ils auront visité durant leur court passage dans la ville palestinienne, en raison de durées de séjour souvent limitées.

Lieu de naissance de Jésus selon la tradition chrétienne, Bethléem, dans le sud de la Cisjordanie occupée, s'apprête à célébrer les festivités de Noël et à accueillir des milliers de visiteurs. Mais si la cinquantaine d'hôtels devraient y afficher complet dans la nuit du 24 au 25 décembre, ils ont du mal à assurer un taux de remplissage satisfaisant tout au long de l'année.

Sur le parvis de la basilique, un couple de Brésiliens semble heureux d'avoir visité ce haut lieu du christianisme. Avec leur fille, ils ont entrepris un long voyage depuis Brasilia. Mais, sur leurs trois semaines de séjour en Terre sainte, ils n'ont passé que quelques heures à Bethléem. «C'était rapide mais suffisant», commente sobrement la touriste. Comme la plupart des voyageurs interrogés par l'AFP, le couple passe la nuit à Jérusalem, à moins de 10 km.

En face de la basilique, un commerçant se désole que les visiteurs ne prennent pas le temps de venir acheter des souvenirs. «Il n'y a pourtant que quelques pas à faire», déplore-t-il. Selon les chiffres de l'Association des hôtels palestiniens, sur les trois millions de personnes qui visitent en moyenne Bethléem chaque année, 900'000 y passent au moins une nuit.

Durée du séjour «contrôlée»

«Nous devons promouvoir davantage les sites historiques et culturels qu'il est possible de visiter à Bethléem», estime Samir Hazboun, président de la chambre de commerce locale. Il regrette que peu de touristes profitent de leur passage pour visiter le palais d'Hérode, ou le site de Battir, dont les terrasses cultivées et le système d'irrigation sont classés au patrimoine mondial en péril de l'Unesco.

D'après M. Hazboun, de nombreux touristes ne restent pas car ils passent par des agences de voyage basées en Israël qui «contrôlent la durée du séjour» de leurs clients en Cisjordanie, territoire palestinien occupé depuis 1967 par l'Etat hébreu, peu enclin à y promouvoir le tourisme selon lui.

Aussi, si le nombre d'hôtels a été multiplié par cinq en 20 ans, les autres infrastructures n'ont pas été modifiées en conséquence, note Elias Al-Arja, président de l'Association des hôtels. Les autorités doivent notamment améliorer le réseau en eau et en électricité.

Terrain d'expression politico-artistique

Ces dernières années, Bethléem a néanmoins vu arriver une autre catégorie de touristes. Ceux-ci viennent admirer les fresques qui ornent le mur érigé à partir de 2002 par l'Etat hébreu pour se protéger des incursions depuis la Cisjordanie, en pleine vague d'attentats palestiniens pendant la deuxième Intifada (2000-2005).

Israël affirme que la barrière, composée par endroits de blocs de béton de plusieurs mètres de haut comme à Bethléem, continue de le protéger d'attaques d'assaillants venant de Cisjordanie. Pour les Palestiniens, elle est l'un des symboles les plus honnis de l'occupation israélienne et est devenue un terrain d'expression politico-artistique.

Ouvert par Banksy

Ce jour-là, un jeune Européen passe un rouleau de peinture blanche sur un pan du mur. Lorsqu'elle sera sèche, il y apposera un graffiti. A quelques pas, une échoppe vend des bombes de peinture et des pochoirs pour les touristes qui, comme lui, veulent laisser une trace de leur passage.

Le magasin appartient à l'hôtel «Walled-Off» attenant qui a été ouvert en 2017 par l'artiste de rue britannique Banksy. A cette occasion, il avait laissé un certain nombre de graffitis sur le mur de sécurité, dont une fillette fouillant au corps un soldat israélien les bras en l'air, son fusil posé à côté de lui.

Toutes les chambres donnent directement sur le mur et sont décorées avec des oeuvres faisant référence au conflit israélo-palestinien, qui est également le sujet d'un musée au rez-de-chaussée. Pour le directeur de l'établissement Wissam Salsaa, «la plupart des clients n'auraient jamais envisagé de venir à Bethléem, et même en Cisjordanie ou en Israël, si l'hôtel n'existait pas».

«Tourisme atypique»

Grâce à Banksy, Bethléem ne vit plus seulement du tourisme religieux mais aussi d'un «tourisme atypique», résume M. Salsaa, qui estime que 250'000 personnes ont visité l'hôtel et le musée depuis 2017. Toutefois, ces visiteurs, souvent jeunes, viennent pour la plupart en petits groupes, et ne rivalisent pas avec les bus qui déchargent des dizaines de touristes aux abords de la basilique.

Et ils ne restent parfois pas davantage de temps sur place.

Simon et Jan, deux jeunes Allemands venus visiter le musée, sont attablés à la petite terrasse de l'hôtel. Ils ont trouvé l'initiative de Banksy «très intéressante», permettant à des non-initiés de se familiariser avec le conflit.

Ils ont aussi profité de leur passage à Bethléem pour visiter la basilique, à quelques minutes de taxi. Mais ils passeront la nuit à Tel-Aviv.

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