Voyage«Au-delà des murs», le musée des Confluences explore la prison
Relaxnews
19.10.2019 - 09:18
«C'est nous qui punissons.» La nouvelle exposition du Musée des Confluences, à Lyon, place volontairement le visiteur face à ses responsabilités avant de l'immerger dans l'univers carcéral.
C'est la première fois que l'institution, ouverte fin 2014 à l'extrémité de la presqu'île lyonnaise, «aborde de front pareil sujet de société», souligne Marianne Rigaud-Roy, responsable du projet.
Inspiré par la proximité géographique des anciennes geôles de Perrache, l'exposition a été coproduite avec le Musée international de la Croix-Rouge de Genève et le Deutsches Hygiene-Museum de Dresde.
Pourquoi enferme-t-on ? Comment (sur)vivre entre quatre murs ? Isoler pour réinsérer, un paradoxe ? Autant de questions auxquelles l'exposition, prévue jusqu'au 26 juillet, tente de répondre avec la rigueur scientifique et l'approche transversale qui font l'ADN du musée.
Une vingtaine d'experts ont été consultés et 160 objets, issus de collections pénitentiaires en France et en Europe, se mêlent à des peintures, dessins, photos, vidéos et installations.
La scénographie, signée du Suisse Tristan Kobler, s'articule autour de trois grandes cellules aux barreaux oranges mais aux portes sans serrure.
On entre dans la première par un sas où résonnent les bruits de la prison: un enregistrement de voix qui se perdent au milieu des claquements, des cliquetis, des cris, des sifflets, des huées.
Des photos du Français Grégoire Korganow, de l'Italien Valerio Bispuri ou une peinture de Chamizo (lui-même ancien «taulard») montrent ensuite des fragments de vie de détenus, entre promiscuité et solitude, selon que l'on partage une cellule ou que l'on est à l'isolement.
Le quotidien carcéral est fait aussi d'angoisses, d'addictions, de violences. Dans une vitrine, des armes de fortune – une fourchette détournée en griffe, une poignée de placard transformée en poing américain, un poignard dissimulé dans un crucifix - entourent le trousseau de clés du surveillant et l'œilleton du cachot.
Plus loin, ce sont des pipes à eau bricolées dans un bidon en plastique ou une canette de soda. Dans le «carcéroscope» de l'artiste Marion Lachaise, des femmes racontent leurs existences claquemurées. «Il faut vivre, même enfermé», dit l'une d'elles.
La seconde cellule montre précisément comment le détenu reste «humain», autant que faire se peut.
Cela passe par l'exercice physique – dans une prison de Naples, un condamné soulève une haltère faite de bouteilles d'eau – et le tatouage dont le culte ne date pas d'hier: des clichés de la préfecture de police de Paris recensent déjà de beaux spécimens en 1912.
Derrière les murs, on tue aussi le temps dans des ateliers d'art et de travail, dont témoignent un bouquet de fleurs artificielles venu d'une geôle grecque, un peigne en bois fabriqué sous les verrous au Liban, un jeu d'échecs taillé dans du savon derrière des barreaux allemands.
La survie est aussi synonyme de résistance, thème de la dernière cellule de l'exposition dont les grilles se doublent d'une architecture de bois chaotique.
Dire «non!«, c'est braver les interdits en cachant une disquette dans un livre découpé, un chargeur de téléphone dans une briquette de lait.
C'est se mutiner ou réussir à s'évader à la neuvième tentative, tel ce voleur qui, à l'aide d'une clé finement ciselée dans une cuillère – conservée depuis 1949 par le musée pénitentiaire de Horsens au Danemark – déroba des outils dans le grenier de sa prison et creusa un tunnel de 18 mètres pendant un an.
Face aux échappatoires les plus extrêmes (scarifications, grèves de la faim, suicides), l'exposition évoque enfin les alternatives à l'enfermement, à travers des extraits de documentaires sur la justice restaurative ou des rencontres entre détenus et victimes.
«Notre seul parti pris, c'est de donner à voir», explique Cédric Lesec, directeur des relations extérieures du Musée des Confluences.
Dans un dernier espace, conçu par le Théâtre Nouvelle Génération de Lyon, le visiteur poursuit son expérience de la détention par une illusion d'optique qui le transporte en cellule et au parloir. En achevant de brouiller les frontières entre extérieur et intérieur.
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