TraditionsEn Espagne, défiler vivants dans des cercueils pour défier la mort
Relaxnews
29.7.2019 - 19:19
Accompagnés de chants religieux, six cercueils ouverts sont portés en procession autour de l'église d'As Neves et de son cimetière. Qui enterre-t-on? Personne. Leurs occupants sont bien vivants mais lancent ce défi à la mort dans une des traditions les plus insolites d'Espagne.
Cinq des pénitents de ce village de 4 000 habitants en Galice, dans le nord-ouest de l'Espagne, se font porter dans leur bière pour remercier Sainte Marthe d'avoir sauvé un proche de la mort ou l'implorer de le faire.
Certains ont le visage caché par un éventail ou un chapeau, pour protéger leur intimité des caméras... et résister à la chaleur.
La sixième, Maria Rodriguez, elle, a passé trois quarts d'heure allongée dans un cercueil pour remercier la sainte d'avoir sauvé son chien d'un cancer.
«Ca a été quelque chose de spontané», explique la retraitée de 69 ans, qui a découvert cette tradition dans les médias.
«Vous n'y réfléchissez pas, ça vous sort de l'âme et du coeur quand vous aimez quelqu'un», dit cette habitante de Vigo, la plus grande ville de la région où elle n'a «pratiquement aucune famille».
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Un culte à la vie
Modesto Gomez, restaurateur de 70 ans qui assiste à la procession depuis son enfance, assure qu'il n'y a rien de sinistre dans cette fête même si le séjour dans le cercueil peut être éprouvant physiquement et mentalement.
«C'est un culte à la vie. Des gens qui dans des moments difficiles font ce sacrifice très grand qui consiste à se mettre dans un cercueil», raconte-t-il.
«Pour moi, c'est ce qu'il y a de plus grand», s'extasie Maria del Carmen Gonzalez, native d'As Neves, où chaque 29 juillet, se renouvelle cette procession, qu'elle a suivie, un cierge à la main, au côté de sa fille Aida, les épaules couvertes d'un linceul blanc et pieds nus.
L'an prochain, Maria del Carmen veut qu'un cercueil soit porté pour remercier la sainte de ce que son mari a survécu à une pneumonie, et un autre pour sa petite-fille qui a «plusieurs problèmes», dit-elle pudiquement.
Si cela ne tenait qu'à elle, elle grimperait dedans, mais sa famille a peur qu'elle ne s'y sente mal à cause de la chaleur.
La solennelle procession, point d'orgue de neuf jours de fête, passe à côté de stands où la bière coule à flots et d'un château gonflable pour enfants à l'effigie de Bob l'éponge.
Selon un livre sur le défilé édité localement, la procession des cercueils pourrait remonter aux Croisades médiévales.
Des nobles partis combattre auraient découvert en Provence le culte de Sainte Marthe, qui a selon la tradition chrétienne vu son frère Lazare ressusciter après avoir fait appel à Jésus. Ils l'auraient, à leur retour en Galice, remerciée de leur avoir sauvé la vie en s'allongeant dans leurs propres cercueils, heureux de les utiliser vivants.
Autre explication possible, plus terre-à-terre, relayée par le sociologue Carlos Hernandez qui prépare une thèse sur la procession: par le passé, les gens achetaient leur cercueil de leur vivant, quand ils en avaient les moyens ou qu'un membre de leur famille était mal en point.
Quand les malades survivaient, «comme ils avaient le cercueil chez eux, ils le donnaient à la paroisse» pour les plus nécessiteux. Mais on ne sait pas quand ils auraient commencé à se coucher dedans.
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Dans un pays qui regorge de processions de pénitents, de carnavals, il s'agit souvent de mettre en scène la lutte du Bien contre le Mal, ou de la vie contre la mort, pointe-t-il.
«Dans le fond, c'est ça: c'est oser regarder la mort, regarder le Mal, pour que la vie sorte victorieuse de la fête», interprète Carlos Hernandez.
Un autre village de Galice organise ainsi, en septembre, une procession avec les cercueils, mais vides cette fois, de ceux qui ont échappé à la mort.
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