Faits divers En Toscane, une plage aux allures de «paradis artificiel»

AFP

26.8.2019 - 09:06

Eaux turquoise et sable blanc. «J'aime venir ici même si c'est un peu inquiétant», confie un couple de retraités, au milieu de dizaines d'habitués de la plage italienne de Rosignano Solvay, du nom de l'usine chimique à l'origine de ce phénomène inédit.

Mercure et métaux lourds pouvant provoquer de graves maladies ou simplement du calcaire au fond de l'eau? Cette plage de 4 km de long, à 25 km au sud du port toscan de Livourne, suscite beaucoup d'interrogations.

Située dans une des plus belles régions du pays, elle semble tout droit sortie d'une carte postale des Caraïbes.

«Je l'ai découverte sur Google Maps. On m'a dit que ce n'est pas dangereux. Que la couleur vient de l'usine de soude à côté. J'ai amené toute ma famille», raconte à l'AFP Lieuya, un touriste hollandais, confirmant que «les plages blanches» de Rosignano sont une des attractivités de la côte.

Lunettes noires face à une luminosité aveuglante, les touristes se promènent sur le sable immaculé, sans trop s'interroger sur le contraste frappant avec la plage voisine de Monte alla Rena.

«A chaque fois que je viens, je me fais la réflexion que si la baignade est autorisée par les autorités locales, régionales et nationales, on peut les croire quand elles disent que l'eau est propre», explique Marina, une enseignante italienne.

Effectivement, à l'entrée, un panneau de l'agence régionale de protection de l'environnement, Arpat, certifie que la qualité de l'eau est «excellente».

Rosignano Solvay est née il y a plus d'un siècle en 1912 de la volonté du Belge Ernest Solvay, qui y installa une usine puis y fit construire des habitations. Son groupe est aujourd'hui un colosse mondial de la chimie présent dans 61 pays et qui emploie 24.500 personnes.

«Mamma» Solvay

«Solvay était comme une mère pour cette zone de la Toscane. On l'appelait "la mamma". La ville porte son nom (celui du fondateur). Il en a garanti le bien-être créant une école, un hôpital, un théâtre. Le taux de chômage y a toujours été faible», relate à l'AFP Leonardo Martinelli, journaliste du quotidien La Stampa, né dans cette localité et dont la mère a travaillé un demi-siècle chez Solvay.

Dans l'énorme bâtiment de brique du début du 20e siècle, la direction multiplie les déclarations rassurantes, sans néanmoins autoriser l'accès à ses laboratoires.

«Nous respectons toutes les normes d'un site à haut risque», explique à l'AFP Davide Papavero, directeur industriel du groupe Solvay et patron de l'usine. Solvay produit du bicarbonate à usage industriel et alimentaire ainsi que des matériaux avancés utilisés dans les hautes technologies (automobile, construction, électricité, traitement de l'eau).

«L'usine utilise une grande quantité d'eau de mer pour le refroidissement des équipements mais ne rejette que de la poudre de calcaire et du plâtre, uniquement des matériaux inertes, sans danger pour l'environnement, mais qui expliquent la couleur blanche du sable», assure M. Papavero.

Le bleu de la mer «s'explique par la réverbération de la lumière», précise cet ingénieur de formation, répétant que la qualité de l'eau est contrôlée «par Solvay, l'autorité régionale Arpat, le ministère de l'Environnement et l'Institut supérieur pour la protection de l'environnement».

Le maire Daniele Donati connaît bien l'usine et assure, lui aussi, que les processus industriels ne «comportent aucun problème pour la santé».

Maurizio Marchi, de l'association Medicina Democratica, poursuit une lutte acharnée contre l'usine. «La réalité, c'est que depuis un siècle, cet endroit est une décharge de Solvay, une décharge industrielle», argue-t-il.

Pour d'autres défenseurs de l'environnement, le plus choquant sont les collines de calcaire éventrées près de San Vincenzo et un prélèvement massif de sel gemme qui épuise les gisements de la zone.

Selon les spécialistes, la bataille de M. Marchi est obsolète: «Dans les années 80 c'était effectivement une plage toxique. Mais le cycle de production qui utilisait du mercure et des métaux lourds a été changé», explique Manolo Morandini, du quotidien Il Tirreno, qui a beaucoup écrit sur le sujet.

Les «plages blanches» ne sont, pour lui, qu'un «endroit artificiel». Et pour les vacanciers, un coin de paradis.

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