VoyageFerran Adria (elBulli) : "C'est à la France que nous devons la reconnaissance mondiale dont a joui elBulli"
Relaxnews
26.6.2018 - 19:18
Pour la toute première fois, des images exclusives du restaurant "elBulli", dont la tête pensante Ferran Adria a institué les préceptes de la cuisine moléculaire dans les années 90, seront mises en ligne dans une série-documentaire dont Amazon Prime Video sera le seul diffuseur à compter du 2 juillet. A l'occasion de ce lancement, le chef espagnol revient pour Relaxnews sur le rôle qu'a joué la table catalane dans l'histoire de la gastronomie. Une occasion pour Ferran Adria de rendre hommage à la France.
Relaxnews : Comment a démarré le projet : est-ce vous qui avait contacté Amazon ou l'inverse ?
Ferran Adria : j'ai un proche qui travaillait étroitement avec Amazon. Je l'ai sollicité pour qu'il nous donne un coup de main. La série comprend le film que mon frère (Albert Adria, NDLR) a réalisé et pour lequel il avait reçu un prix du documentaire à New York. Celui-ci a été diffusé à la télévision espagnole. A l'époque, les plateformes de streaming n'étaient pas encore établies. Et il n'y avait pas de sens à diffuser le sujet à l'échelle internationale. On s'est tourné naturellement vers Amazon pour franchir cette étape.
Quel est votre objectif avec cette série-documentaire ?
Ferran Adria : Le projet est gigantesque. Il implique 3.000 heures d'enregistrement. Nous travaillons sur le sujet depuis treize années. 300 personnes ont été impliquées. C'est un projet qui sert aussi à expliquer ce que nous faisons aujourd'hui, à la fondation elBulli. La fondation travaille pour préserver l'héritage de ce qui a été réalisé chez elBulli. Qui a mis le plus en valeur elBulli dans le monde ? La France. En 1994, Gault&Millau nous attribué la meilleure note. L'événement était historique. En 1995, Joël Robuchon a déclaré "Ferran Adria est le meilleur chef au monde". C'est à la France que nous devons la reconnaissance mondiale dont a joui elBulli.
N'avez-vous jamais eu envie d'ouvrir un restaurant traditionnel ?
J'ai fermé elBulli en juillet 2011. Et ce n'était pas réellement un restaurant. C'est ce que vous découvrirez dans le documentaire. Notre rôle consistait à ouvrir des chemins de réflexion pour chercher les limites dans l'expérience de la gastronomie. Nous avons ouvert de nombreuses voies. Notre travail est heuristique. Il consiste à cerner tout ce qui manque pour remplir des vides et réfléchir sur ces sujets engagés. Celui qui arrive au plus grand niveau de création n'est pas celui qui crée le plus, c'est celui qui remet en question sa discipline et son métier. La création culinaire n'est pas un sujet. La seule question c'est qu'est-ce que la cuisine ? Quand on parvient à se la poser, on peut véritablement rompre. Nous avons mis quinze ans pour comprendre cette réflexion.
Et le plaisir du consommateur ? Car le restaurant reste le lieu privilégié d'un moment de convivialité...
Jusqu'en 1993, le restaurant était un lieu où les consommateurs venaient prendre du plaisir (le chef Ferran Adria est arrivé à elBulli en 1983, NDLR). C'était une expérience émotionnelle. A compter de 1994, j'ai entrevu le restaurant comme un endroit où m'exprimer. Je souhaite, bien sûr, que les clients soient heureux. Mais, en au cas je ne souhaitais changer quoique ce soit pour leur faire plaisir à tout prix. Au tout début, les consommateurs n'ont rien saisi. C'est une conséquence quand on veut être à l'avant-garde. Après nous, des milliers de personnes ont pu s'approprier ce que nous avions démontré. Nous ne pouvions pas être "aimable", sinon nous ne nous situions plus à l'avant-garde.
Vous évoquez cette notion de liberté dans le documentaire. Etre à l'avant-garde, c'est être libre ?
Peu d'endroits dans le monde peuvent profiter d'une telle philosophie. Bien sûr, notre discours ne peut s'appliquer aux restaurants du quartier qui doivent mener leur travail correctement. Nous avons donné à réfléchir aux gens. Plus de 2.500 cuisiniers ont été formés à elBulli. Nous avons fait en sorte que le Pérou, le Mexique, le Danemark, Singapour se demandent qui ils sont, culinairement parlant. Pendant 400 ans, tout ce qui a été fait en matière de cuisine dans le monde occidental a été réalisé en France. Personne ne peut le nier. A contrario, l'explosion culinaire de ces pays s'est réalisée en à peine quinze ans. La cuisine d'elBulli a suscité beaucoup de polémiques. Et c'est le cas encore aujourd'hui, sept ans après sa fermeture. Nous souhaitons fournir un outil avec cette série et que chacun se fasse son propre avis. L'adresse ne doit pas se résumer à la sphérification ou à la cuisine moléculaire, mais plutôt à sa liberté, à son honnêteté, à son partage, à la transparence. On propose un état des lieux sur ce qui s'est passé à elBulli. On émet aucune opinion.
Si vous pouviez changer une seule chose dans l'histoire d'elBulli...
Ce que tu ne peux pas changer, ne t'en occupes pas ! Voilà ma philosophie ! Cela ne m'empêche pas de tirer des leçons du passé.
Vous serviez 35 plats à chaque convive au restaurant. Quel est celui dont vous êtes le plus fier ?
Il y en a deux. D'abord, en 1994, la recette du "menestra" (une sorte de potage espagnol aux légumes, NDLR). On estime qu'il y a eu un avant et un après dans notre cuisine avec ce plat révolutionnaire. On a invité à "déconstruire" une assiette. En 1997, on a créé "la mousse de fumée", qui a généré un torrent de polémiques. Mais, je tenais absolument à cette recette car c'était de la cuisine conceptuelle. On voulait provoquer et que les gens prennent conscience qu'il y a une autre façon de manger. Manger avec le mental, et non plus par le biais des papilles. Nous avons été le premier restaurant à établir un lien avec l'art, la science, l'université de Harvard, le monde du design ou même la philosophie.
Quel constat faites-vous de la gastronomie actuelle ?
La révolution se situe au niveau des goûts des consommateurs. On peut désormais manger aussi bien dans un restaurant étoilé que dans un autre qui ne l'est pas. C'est un choc à l'heure actuelle. Aussi, les clients ne vont plus au restaurant uniquement pour la cuisine. On peut choisir une table pour sa carte des vins, pour son ambiance, pour son service... C'est un lien social.
Le restaurant elBulli, situé à Rosas en Catalogne, a été auréolé des trois étoiles Michelin jusqu'à sa fermeture en juillet 2011. "el Bulli" signifie "le bulldog" en espagnol.
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