VoyageLe camp de base de l'Everest, ville de petits conforts en haute altitude
Relaxnews
24.5.2018 - 07:18
Boulangerie, douches chaudes, légumes frais et cuisinier de luxe à 5.364m d'altitude: sur les flancs du toit du monde, le camp de base de l'Everest devient chaque haute saison une petite ville d'un confort surprenant au milieu de montagnes hostiles et glacées.
Plus de 2.500 yaks et un ballet d'hélicoptères sont nécessaires pour acheminer tout l'équipement de ce bivouac de tentes dressé face aux terrifiantes arêtes et crevasses du glacier du Khumbu. Des alpinistes aux porteurs, des guides aux médecins, près de 1.500 personnes s'affairent dans la cité la plus élevée de la planète durant les mois d'avril et de mai.
"La première question que posent les gens en arrivant, c'est de demander où est le wifi. Puis où est la douche chaude", raconte Russell Brice, propriétaire de l'opérateur Himalayan Experience, qui a la réputation d'avoir le meilleur camp de la montagne.
La rudesse et la camaraderie montagnarde du camp de base, où tout alpiniste voulant réussir l'Everest passe près de deux mois pour acclimater son corps à l'altitude extrême, ont cédé la place à une minuscule métropole "gentrifiée".
L'internet sans fil a remplacé les onéreux téléphones satellitaires, qui eux-mêmes avaient rendu obsolètes les messagers à pied. Et les douches chaudes fonctionnant à l'énergie solaire sont aujourd'hui la norme.
Des hélicoptères effectuent une navette quotidienne avec la civilisation, apportant des provisions fraîches et transportant des clients. Les sportifs les plus fortunés peuvent même s'offrir quelques jours de relaxation dans un hôtel de luxe de Katmandou avant de retourner sur la montagne pour s'attaquer au sommet.
Pour Russell Brice, ces petits conforts sont essentiels pour maintenir le physique et le moral d'alpinistes s'apprêtant à grimper à une hauteur presque équivalente à l'altitude de croisière d'un avion de ligne: "La façon dont les gens se sentent a des conséquences sur leurs performances en montagne", dit-il.
Le camp de base se structure en réalité comme une agglomération de différents campements-quartiers. Chaque agence d'alpinisme dispose de son propre bivouac.
Dans le camp d'Alpine Ascents, le petit-déjeuner s'agrémente d'un café turc en décoction. "Les machines à cappuccino ne fonctionnent pas en altitude", explique son directeur Gordon Janow.
Du côté de Seven Summit Treks, une boulangerie exhale une appétissante odeur de pâtisseries chaudes.
Chez Adventure Consultants, le chef bermudien James Perry prépare le déjeuner sous une tente avec pour tout équipement deux plaques de cuisson au gaz et un four au fonctionnement capricieux.
"Nous cuisinons beaucoup de nourriture simple. Les gens semblent aimer la nourriture simple. Être ici si loin des villes et de la vie normale fait que des salades de base et des légumes frais rendent tout le monde heureux", confie ce cuisinier passé par une résidence d'ambassadeur à Bruxelles et un restaurant français trois étoiles au guide Michelin.
Greg Vernovage, d'International Mountain Guides, ne voit dans ces petits luxes que le cours normal de "l'évolution du camp de base". Mais pour d'autres, ils sont symptomatiques du changement d'état d'esprit sur l'Everest, qui a vu le nombre d'alpinistes augmenter de façon vertigineuse depuis un quart de siècle.
Il y a quinze ans encore, les éphémères résidents de "la Colline" - sobriquet des initiés pour l'Everest - se connaissaient tous. Les agences échangeaient les bulletins météorologiques, les fréquences radio de chaque équipe étaient de notoriété publique et le grog de whisky chaud dans le campement voisin en fin d'après-midi un rituel presque obligatoire.
Or aujourd'hui, une fracture sociale semble séparer les différents campements d'alpinistes, en fonction du prix qu'ils payent pour leur expédition. Les opérateurs bon marché proposent des forfaits autour d'"à peine" 20.000 dollars, quand les plus réputés facturent dans les 70.000 dollars.
Une division qui se retrouve également entre opérateurs népalais et internationaux.
Certaines des sociétés étrangères, qui opèrent parfois sur l'Everest depuis la libéralisation de son ascension par le Népal dans les années 1990, reprochent à leurs concurrents locaux de sacrifier la sécurité de leurs clients à une féroce guerre des prix. En retour, ceux-ci les accusent de considérer la montagne comme un avant-poste colonial.
Avant de monter l'Everest, vous reprendrez bien un petit croissant au fromage de yak ?
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