Eliminatoires Euro 2020
"Zuber? Un des plus grands professionnels de l'équipe"

ATS

21.3.2019 - 08:04

Buteur contre le Brésil à la Coupe du monde 2018, Steven Zuber est désormais de ceux qui comptent en équipe de Suisse. Rencontre à Zurich avec un homme qui malmène les clichés autant que les défenses de Bundesliga en ce début d'année.

Steven Zuber: "Les gens avaient une certaine image de moi quand je suis arrivé en Allemagne, mais ils ont depuis changé d'avis."
Steven Zuber: "Les gens avaient une certaine image de moi quand je suis arrivé en Allemagne, mais ils ont depuis changé d'avis."
Keystone

Dresser le portrait de Zuber, que l'on connaît finalement assez mal en Romandie. Un premier contact. Briser la glace. Une blague sur son but contre le Brésil, peut-être. Pas besoin. L'homme s'assied, commence de parler. Une voix suave, un propos clair, pas d'hésitation. Et un regard, planté dans les yeux de l'interlocuteur. Deux pastilles d'un brun profond qui créent d'emblée le lien.

Steven Zuber a progressé sur un chemin caillouteux, depuis ses débuts professionnels, en 2008. Embarqué en Albanie par Hanspeter Latour pour un match de la feu Coupe Intertoto, le gamin de 17 ans sort du banc à la 83e et marque trois minutes plus tard. Une entrée en matière prometteuse mais qui ne disait rien du tout de ce qu'allait devoir traverser ce Zurichois issu d'une fratrie de six enfants, élevés à Rikon, près de la fabrique de casseroles et au pied du temple bouddhiste.

Zuber refuse pourtant de dresser un bilan. «Ca voudrait dire que j'en ai terminé. Je le ferai une fois allongé sur la plage, à la retraite.» Regarder vers l'avant, avec les idées claires et des objectifs bien définis. Pas le temps non plus, donc, pour évoquer les coups durs qui auraient permis au joueur de grandir. «Je n'en sais rien, difficile de répondre. Je sais comment j'ai vécu les choses, je sais ce que j'ai appris, mais je suis incapable de dire en quoi cela m'a changé ou quelles sont les différences entre le moi jeune et le moi d'aujourd'hui.»

Aidons-le un peu, alors, à retracer un parcours à dénivelé. Les rangs juniors du FC Winterthour – où sa grand-mère vendait les billets les jours de match – puis ceux des Grasshoppers à partir des M18. Une belle éclosion à GC, qu'il a quitté au sortir d'une saison 2012/13 ayant vu le Rekordmeister battre le FC Bâle à deux journées de la fin et échouer dans la course au titre pour trois points seulement. L'époque d'un quatuor ayant assuré le spectacle en Suisse: Hajrovic-Gashi-Zuber et Ngamukol en pointe.

De Moscou à Stuttgart en passant Hoffenheim

Direction le CSKA Moscou, jeune, peut-être trop. Malgré un premier exercice correct (vingt-sept apparitions en championnat, dont seize comme titulaire, pour un but), avec notamment une participation aux six rencontres du club en Ligue des champions. Puis l'Allemagne en 2015, Hoffenheim. Toujours avec la même idée en tête. «Je veux obtenir le maximum. C'est pour cela que je travaille chaque jour, pour moi mais surtout pour l'équipe.» L'équipe, le mot est lâché. Et ces deux pastilles, devenues fauves avec l'irruption de la lumière du soleil dans la salle, qui vous fixent.

«Je n'ai pas pour habitude de me plaindre de ma situation. Ce serait manquer de respect à mes coéquipiers qui, eux aussi, travaillent dur pour jouer. Je crois que le secret d'une carrière réussie réside ici: ne pas se chercher d'excuses et se focaliser sur soi pour devenir meilleur et servir au mieux son club.»

L'évolution du gaucher en Bundesliga n'a pourtant pas manqué d'épisodes douloureux. Comme cette blessure, en avril 2016, après un choc avec... Fabian Schär à l'entraînement. Fracture du crâne, installation dans le onze titulaire reportée. Golden Boy des entraîneurs allemands, Julian Nagelsmann, qui quittera Hoffenheim pour Leipzig cet été, apprécie Steven Zuber, «un des trois plus grands professionnels de l'équipe», disait-il en 2017.

Pas suffisant, cependant, pour que le Zurichois conserve une place de choix dans l'effectif. Après six malheureuses titularisations seulement l'automne passé en championnat, le joueur cherche le dialogue avec son club. «J'ai toujours tout donné à mon employeur et Hoffenheim le sait. Je crois que c'est pour cela que le club a facilité mon prêt à Stuttgart.» Steven Zuber rebondit donc au VfB depuis la reprise, titulaire lors des neuf matches de son équipe et auteur de cinq buts tous concentrés au cours des cinq dernières rencontres.

Clichés balayés

Un statut qui ressemble à celui qu'a obtenu le joueur en sélection. Steven Zuber n'est plus du tout un joker en équipe de Suisse: il a disputé trois des quatre matches du Mondial – il était malade contre le Costa Rica – et figurait dans le onze de départ lors des quatre parties de la Ligue des Nations durant l'automne. Se sent-il désormais comme un titulaire? «Oui, en cela que je pense pouvoir jouer à chaque match. Mais la notion de titulaire, à l'heure où les entraîneurs varient les systèmes, ne veut plus dire grand-chose.» Un joueur important de la sélection, alors? «Oui, je suis une pièce importante de quelque chose qui est bien plus grand que moi: l'équipe», rétorque ce fan de Cristiano Ronaldo, à qui il n'a jamais parlé mais sur lequel il prend tous les renseignements possibles.

«Nous devons apprendre des meilleurs et, cela me semble être une évidence, nous devons nous entourer de professionnels à tous les niveaux», affirme un Zuber très soucieux, par exemple, de son alimentation. Un parfait soldat, en somme. Calme et posé, loin de l'image du barjot tatoué, archétype du footballeur bling-bling au bras de Mirjana, son épouse top model, que le Zurichois peut donner. Steven Zuber en est presque même décevant et on lui fait remarquer! Lui se marre: «Je sais, les clichés... Les gens avaient aussi cette image de moi quand je suis arrivé en Allemagne mais ils ont depuis changé d'avis. Je suis juste un joueur qui sait exactement ce qu'il veut et qui travaille pour y arriver.»

Plus besoin de rompre la glace, elle a fondu toute seule au fil de la discussion. Mais, quand même, on ne résiste pas à une dernière question. Ce but, contre le Brésil, aurait dû être annulé pour faute, non? Eclat de rire. «Tout le monde le sait: dans les seize mètres, il faut se faire de la place!» Comme en club ou en équipe nationale.

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