InterviewXhaka: "J'ai deux coeurs dans la poitrine, je n'y peux rien"
5.9.2018
Aucun autre international suisse n'a suscité autant de débats dans l'opinion publique que Granit Xhaka. Le milieu de terrain d'Arsenal, âgé de 25 ans, a vécu un été mouvementé. Il a évoqué pour l'agence Keystone-ATS son image, sa carrière et les anciens internationaux, qui l'ont blessé profondément.
- Mardi, l'équipe nationale a supris par des signes inhabituelles de solidarité qu'aucun observateur n'attendait. Les vingt-quatre joueurs se sont présentés in corpore au rendez-vous avec les médias. Qui a eu l'idée de lancer un tel coup ?
"Nous avons tenu des discussions en interne avec le staff complet, avec tous les joueurs. Puis il y a eu une deuxième séance avec le conseil de l'équipe, le coach, avec Claudio (Sulser) et Vincent (Cavin). Nous avons décidé d'emmener tout le monde à bord. Il nous était égal contre qui les critiques allaient s'élever. Nous étions ensemble, nous formions une équipe unie, personne ne peut nous mettre à terre."
- Est-ce cette action a clarifié toutes les turbulences qui ont entouré l'équipe de Suisse ces dernières semaine. Cela a-t-il montré aux joueurs la dimension de la problématique ?
"Toute l'équipe a été surprise par l'intensité des discussions et les conséquences. Mais est-ce que cela a conduit à l'élimination décevante contre la Suède, ou que le geste des mains en était responsable, nous ne le savons pas. Mais l'avalanche s'était mise en route."
- Valon Behrami était l'un de vos confidents les plus proches. Il s'est retiré de l'équipe nationale. Comment avez-vous réagi ?
- Il m'a informé par téléphone. Ce fut un choc pour moi, son message était totalement inattendu. Je ne sais pas ce qui s'est passé entre lui et le coach car je ne m'immisce pas dans cette affaire. Valon était pour moi un exemple géant, il tirait les jeunes."
- Vous n'avez pas été épargné par les experts lors de cette Coupe du monde ?
"Les reproches axés sur le football ne me dérangent pas. Mais cela devient grave quand de telles personnes me reprochent de ne pas bien représenter la Suisse."
- Vous avez été blessé parce que vous avez été attaqué sur un terrain complexe ?
"Ca fait mal ! Je mentirais si je disais autre chose. Je suis né en Suisse et j'y ai grandi. C'est un fait que j'ai deux coeurs dans la poitrine, je n'y peux rien. Mais je porte depuis bientôt neuf ans les couleurs de ce pays, ma patrie ! Le reproche que je ne me bats pas pour la Suisse s'évanouit. A Gladbach ou maintenant à Londres, je suis un Suisse respecté, qui apporte du succès et tout d'un coup je ne devrai être qu'un demi-Suisse. Oui ça fait mal, ça me stresse, c'est difficile à digérer."
- Avec votre geste de l'aigle bicéphale albanais, vous avez déclenché un lot d'irritations et d'incompréhensions...
"J'ai réagi d'une manière émotionnelle. J'ai marqué un but extrêmement important pour la Suisse. J'ai fait quelque chose qui signifiait beaucoup pour moi, aussi pour les gens qui avaient émigré dans le pays de mes parents. Je n'ai pas fait quelque chose de méchant et je ne voulais faire de mal à personne."
- Comprenez-vous le scepticisme à l'égard de ce geste ? Certains ne pouvaient pas le tolérer avec un maillot de l'équipe de Suisse sur les épaules ?
"Cela je dois l'accepter, c'est sûr. Je sais que le thème est grave et difficile à comprendre. Mais je dois m'excuser juste pour cela. S'il vous plaît, est-ce que je dois après coup damner un geste qui en d'autres lieux est connu pour être un signe de paix."
- Respect et compréhension pour les deux côtés ?
"On peut le voir comme ça. Je renoncerai dans l'avenir à faire l'aigle. Mais je n'oublie pas combien de milliers de gens étaient devant leur écran en Albanie et au Kosovo et ont jubilé avec l'équipe de Suisse. Ils se réjouissent franchement à chacun de nos succès."
Retour à l'équipe nationale. Le débat sur la désignation du nouveau capitaine fait rage. Il pourrait y avoir de nouvelles discussions si vous étiez désigné à la succession de Stephan Lichtsteiner. Qu'avez-vous à dire sur le sujet ?
"Je serai fier de porter le brassard de capitaine. Mais je n'ai pas besoin de cette fonction pour prendre de la responsabilité dans le jeu. Je parle, je crie, je tire les jeunes et les vieux derrière moi."