Quatre mois seulement après avoir enchanté l'Europe avec ses «Nuits magiques», l'Italie de Roberto Mancini est redevenue quelconque. Elle a été renvoyée par la Suisse à la case barrages et est menacée de rater le Mondial pour la deuxième fois de suite... Les explications d'un échec inattendu.
Magie évaporée
Le terne 0-0 en Irlande du Nord, lundi, a confirmé les difficultés actuelles des champions d'Europe : deux victoires seulement lors des sept matches joués depuis le sacre de Wembley, pour quatre nuls et une défaite, celle contre l'Espagne (2-1), en Ligue des nations en octobre, qui a mis fin à la série de 37 matches sans défaite, un record.
La qualification pour le Qatar était pourtant en très bonne voie après les trois victoires initiales en mars (six buts marqués, aucun encaissé). Mais cette avance s'est évaporée depuis l'été, avec seulement quatre nuls lors des cinq derniers matches, deux contre le rival direct suisse (0-0, 1-1) mais aussi deux inattendus, contre la Bulgarie (1-1) à Florence et lundi à Belfast. Pas vraiment digne d'un champion d'Europe.
«Finie, la magie (...) Personne, le soir du 11 juillet, avec la Coupe à la main et un avenir qui semblait radieux, ne s'imaginait un épilogue aussi amer», a soupiré le Corriere della Sera, au diapason d'une presse italienne abasourdie. «Quel cauchemar», a titré la Gazzetta dello Sport.
Héros fatigués
Les héros italiens de l'Euro ont été aux abonnés absents lors des matches décisifs de novembre. Marco Verratti et Giorgio Chiellini (forfait) ont été rattrapés par leurs blessures régulières qui n'en font que des intermittents de la Nazionale ces dernières années.
Ceux qui étaient sur le terrain ne les ont pas fait oublier. Lorenzo Insigne, Nicolo Barella, Federico Chiesa, Domenico Berardi, Manuel Locatelli... Tous ceux qui ont illuminé l'Euro par leur enthousiasme et leurs buts ont été fantomatiques à Belfast.
Jorginho, celui à qui tout réussissait avec Chelsea et l'Italie, au point d'être cité parmi les prétendants au Ballon d'Or, symbolise cette grosse fatigue automnale : incapable de changer le rythme et coupable d'avoir raté les deux penalties qui auraient tout changé contre la Suisse, le «Professeur» a hérité de la plus mauvaise note des Italiens à Belfast, selon l'ensemble de la presse.
Attaque désarmée
C'est le problème récurrent de l'Italie de Roberto Mancini : l'absence d'un buteur efficace, offrant un point d'appui en attaque. Ciro Immobile, a priori l'homme idoine, peine toujours à marquer autant en Nazionale qu'avec la Lazio Rome. Et quand il est absent, comme lors des deux derniers matches (blessé), les Azzurri n'ont pas vraiment d'alternatives crédibles.
Andrea Belotti n'a pas convaincu contre la Suisse vendredi, pas plus qu'Insigne dans un rôle de «faux 9» lundi. Le chantier, qui avait été un peu laissé de côté grâce à la victoire à l'Euro, est redevenu prioritaire pour les barrages en mars. «Le contesté Immobile ressort grandi de chaque match qu'il est contraint de rater, et donc la première mesure à prendre en vue des barrages est lui redonner toute sa confiance», souligne ainsi l'éditorialiste Paolo Condo dans la Repubblica.
Fantômes à chasser
Au-delà des jambes lourdes, l'Italie fait aussi peine à voir dans son attitude, abandonnée par la légèreté et le goût du risque qui caractérisaient depuis trois ans la Nazionale de Roberto Mancini. Malgré le discours rassurant du sélectionneur après chaque nouveau nul, les joueurs ont semblé être rattrapés par la peur et par le souvenir traumatisant de la non-qualification pour la Coupe du monde 2018.
Le souvenir de cette élimination aux barrages contre la Suède (défaite 1-0 puis match nul 0-0) va les accompagner jusqu'en mars, où la qualification est loin d'être dans la poche avec de redoutables adversaires potentiels, en attendant le tirage au sort du 26 novembre : Portugal, Pologne, Russie ou... de nouveau la Suède.
Leonardo Bonucci a ainsi appelé ses coéquipiers à renouer avec leur «insouciance» estivale : «on jouait alors pour le plaisir, sans la pression de vouloir démontrer quelque chose, maintenant que nous sommes champions d'Europe, inconsciemment quelque chose s'est bloqué.»