A l'heure de Tinder, Happn et autres applications de rencontre, Marie Bergström, sociologue à l'Ined, déconstruit quelques idées reçues sur l'amour (hétérosexuel) chez les Français, encore attachés à «la norme conjugale».
Biologie du coup de foudre
Avec ou sans Tinder, l'envie de couple reste «plus forte que jamais»
A l'heure de Tinder, Happn et autres applications de rencontre, Marie Bergström, sociologue à l'Ined, déconstruit quelques idées reçues sur l'amour (hétérosexuel) chez les Français, encore attachés à «la norme conjugale».
Biologie du coup de foudre
Quelques clics et des photos qu'on fait défiler... A l'heure de Tinder, Happn et autres applications de rencontre, Marie Bergström, sociologue à l'Ined, déconstruit quelques idées reçues sur l'amour (hétérosexuel) chez les Français, encore attachés à «la norme conjugale».
La fin du couple monogame?
«Il y a cette idée reçue que les nouvelles normes d'épanouissement, de réalisation de soi, auraient affaibli le couple. Ce n'est pas tellement le cas.
Aujourd'hui, la norme conjugale est plus forte que jamais, même si on peut +faire couple+ de manières différentes (marié, pas marié, habitant ensemble ou pas, couples polyamoureux, etc.). Il y a une injonction très forte à se mettre en couple vers la trentaine, et une large majorité de personnes font l'expérience de la conjugalité.
Le célibat est certes important, mais il est rarement un projet de vie car le couple reste très associé à l'image de bonheur».
Et le sexe dans tout ça?
«Il y a une augmentation du nombre de partenaires sexuels chez les Français mais pas de hausse brusque avec internet. On ne peut pas parler de changement de paradigme sexuel. Par ailleurs, si la norme conjugale est très forte, il y a aussi une augmentation de l'espérance de vie sexuelle, avec des rapports à un âge plus élevé. Il y une tension autour de ça.
Avant, le couple était construit sur autre chose: c'était d'abord une institution matrimoniale et familiale. Aujourd'hui, c'est avant tout un lien entre deux personnes, où la sexualité est devenue fondamentale: elle est la preuve qu'on s'aime, avec pour conséquence cette crainte que si on a moins de rapports sexuels, ce serait le signe d"un couple affaibli».
Plus d'infidélités?
«Les Français sont plus ouverts, que par le passé, à l'idée que les aventures ne sont pas forcément graves. Mais il n'y pas eu de forte augmentation des relations infidèles, et surtout pas d'explosion avec internet. L'exclusivité (amoureuse et sexuelle) a au contraire un nouveau rôle: elle est devenue une preuve d'engagement.
C'est assez nouveau en France d'avoir une conversation autour de l'exclusivité: avant ça allait de soi. L'entrée en couple passait par les actes comme s'embrasser ou avoir des rapports sexuels, et l'exclusivité était implicite.
Aujourd'hui, on est en couple lorsqu'on se présente comme tel, et quand on se dit exclusif. Il y a d'autres modèles bien sûr, mais la norme majoritaire veut qu'être en couple, c'est ne pas aller voir ailleurs».
La fin du romantisme?
«Le modèle de l'amour romantique date du XIXe siècle mais je suis très frappée par la longévité de l'imaginaire autour de l'amour aveugle, de la rencontre fortuite, du destin, de l'idée de singularité contre celle des partenaires interchangeables...
Or, l'amour n'a jamais marché comme ça : la rencontre ne se fait pas au hasard, l'amour n'est pas désintéressé, il y a toujours eu des logiques économiques.
Les applications de rencontres donnent à voir ces logiques, mais elles ne les ont pas inventées. On lit beaucoup qu'avec ces services, c'est la fin de l'amour. Mais cette critique montre avant tout notre adhésion à l'idéal amoureux. Dire que l'amour n'est plus, c'est une autre manière de proclamer ce qu'il devrait être».
En 2013-2014, 9% des couples s'étaient formés grâce aux applications de rencontre, selon l'Ined. Un taux qui a nécessairement grimpé depuis cette époque.
Un marché faisant des exclus?
«Les inégalités face à la rencontre, c'est une réalité hors ligne et sur internet. L'âge est un premier facteur de discriminations: selon les moments de la vie, femmes et hommes n'ont pas la même facilité d'établir des contacts.
La classe sociale en est un autre. On constate aujourd'hui une vraie exclusion affective d'hommes de milieu populaire: une part importante d'entre eux restent célibataires toute leur vie. Faiblement diplômés, ils sont disqualifiés non seulement sur le marché du travail mais aussi dans les échanges amoureux et sexuels».
Les applications majeures de la décennie
Les applications majeures de la décennie
Les applications régissent notre existence. Voici celles qui ont marqué la décennie précédente.
10e place: TikTok (2016). TikTok est la première application chinoise de réseautage social ayant également rencontré un vif succès en Occident. Cela a valu quelques critiques à l’application sur laquelle de très jeunes utilisateurs surtout postent de brèves vidéos très souvent amusantes. Les médias ont fait état de la censure sur les questions politiques sensibles pour la Chine, ce qui a été démenti par la société
9e place: Flappy Bird (2014): Ce jeu très simple dans lequel il faut faire avancer un oiseau en évitant de heurter des tuyaux a agité le monde entier pendant quelques semaines au début de l’année 2014. Son concepteur a ensuite agi de manière très désintéressée. Il a supprimé son application de tous les App Stores car Flappy Bird était trop addictif. Les jeux actuels pour smartphones fonctionnent naturellement exactement sur ce même modèle économique.
8e place: Google Photos (2015): dès le début, il était possible de stocker gratuitement et en illimité ses photos dans le cloud de Google Photos. C’est ainsi que l’application s’est nettement démarquée de ses concurrents sur le marché du cloud qui se faisaient payer d’ordinaire une jolie somme pour chaque méga-octet d’espace de stockage.
7e place: Slack (2013). Slack a apporté les fonctions connues des tchats privés dans le monde de l’entreprise. Il est désormais également possible de s’envoyer très officiellement des émojis au travail. Cette nouvelle vision de la communication en entreprise sert toutefois aussi à s’assurer que les collaborateurs soient toujours atteignables, souvent également en dehors des heures de travail.
6e place: Candy Crush (2012). Le concept des créateurs de Candy Crush était à l’opposé de celui de Flappy Bird. Ils n'ont en fait que rendu leur jeu toujours plus addictif et ont réalisé des milliards de chiffre d'affaires grâce aux achats in-app (ou achats intégrés).
5e place: Snapchat (2011.: Durant un certain temps, le réseau social Snapchat semblait pouvoir supplanter Facebook, surtout auprès des jeunes utilisateurs. Il possédait de nombreuses fonctionnalités innovantes, comme ses messages à durée limitée et ses filtres amusants. Mais Facebook ne s’est pas gêné pour les copier sur Instagram. Snapchat continue toutefois d’être très présent sur le marché.
4e place: Pokémon GO (2016). Si des personnes courent sans raison apparente dans des parcs sombres avec leur smartphone en main, c’est probablement parce qu’ils chassent les Pokémons. L’application sortie en 2016 a été l'un des premiers jeux de réalité augmentée et elle reste aujourd’hui encore la seule à avoir vraiment du succès.
3e place: Tinder (2012). Avant Tinder, les rencontres en ligne jouissaient d’une réputation plutôt douteuse. Cela signifiait que les utilisateurs qui y avaient recours ne parvenaient pas à trouver quelqu’un de «manière classique». Le fonctionnement très simple et très superficiel de Tinder, où l’on balaie l'écran vers la droite ou vers la gauche afin de témoigner de son intérêt ou désintérêt à de potentiels partenaires, a transformé les rencontres en ligne en un phénomène de masse.
Uber (2011). Uber a révolutionné la mobilité urbaine. Commander une voiture simplement à l’aide d’un smartphone était une nouveauté. L’entreprise a considéré comme facultatives les lois en vigueur relatives au droit du travail et au transport de personnes dans bien des pays et a évincé de nombreuses sociétés de taxis implantées en recourant à des méthodes agressives.
Instagram (2010). Instagram a créé une esthétique complètement nouvelle. Des restaurants changent leur décoration afin d’apparaître sous leur meilleur jour sur l’application. Des personnes se rendent chez un chirurgien esthétique pour une opération du visage leur conférant un «visage Instagram». Et les fonctionnalités copiées à partir de Snapchat permettent aussi à Instagram de devenir l’appli toujours plus populaire pour la communication de personne à personne.
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