Etude Avec ou sans Tinder, l'envie de couple reste «plus forte que jamais»

AFP

13.2.2020 - 08:53

Quelques clics et des photos qu'on fait défiler... A l'heure de Tinder, Happn et autres applications de rencontre, Marie Bergström, sociologue à l'Ined, déconstruit quelques idées reçues sur l'amour (hétérosexuel) chez les Français, encore attachés à «la norme conjugale».

La fin du couple monogame?

«Il y a cette idée reçue que les nouvelles normes d'épanouissement, de réalisation de soi, auraient affaibli le couple. Ce n'est pas tellement le cas.

Aujourd'hui, la norme conjugale est plus forte que jamais, même si on peut +faire couple+ de manières différentes (marié, pas marié, habitant ensemble ou pas, couples polyamoureux, etc.). Il y a une injonction très forte à se mettre en couple vers la trentaine, et une large majorité de personnes font l'expérience de la conjugalité.

Le célibat est certes important, mais il est rarement un projet de vie car le couple reste très associé à l'image de bonheur».

Et le sexe dans tout ça?

«Il y a une augmentation du nombre de partenaires sexuels chez les Français mais pas de hausse brusque avec internet. On ne peut pas parler de changement de paradigme sexuel. Par ailleurs, si la norme conjugale est très forte, il y a aussi une augmentation de l'espérance de vie sexuelle, avec des rapports à un âge plus élevé. Il y une tension autour de ça.

Avant, le couple était construit sur autre chose: c'était d'abord une institution matrimoniale et familiale. Aujourd'hui, c'est avant tout un lien entre deux personnes, où la sexualité est devenue fondamentale: elle est la preuve qu'on s'aime, avec pour conséquence cette crainte que si on a moins de rapports sexuels, ce serait le signe d"un couple affaibli».

Plus d'infidélités?

«Les Français sont plus ouverts, que par le passé, à l'idée que les aventures ne sont pas forcément graves. Mais il n'y pas eu de forte augmentation des relations infidèles, et surtout pas d'explosion avec internet. L'exclusivité (amoureuse et sexuelle) a au contraire un nouveau rôle: elle est devenue une preuve d'engagement.

C'est assez nouveau en France d'avoir une conversation autour de l'exclusivité: avant ça allait de soi. L'entrée en couple passait par les actes comme s'embrasser ou avoir des rapports sexuels, et l'exclusivité était implicite.

Aujourd'hui, on est en couple lorsqu'on se présente comme tel, et quand on se dit exclusif. Il y a d'autres modèles bien sûr, mais la norme majoritaire veut qu'être en couple, c'est ne pas aller voir ailleurs».

La fin du romantisme?

«Le modèle de l'amour romantique date du XIXe siècle mais je suis très frappée par la longévité de l'imaginaire autour de l'amour aveugle, de la rencontre fortuite, du destin, de l'idée de singularité contre celle des partenaires interchangeables...

Or, l'amour n'a jamais marché comme ça : la rencontre ne se fait pas au hasard, l'amour n'est pas désintéressé, il y a toujours eu des logiques économiques.

Les applications de rencontres donnent à voir ces logiques, mais elles ne les ont pas inventées. On lit beaucoup qu'avec ces services, c'est la fin de l'amour. Mais cette critique montre avant tout notre adhésion à l'idéal amoureux. Dire que l'amour n'est plus, c'est une autre manière de proclamer ce qu'il devrait être».

En 2013-2014, 9% des couples s'étaient formés grâce aux applications de rencontre, selon l'Ined. Un taux qui a nécessairement grimpé depuis cette époque.

Un marché faisant des exclus?

«Les inégalités face à la rencontre, c'est une réalité hors ligne et sur internet. L'âge est un premier facteur de discriminations: selon les moments de la vie, femmes et hommes n'ont pas la même facilité d'établir des contacts.

La classe sociale en est un autre. On constate aujourd'hui une vraie exclusion affective d'hommes de milieu populaire: une part importante d'entre eux restent célibataires toute leur vie. Faiblement diplômés, ils sont disqualifiés non seulement sur le marché du travail mais aussi dans les échanges amoureux et sexuels».

Les applications majeures de la décennie

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