Interview Eric Naulleau: «Dans la vie, j’aime bien la castagne!»

Anaïs Deban/AllTheContent

22.10.2018

Eric Naulleau.
Eric Naulleau.
AllTheContent/Julian Torres/Paris Première

Son duo explosif avec Zemmour l’a propulsé et en a fait une personnalité télévisuelle incontournable. Auteur, ex-éditeur, passionné de football et de littérature, il est à l’affiche de deux émissions sur Paris Première cette année. Dans une interview pour «Bluewin», Eric Naulleau nous parle avec passion de son métier et de sa joie à l’exercer.

«Ça balance à Paris» a fait sa rentrée mi-octobre avec une toute nouvelle formule. Vous en êtes content?

Oui! Ça va encore s’améliorer les semaines à venir mais on a trouvé une bonne formule. Il y a plus de débat, on a renouvelé les équipes, ce qui me permet d’avoir cinq chroniqueurs au lieu de quatre… C’est plus vif. Aussi, il n’y a plus d’invité mystère. Cela faisait pourtant partie de l’ADN de l’émission depuis le début mais ça me laisse beaucoup plus de latitude pour débattre et pour contredire mes chroniqueurs. J’ai grand plaisir à cette nouvelle formule. C’est la neuvième saison que j’anime cette émission et j’ai fait trois saisons avant en tant que chroniqueur. C’est une émission qui est un peu ancienne alors c’est bien de renouveler de temps en temps! En tout cas, le ressenti des chroniqueurs était très positif et d’après les premières réactions l’émission a plu, l’audience était tout à fait convenable donc pour le moment, tout va bien!

«On tourne le dos à ce qui est la pratique générale à la télévision...»

Pas d’invités, ce qui signifie pas de promo… Le mot d’ordre c’est la liberté…

Ça a toujours été très libre dans les expressions critiques mais là le programme - et il sera respecté à la lettre - c’est en effet zéro promo. On tourne le dos à ce qui est la pratique générale à la télévision c’est-à-dire la promotion où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil… Quand vous avez le réalisateur ou l’acteur ou l’écrivain en face, il s’agit de ne pas le contrarier. Ce n’est pas qu’on aime contrarier les gens pour les contrarier mais ce n’est pas du tout le principe de l’émission. Le principe de l’émission c’est: un discours critique en toute liberté. Et je pense qu’il s’exprime encore mieux dans cette nouvelle formule.

«Le principe de l’émission c’est: un discours critique en toute liberté.»

Vous êtes aux côtés de Zemmour, pour la huitième saison de «Zemmour et Naulleau»…

Déjà?!

Eh oui… On dit que c’est «le rendez-vous polémique» de Paris Première et de vous que vous êtes un «chroniqueur polémique». C’est quoi votre définition du chroniqueur polémique?

Un chroniqueur polémique, c’est quelqu’un qui espère qu’il va se passer quelque chose au plateau. C’est-à-dire qu’il veut sortir d’échanges un peu convenus, qui adopte une manière d’interviewer et de voir les choses beaucoup plus anglée, beaucoup moins consensuelle. Le mot polémique est en fait assez vague. Moi, je ne tiens pas particulièrement à ce qu’il y ait des éclats sur le plateau ou des clashs. Je tiens juste à ce que l’invité sorte de sa zone de confort et c’est la promesse de l’émission: deux chroniqueurs avec des discours orientés, là plus pour en découdre que pour débattre.

«Je vois bien que les invités ne sont pas du tout habitués à ce genre d’interviews.»

L’envie d’en découdre, c’est ça qui fait selon vous le succès de l’émission?

C’est ça qui fait la longévité de notre duo. Comme nous ne sommes absolument pas formatés, on ne se lasse pas. Si on devait peser nos mots, marcher sur des oeufs, l’émission n’aurait pas duré longtemps. Tandis que là, on arrive en plateau avec Zemmour sans s’être concertés, chacun découvre les arguments de l’autre. Je vois bien que les invités ne sont pas du tout habitués à ce genre d’interviews. Il y a quelque chose qui les surprend et les déstabilise même un peu malgré l’expérience qu’ils ont des débats. Je sens que les règles du jeu changent.

Zemmour et Naulleau
Zemmour et Naulleau
AllTheContent/François Lafite/Paris Première

Vous vous êtes rencontrés sur le plateau de Laurent Ruquier il y a maintenant plus de dix ans… Pourquoi ça se passe aussi bien avec Zemmour?

Je trouve d’abord que c’est miraculeux de pouvoir faire équipe dix ans avec quelqu’un dont on ne partage pas les opinions. En plus on peut dire que nos désaccords ont plutôt tendance à s’approfondir qu’à s’amoindrir. Je crois que c’est parce qu’il y a le facteur humain qui rentre en ligne de compte. Je m’entends très bien à titre personnel avec Zemmour avec qui j’entretiens des liens d’amitié. Mais cela n’exclut pas une certaine vigueur dans les débats. Je trouve que c’est un bon équilibre: liens d’amitié en privé et débat sans concessions en public. Quand on a terminé l’émission il n’y a pas de rancoeur, il n’y a pas de mauvais sentiment, on est prêt à en découdre la semaine d’après. Ça ne tiendrait pas sans ce côté humain. Le fait qu’on s’entende bien, qu’on soit en désaccord sur beaucoup de sujets idéologiques et puis en accord sur certains autres sujets de la vie comme nos goûts littéraires ou un certain goût pour la potacherie - ce n’est pas à notre honneur mais il faut bien le dire - je crois que c’est une équation gagnante et durable.

Et après autant d’années, qu’est-ce qui motive à rester auprès de Zemmour et face à lui?

Dans la vie j’aime bien la castagne! Et là, on me la sert sur un plateau, au sens littéral de la chose, deux fois par semaine pour «Zemmour et Naulleau» et «Ça balance à Paris». Et je crois que le débat est indispensable, que ce soit en politique ou en culture, il en sort toujours quelque chose. À condition qu’on sorte des figures obligées. C’est ça qui m’anime. Et puis le plaisir! J’ai beaucoup plaisir à faire ces deux émissions. Elles sont enregistrées le même jour et je peux vous dire que le mercredi matin, je vais travailler heureux et avec le sourire. Et je sais que c’est déjà un privilège parce que ce n’est pas le cas pour tout le monde.

«Je ne suis pas très doué pour la diplomatie.»

La provocation et le franc-parler c’est un peu votre marque de fabrique, la «castagne» comme vous dites. Est-ce que parfois ce n’est pas frustrant d’être cantonné à ce rôle?

Ce serait frustrant si c’était effectivement un rôle. Mais les personnes qui me connaissent bien disent qu’il n’y a pas grande différence entre celui que je suis à l’écran et celui que je suis dans la vie. Je ne me considère pas comme un provocateur, simplement je ne suis pas très doué pour la diplomatie. Je dis les choses très directement et je ne m’embarrasse pas trop de précautions oratoires. J’essaie de les dire de manière réfléchie mais je n’ai pas dans l’idée de provoquer. Mais je n’y mets pas les formes, ça c’est vrai.

Eric Naulleau n'aime pas les figures obligées.
Eric Naulleau n'aime pas les figures obligées.
AllTheContent/Julian Torres/Paris Première

Vous êtes chroniqueur, animateur télé, vous avez été éditeur. On vous demande votre avis sur tout, même sur l’équipe de France de football… Bref, vous êtes partout. Comment on devient Eric Naulleau?

Je suis devenu passionné de foot et de littérature au même âge et je vis sur ce stock de passions accumulées durant mon enfance. Je ne suis devenu personne, je me suis contenté d’être celui qui aime le foot et la littérature. J’avoue que je n’ai pas beaucoup renouvelé mon stock.

C’est déjà pas mal…

Oui c’est pas mal (rires)! Mais ce qui peut paraître contradictoire c’est que l’univers des livres et celui du foot semblent éloignés. Mais pas pour moi, puisque ça fait partie des données essentielles de mon existence. En attendant mes copains le dimanche matin avant d’aller jouer au foot en club, je lisais un livre. Ça me paraissait complètement naturel. Je n’ai donc pas l’impression d’être devenu quelqu’un, j’ai l’impression d’avoir été un enfant et d’être resté cet enfant.

«Je crois que le débat est indispensable, que ce soit en politique ou en culture.»

Vous avez réussi à joindre vos deux amours puisque vous avez notamment écrit un livre sur le football, «Quand la coupe déborde» paru en mai dernier. Qu’est-ce que vous plaît dans ce sport?

Je pense que c’est peut-être le sport collectif le plus passionnant simplement parce que c’est le plus irrationnel. Au basketball si une équipe domine et a toujours le ballon, il est absolument certain qu’elle va gagner le match. Au football, non. Vous pouvez être dominé pendant 89 minutes et gagner quand même le match. C’est déjà quelque chose de palpitant. Et puis c’est lié à des souvenirs d’enfance. Je me rappelle que les grands matchs me jetaient dans des états seconds. Je devenais une personne autre. Il y a un côté docteur Jekyll et mister Hyde. En plus j’ai joué jusqu’à 35 ans en club. C’était amateur mais tout de même un peu sérieux. Et puis ce que j’ai aimé dans un deuxième temps, c’est que le football c’est beaucoup plus que du football. C’est un sport très politique et géopolitique qui commence à donner des choses intéressantes dans le domaine artistique. Il y a de plus en plus de très bon livres sur le foot. C’est une manière de concilier mais deux grandes passions. Je resterai un footeux pour toujours.

Comment s’est dessinée votre carrière? Vous rêviez de télé?

Non pas du tout. Je suis entré à la télé par la littérature. Je défendais un livre que j’avais écrit et on m’a repéré. Je suis devenu chroniqueur dans «Ça balance à Paris» présenté à l’époque par Laurent Ruquier. Ce n’était pas du tout quelque chose de pensé. Et d’ailleurs me rapproche de Zemmour la commune conviction que faire mille bonnes émissions de télé ne remplacera jamais d’avoir écrit un bon livre. D’être Zemmour ou Naulleau, ce ne sera jamais être Chateaubriand ou Proust. Malheureusement pour nous. J’adore faire carrière à la télé, c’est un métier que j’exerce avec beaucoup de passion mais la littérature reste au-dessus, bien sûr.

«Je ne fais pas comme si les audiences n’existaient pas.»

Quels sont vos objectifs pour cette nouvelle année bien chargée?

J’ai un seul objectif à la télévision: continuer à m’amuser. Le jour où ça ne m’amusera pas, j’arrêterai. Mais je ne fais pas comme si les audiences n’existaient pas. On nous les communique. Quand c’est bien ça remonte le moral, quand il y a un coup de mou on se demande ce qu’on peut mieux faire. Ces objectifs-là existent, mais vraiment si j’ai plaisir à le faire c’est qu’il faut continuer, si ça cesse il faudra en tirer les conséquences.

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