Elton John: «Certains moments liés à la drogue ont également été très douloureux»

de Marlène von Arx

28.5.2019

«Rocketman», le biopic d’Elton John, a célébré sa première au Festival de Cannes. «Bluewin» a rencontré la légende britannique et son mari pour une interview.

Ce film musical impressionnant raconte comment le prodige du piano intimidé Reginald Dwight est devenu la superstar toxicomane et alcoolique Elton John et montre ce qui lui a finalement sauvé la vie. L’icône de la pop et son mari David Furnish, tous deux producteurs du film, reviennent à cette occasion sur une vie pleine de hauts et de bas.

Qu’est-ce que ça fait de voir sa propre histoire sur grand écran?

Elton John: C’est très étrange. Encore plus si vous êtes encore en vie! (rires) La plupart des gens sont morts lorsque le biopic est tourné, à part Tina Turner. D’un côté, c’était bizarre, mais de l’autre, c’était si réaliste que j’avais l’impression qu’aucun acteur ne jouait dedans. Taron Egerton est vraiment devenu moi – même au niveau du chant. Je ne peux pas lui faire un plus beau compliment.

Tout ce qui est révélé dans le film est courageux. Avez-vous dû vous surpasser?

Elton John: Il y a déjà eu un film sur moi, certes sérieux. Le succès a été formidable, mais je n’arrivais pas à composer avec cela. David a réalisé le documentaire «Tantrums & Tiaras» à mon sujet et je voulais que «Rocketman» devienne tout aussi authentique.

David Furnish: La remontée n’est pas si gratifiante si on ne voit pas la dégringolade. Le fait qu’Elton soit clean depuis 29 ans désormais est très inspirant, car même aujourd’hui, beaucoup de gens ont encore honte de parler de toxicomanie et de problèmes psychologiques. Nous espérons aider les autres en faisant cela.

Elton John: J’ai aussi fait de la musique et des tournées dans les pires moments. La musique m’a gardé en vie. Je ne voulais pas cacher dans le film que je suis un homme gay. Je crois que c’est le premier film d’un grand studio de cinéma qui comprend une scène d’amour homosexuelle. Je suis fier de ça. C’était en réalité comme dans le film: j’ai eu ma première relation sexuelle à l’âge de 23 ans. Mon père m’a dit que si je me masturbais, je deviendrais aveugle. A treize ans, j’ai dû porter des lunettes et je me suis dit: «Oh mon Dieu, il a raison!» (rires)

Quel a été le moment le plus difficile que vous ayez revécu au cinéma?

Elton John: Quand j’ai vu la séquence avec «I Want Love» pour la première fois, j’ai fondu en larmes. Certains moments liés à la drogue ont également été très douloureux car ce fut une période affreuse. Lorsque j’ai vu le film lors de la première à Cannes, la scène avec Bernie Taupin (parolier d’Elton John, ndlr) dans laquelle il me rend visite au centre de désintoxication a été la plus éprouvante pour moi. Notre amitié était la seule chose à laquelle je pouvais m’accrocher et il s’était retiré parce qu’il ne pouvait plus supporter cela. C’est dans cette scène qu’il est revenu. Nous sommes aujourd’hui plus proches que jamais. C’était le début de notre deuxième chapitre. Quand il m’a donné le texte d’«I’m Still Standing», j’ai su que j’allais guérir.

Mais cela ne s’est pas fait du jour au lendemain, n’est-ce pas?

Elton John: Non, cela a demandé beaucoup de travail. J’ai dû beaucoup apprendre et, pour une fois, me taire et écouter les conseils des autres. Même si parfois je ne voulais pas de cela, ma méthode ne fonctionnait pas. Je n’ai pas fait de tournée durant ma première année sans alcool, mais au cours des trois premières années, j’ai assisté à environ 1200 réunions des AA. Je suis devenu une meilleure personne. Pour ma réhabilitation, il était également important que je m’engage dans la lutte contre le sida. J’ai donc fondé en 1992 l’Elton John AIDS Foundation. Quand j’étais accro, je n’étais pas suffisamment engagé car cela fait perdre tout sens de la logique, de la raison et de la responsabilité. Pour les créateurs et les artistes, le monde s’assombrit de temps à autre, mais maintenant, j’ai David qui m’aide ensuite à revoir la lumière. De même, autour de mes enfants, je ne me sens jamais troublé.

Comme on peut le voir dans «Rocketman», vous ne provenez manifestement pas d’un cadre familial aimant…

Elton John: Mes parents n’auraient jamais dû se marier. Ils ne se correspondaient pas du tout et je suis très heureux qu’ils aient tous les deux trouvé leur bonheur dans leur deuxième mariage.

David Furnish: Elton m’a confié un jour que ses souvenirs d’enfance étaient des souvenirs de peur. Il avait peur de faire quelque chose de mal, de faire quelque chose que son père n’approuvait pas. C’est pourquoi il a souhaité que nos enfants nous associent non pas à de la peur, mais à des possibilités. Nous disons chaque jour à nos fils que nous les aimons. Les câlins font partie du quotidien.

Elton John: C’était une autre époque. Mon oncle disait que mes parents ne pouvaient pas divorcer à cause de ce que les voisins en auraient dit. Ils sont restés ensemble pour mon éducation, mais ça n’a fait qu’empirer. Heureusement, j’avais la musique qui me permettait d’échapper à la réalité.

Enseignez-vous le piano à vos enfants Zachary (8 ans) et Elijah (6 ans)?

Elton John: Je ne suis pas un bon professeur et les enfants doivent aussi avoir vraiment envie de jouer. Les forcer n’apporte rien. Nos fils prennent des cours de piano de leur plein gré et ils aiment ça. Je ne pense pas qu’ils deviendront comme moi, mais ça leur plaît – et c’est bon pour eux.

Sir Elton John et Marlène von Arx, de «Bluewin».
Sir Elton John et Marlène von Arx, de «Bluewin».
Marlène von Arx

Vous saviez reproduire les mélodies que vous entendiez dès l’âge de quatre ans et vous écrivez aujourd’hui des classiques à la vitesse de l’éclair. Comment expliquez-vous ce talent?

Elton John: Aucune idée, je ne fais que poser mes mains sur les touches, puis quelque chose se passe. Une sorte de film apparaît sous forme de texte. Bernie et moi avons tout simplement un don: il écrit les paroles et moi la mélodie, et cela ne dure jamais longtemps. J’ai écrit «Your Song» en une demi-heure. Si je n’arrive pas à terminer une chanson en une demi-heure, je m’arrête et j’y reviens plus tard. Je n’écris pas non plus tous les jours, mais juste lorsque j’en ressens l’envie.

Ce don n’a-t-il jamais été un fardeau pour vous? Ou y a-t-il eu des moments où vous vous êtes senti incompris en tant que musicien?

Elton John: En réalité, non. Je ne parle pas de mon talent et Elton John reste sur scène ou en studio d’enregistrement. Il ne vient pas à la maison avec moi. Pendant un moment, j’accrochais à la maison mes disques d’or et tout ce qui se rapportait au succès. Mais j’ai passé outre cela. Aujourd’hui, ils sont rangés n’importe où. Bien sûr, parfois, je doute de ce que je fais, je me demande si je fais quelque chose suffisamment bien. Aucun artiste qui se respecte un tant soit peu ne dit que tout est toujours merveilleux ou qu’il ne doute pas de lui-même. Ce qui fait également qu’on ne va pas mieux.

David Furnish: Chaque fois qu’il entame un album, j’attends l’inévitable appel qui survient au bout de deux ou trois jours, dans lequel il me dit qu’un nouvel album n’a aucun sens et que le monde n’a de toute façon pas besoin d’un nouvel album d’Elton John. Comme il écrit quasi sur commande, la pression qu’il s’inflige est assez forte. Il dit alors qu’il n’a pas le bon producteur ou le bon studio d’enregistrement. Mais une fois qu’il a enregistré une ou deux chansons, ça va – et il est inarrêtable.

«Rocketman» est sorti ce mercredi 29 mai dans nos cinémas.

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