Interview Louise Bourgoin: «Je n’imaginais pas à quel point cet amour serait fort!»

Anaïs Deban / AllTheContent

26.11.2018 - 17:01

Louise Bourgoin revient sur la chaîne qui l’a faite connaître dans une création originale adaptée du film «Hippocrate». Dans cette série très naturaliste sur les difficultés du monde hospitalier, elle campe le rôle d’une interne sévère. Une partition complexe que l’actrice maîtrise avec grâce. Pour Bluewin, elle parle du tournage de la série et de sa récente maternité.

Vous avez tout de suite voulu ce rôle?

Oui! Je savais déjà que j’avais affaire à un très grand metteur en scène. J’avais adoré ses films «Hippocrate» et «Médecin de campagne». Et puis ce qui m’a beaucoup plu chez Chloé, mon personnage, c’est sa complexité. Le fait qu’elle soit austère de prime abord alors qu’en fait elle a beaucoup de secrets et de failles… Il y avait une densité très forte dès la lecture. Surtout j’étais assez troublée. J’ai trouvé qu’elle me ressemblait beaucoup. J’ai des façons d’être similaires. On a le même caractère : autoritaire, jusqu’au-boutiste… C’est vraiment troublant parce que le réalisateur, Thomas Lilti ne me connaissait pas! Il a juste eu une pressentiment me concernant…

«On a vu des femmes accoucher sur le parking, des anciens malades sont venus jouer les malades...»

C’est une femme dure, qui a souffert et qui semble s’être forgé une grosse carapace... Dans quoi avez-vous puisé pour appréhender le rôle? Comment avez-vous endossé la blouse de Chloé?

C’était un tournage tellement long que l’on ne se sépare plus du personnage. On est en immersion. On était dans cet hôpital confrontés au quotidien. On a vu des femmes accoucher sur le parking, des anciens malades sont venus jouer les malades à nouveau pour nous, de vraies infirmières venaient nous montrer les gestes… Alors j’ai vraiment fusionné avec le rôle.

C’est un rôle qui demande beaucoup de préparation, notamment pour maîtriser les gestes du médecin. C’était un défi effrayant?

On répétait les gestes avant et entre chaque prise avec des professionnels. Et Thomas aussi nous a beaucoup montré les gestes. C’était important pour lui qu’on soit précis même si on ne voyait pas le geste à l’écran. Ça m’a beaucoup aidée à me concentrer, à lâcher la psychologie, à être moins dans ma tête. Le texte sortait naturellement, ça laisse peu de place à la composition, on était beaucoup nous-mêmes.

«C’est un des rôles les plus marquants que j’ai pu jouer.»

Qu’est-ce qu’il vous reste de ce rôle?

Énormément de choses! C’est un des rôles les plus marquants que j’ai pu jouer. C’est un rôle profond, ce personnage à beaucoup de strates et de densité. Elle a aussi une sorte de folie dans sa volonté de ne jamais s’arrêter alors que sa vie est en jeu, une sorte de déni. Et puis la série parle de ces héros du quotidien qui donnent leur vie pour les autres alors qu’on est dans une société très individualiste.



La dimension sociale d’un projet, jouer des personnages engagés, ça vous plaît?

Bien sûr. On en a beaucoup parlé sur le tournage et je suis très fière d’y participer. Fière que la série puisse ouvrir un débat, qu’elle montre qu’il y a une vraie crise des hôpitaux en France. Thomas dit toujours «on reconnaît une société à ses prisons et ses hôpitaux». Dans chaque épisode on voit qu’il y a une volonté de rentabilité qui est obscène par rapport aux enjeux liés aux patients. J’étais tellement admirative des infirmières, des aides-soignants, des médecins… On était tous très fiers de les représenter.

«Mon fils avait 18 mois, il ne faisait pas ses nuits.»

Vous étiez toute jeune maman au moment du tournage. Vous avez cherché dans ces nouvelles émotions pour construire le rôle de Chloé? La fatigue, une autre approche du corps…

Je n’ai rien eu à chercher! Mon fils avait 18 mois, il ne faisait pas ses nuits. Je partais de chez moi à 5h30 et je revenais à 22h. Thomas nous voulait bruts, on n’a pas de maquillage. Chloé est un personnage assez marqué physiquement. Alors cette fatigue, c’était parfait pour le rôle.

Ça ne fait pas pas peur en tant qu’actrice d’être complètement au naturel?

Au contraire! J’ai déjà fait d’autres films sans maquillage et je crois que c’est important pour les metteurs en scène. Je viens de la télévision, on a pu beaucoup me voir maquillée, un peu travestie… Ils veulent être débarrassés de tout ça et moi ça me libère beaucoup. Je n’ai pas besoin de tous ces artifices. En plus je déteste les retouches maquillage et coiffure sur les tournages, ça me déconcentre. Et vous savez, Thomas nous a montré des passages de la série américaine «Urgences» pour qu’on voie ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas. Alice Bélaïdi et moi on a été choquées de voir que les filles avaient du rouge à lèvre et des brushings impeccables même en séance de réanimation. C’est grotesque!

«Avant d’être mère je n’imaginais pas ça du tout. Pas à ce point.»

Vous aviez déjà joué des rôles de mères, maintenant que vous l’êtes, est-ce que vous envisagez ces rôles différemment? Est-ce que la maternité fait de vous une autre actrice?

Certainement. Je n’imaginais pas à quel point cet amour serait fort. Ça m’a permis dans des comédies auxquelles j’ai participé depuis que je suis maman, d’aller très loin dans le débordement affectif. J’avoue qu’avant, je n’aurais jamais osé allé jusque-là. On est ridicule, vu de l’extérieur, quand on est avec son bébé. On est fou! Y'a aucune limite. Avant d’être mère je n’imaginais pas ça du tout. Pas à ce point. Avant c’était un point d’interrogation… Ça m’a complètement libérée et ça me sert très certainement dans mon métier d’être mère aujourd’hui.

Souvent, pour la médecine, on parle de vocation. Est-ce que jouer la comédie c’en est une pour vous?

Ça l’est devenu mais ce n’était pas du tout écrit. Je me destinais à une carrière plutôt de dessinatrice, j’ai fait les Beaux Arts. Je n’ai pas tout de suite pris du plaisir à jouer. J’ai pris un peu de temps à trouver mes marques. J’ai tout de suite eu des propositions de premiers rôles et quand on n’a aucune formation, l’expérience est très très éprouvante. Mais aujourd’hui je vis ça avec beaucoup plus de plaisir, de façon plus épanouie. Et surtout pendant le tournage d’«Hippocrate». En 6 mois on a le temps de proposer des intentions de jeu, d’approfondir.

Vous vous retrouvez dans l’ambition du personnage de Chloé dans la série?

Oui mais pas en tant qu’actrice. Ce n’est pas concernant des ambitions de carrière. Mais pour tout, dans la vie, je suis assez obsessionnelle et volontaire. Moi aussi je suis un peu comme un bélier, à foncer dans le tas. Elle est un peu bourrin et moi aussi. En revanche, elle, elle prend mille décisions à la seconde et elle doute moins que moi… Et puis elle sauve des vies! J’aurais aimé avoir cette ambition.

Quels sont vos projets?

Je tourne deux films d’auteurs à partir du printemps prochain et on tourne la saison 2 d’«Hippocrate» en novembre prochain.

Et vous arrivez à vous poser un peu?

On a fini de tourner en mai dernier et là j’ai pris le temps de me poser. J’ai la chance d’avoir cette passion «plastique» pour m’occuper et mon fils aussi. Je rattrape le temps perdu parce qu’effectivement je l’ai vu très peu pendant le tournage. Je profite de mon fils et je dessine. Je fais beaucoup de pâte à modeler en ce moment du coup! (rires)

«Hippocrate» est à retrouver depuis le lundi 26 novembre 2018 à 21h10 sur Canal+. Avec Swisscom TV Air, vous profitez gratuitement de Swisscom TV sur votre ordinateur, votre tablette et votre Smartphone. Ainsi, vous pouvez regarder Swisscom TV, vos enregistrements inclus, où que vous soyez.

Les pires méchants des séries télévisées

Retour à la page d'accueil