Small Talk La météo, plus si innocente que cela?

Marco Krefting, dpa/uri

12.10.2019

Dans la soirée du 25 juin 2019, des jeunes se rafraîchissent dans le lac de Walen: la température est montée jusqu’à 39°C en raison d’une vague de chaleur. (archive)
Dans la soirée du 25 juin 2019, des jeunes se rafraîchissent dans le lac de Walen: la température est montée jusqu’à 39°C en raison d’une vague de chaleur. (archive)
Keystone

Avant, il fallait à tout prix éviter d’aborder la religion et la politique dans nos discussions. La météo, elle, était un sujet de conversation sûr. Le changement climatique, Greta et les Fridays for Future ont-ils inversé la tendance?

Un temps maussade? Pas grave! L’été indien? Aucun problème! Autrefois, tout le monde parlait de la météo. Aujourd’hui, si vous ne faites pas attention à ce que vous dites, vous pouvez rapidement vous retrouver au centre d’une discussion sur le changement climatique, la compensation carbone, la militante pour le climat Greta Thunberg et les manifestations étudiantes. La météo, plus si innocente que cela?

«La sphère privée se politise de plus en plus», selon Anna Wagner, chercheuse en communication publique à l’université d’Augsbourg.

Comme pour l’alimentation et la santé, les débats publics sur le temps et le climat tournent de plus en plus autour de l’individu: que peut-il faire? Quelles habitudes doit-il changer? «Les comportements individuels sont également jugés sur les médias sociaux», assure-t-elle. Les tabous pourraient aussi amener les personnes aux opinions divergentes à ne plus oser s’exprimer.

«Quelque chose a changé»

Uwe Kirsche, du Deutschen Wetterdienst (DWD) a également le sentiment que le changement climatique occupe de plus en plus les discussions sur la météo. «Quelque chose a changé. Les gens se demandent de plus en plus si les événements météorologiques sont liés au changement climatique», affirme-t-il.

Il ajoute: «Ils se posent cette question à juste titre.» Néanmoins, ils sont aujourd’hui plus informés. «Les Fridays for Future ont relancé la dynamique», déclare Uwe Kirsche. Le DWD entend aujourd’hui suivre cette évolution et, à partir de l’année prochaine, évaluer plus fréquemment le rôle du changement climatique dans les phénomènes météorologiques.



Le météorologue et présentateur Sven Plöger perçoit également cet intérêt croissant et reçoit de plus en plus de lettres de la part des téléspectateurs, qui lui demandent de leur expliquer le changement climatique.

«On me demande très souvent: ce que nous vivons en ce moment est normal ou est-ce lié au changement climatique? Pourquoi cet anticyclone ou cette dépression stagnent-ils?», raconte Sven Plöger.

«Je constate très clairement que les téléspectateurs ont l’impression que quelque chose est en train de changer.» Il y a beaucoup d’incertitude dans les débats. D’après lui, cela pourrait également être dû au fait que les thèmes scientifiques sont généralement peu accessibles.

Le futurologue allemand Horst Opaschowski démontré que le phénomène lui-même n’était pas nouveau.

En 1994, il écrivait à propos des phénomènes climatiques extrêmes, comme l’été caniculaire de la même année, et le mois de mai remarquablement froid de 1991: «De plus en plus d’Allemands éprouvent une nouvelle crainte: la crainte de la météo. Cette sorte de phobie les amène à croire que le temps n’est plus normal.»

Toujours selon lui, le XXIe siècle serait devenu l’ère des extrêmes. La population perçoit les phénomènes météorologiques extrêmes comme des «signes avant-coureurs du changement climatique», écrit-il dans son nouveau livre «Wissen, was wird». 83% des Allemands partagent l’opinion que «le changement climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes sont la plus grande menace pour l’avenir.»

Ils seraient également plus sensibles aux conséquences à long terme: les familles avec enfants, notamment, se concentreraient principalement sur le bien-être de la prochaine génération et seraient les plus inquiètes.

«Tout dépend de la personne avec qui vous discutez»

Pas étonnant, alors, que les sages discussions sur la météo prennent une tournure hautement politique? Qu’on ne puisse plus pester contre le week-end très pluvieux ou se réjouir des prochains rayons de soleil sans un Donald Trump imaginaire sur une épaule, et Greta Thunberg sur l’autre?



Ce n’est pas si grave que ça, puisque tout le monde est d’accord pour dire que la météo est toujours un bon sujet de discussion. «Tout dépend de la personne avec qui vous discutez», affirme la chercheuse en communication Anna Wagner. «Quand je parle du temps qu’il fait avec ma tante Erna, c’est complètement différent que lorsque j’en parle avec un collègue qui milite pour la protection du climat.»

Eviter les sujets qui divisent

Le linguiste Philipp Dankel de l’université de Bâle estime qu’il est possible de changer les sujets habituels de conversation et d’établir plus fréquemment des liens entre des sujets de conversation spécifiques et des questions sociopolitiques.

Néanmoins, «la politesse joue également un rôle important dans les discussions», ce qui pourrait conduire les gens à parler des vacances, «mais, sur cette base, on ne peut lancer aucune discussion sur le bilan carbone». Ou on peut aussi simplement éviter le sujet. Anna Wagner ajoute que «pour préserver les relations sociales, certains sujets sont parfois laissés de côté».

Agnes Anna Jarosch du Deutscher Knigge-Rat affirme qu’ «il est tout à fait logique d’éviter les sujets qui divisent dans les conversations», sauf si l’on sait que la personne avec qui l’on parle a le même avis. Cela peut même souder les amitiés. «Tout le monde peut contrôler la direction que prend une conversation», estime Agnes Anna Jarosch.

Ceux qui n’ont pas envie de discuter du changement climatique peuvent aborder des sujets plus généraux: «C’est intéressant, ce qui se passe dans le monde.» Ou évoquer un sujet actuel pour réorienter la discussion, comme la traversée de Greta Thunberg jusque New York: «En parlant de voile, j’aimerais bien apprendre à en faire.»

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