Bötschi questionne Ueli Baruffol, pionnier suisse du marché international de la noix

de Bruno Bötschi

6.10.2020

En 2006, Ueli Baruffol (photo) et Balz Strasser ont importé le premier conteneur de noix de cajou indiennes en Suisse. Ainsi ont-ils lancé leur propre société consacrée aux noix, dans le respect du commerce équitable.
En 2006, Ueli Baruffol (photo) et Balz Strasser ont importé le premier conteneur de noix de cajou indiennes en Suisse. Ainsi ont-ils lancé leur propre société consacrée aux noix, dans le respect du commerce équitable.
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Grâce à lui, les noix biologiques équitables sont devenues acceptables en Suisse. Ueli Baruffol, fondateur de la société Pakka, évoque avec nous la durabilité rentable, ses modèles, ainsi que les raisons pour lesquelles son hyperactivité se mue parfois en problème.

Siège de Pakka, Zurich. 11 heures. Environnement de bureau, dix employés. Des ordinateurs et du papier, beaucoup de papier. Et encore plus de noix. Une mappemonde accrochée au mur. Une vue sur la Primetower.

Il y a 14 ans, l'agronome Balz Strasser et l'ingénieur forestier Ueli Baruffol fondèrent la société Pakka. À leurs débuts, les deux comparses ne touchaient qu’à la noix de cajou.

Elles affluent par voie maritime de tous les endroits du globe. Les noix vendues par Pakka sont cultivées par de petits agriculteurs en Inde, au Pakistan, en Géorgie, en Bolivie, au Kenya, en Palestine, en Côte d'Ivoire, en Colombie et en Chine. Tous les produits et ingrédients sont issus de l'agriculture biologique et du commerce équitable.

Ueli Baruffol a vu le jour à Männedorf, en 1975. Durant ses études d'ingénieur forestier à l'ETH, il s’est impliqué dans la coopération au développement et a travaillé en Équateur, pour un projet de gestion durable de la forêt tropicale de montagne.

Monsieur Baruffol, aujourd'hui nous aller nous adonner à un jeu de questions-réponses: au cours des 45 prochaines minutes, je vais vous poser autant de questions que possible et votre tâche sera de répondre le plus rapidement et spontanément possible. Si une question ne vous convient pas, dites simplement «je passe».

C’est entendu.

Männedorf ou Bogota?

Les deux, j’imagine. À Männedorf, je peux profiter de ma famille. Tandis qu’à Bogota, la capitale de la Colombie, j'ai pu faire naître de nombreux projets passionnants en collaboration avec de petits agriculteurs. La Colombie, c’est un peu ma deuxième maison, même certains de mes proches y vivent.

Bruno Bötschi
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Le journaliste de «Bluewin» Bruno Bötschi s’adonne régulièrement à ce jeu de questions-réponses avec des célébrités dans le cadre de sa chronique «Bötschi questionne». Il dispose d'une grande expérience en matière d'entretiens. Il a écrit durant de nombreuses années la série «Traumfänger» (l'attrape-rêve) pour le magazine «Schweizer Familie». Ainsi, il a demandé à plus de 200 personnalités quels étaient leurs rêves d'enfant. Le livre compilant tous ces entretiens a été publié par Applaus Verlag à Zurich. Il est disponible en librairie.

Beatrice Egli ou Maluma?

Je ne connais aucun de ces deux noms.

Beatrice Egli est la chanteuse pop la plus populaire de Suisse. Quant à Maluma, c’est un chanteur de reggaeton colombien, qui a récemment enregistré quelques morceaux avec Madonna.

Oh, maintenant ça commence à me revenir, du moins Maluma. Je pense que nos enfants l’écoutent.

Rentabilité ou bienveillance?

Bienveillance. Toutefois, la bienveillance n’est durable que si elle est rentable. Elle doit rencontrer un certain succès.

La couleur de vos yeux?

Marron.

Votre quotient intellectuel?

Aucune idée.

La première fois que vous avez gagné de l’argent?

À 16 ans, j'ai passé deux semaines dans une usine d’assemblage de filtres à eau. Les filtres ont ensuite été expédiés en Afrique.

Le métier de vos parents?

Père banquier, mère infirmière.

Quand vous a-t-on dit pour la dernière fois: «c’est vraiment un coup à la noix»?

Quand je joue au tennis. Il arrive que des mots fleuris soient prononcés sur le terrain.

Qui a davantage le juron facile: vous ou vos adversaires?

Il peut arriver qu’une erreur stupide me pousse à m’insulter moi-même.

Il y a quelques années de cela, les noix n'avaient pas bonne réputation. Pourquoi?

En toute honnêteté, je ne le sais pas. Notre famille a toujours consommé quantité de noix. Ma mère était et est toujours une adepte de Max Bircher-Benner, le créateur du Muesli Bircher. Je me revois encore, gamin sur le tricycle, ma mère me donnant un verre rempli de noisettes, de noix de cajou et d'amandes pour le goûter, pendant que les autres gosses dégustaient un petit pain avec une barre de chocolat.

Et vous n’aimiez pas le chocolat?

Bien sûr. Ainsi, c’est l’espoir de pouvoir en déguster un morceau qui m’amenait souvent à prendre le goûter chez mes copains.

Aujourd’hui, vos enfants savourent-ils des noix pour le goûter?

Oui.

Et que mangent les amis de vos enfants?

Des noix aussi (rires).

Ueli Baruffol: «Notre famille a toujours consommé beaucoup de noix. Ma mère était et est toujours une adepte de Max Bircher-Benner, le créateur du Muesli Bircher».
Ueli Baruffol: «Notre famille a toujours consommé beaucoup de noix. Ma mère était et est toujours une adepte de Max Bircher-Benner, le créateur du Muesli Bircher».
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Il y a quelques années, une étude américaine a apaisé les consommateurs: la mauvaise réputation des cacahuètes était infondée. Il s’agit simplement de se montrer parcimonieux.

Toute nourriture doit être consommée avec modération. Les cacahuètes ont fait l’objet d’une controverse en raison de leur potentiel allergisant relativement élevé.

Selon la Fondation européenne de recherche sur les allergies, 1,4% des Européens souffrent d'une allergie aux noix. Est-ce comparable aux autres aliments?

Je ne sais pas. En revanche, je peux vous dire que c'est l'arachide qui est la noix qui présente le plus fort potentiel allergisant. Les noix de cajou, qui caracolent largement en tête de nos ventes, ne provoquent guère d'allergies.

Le mot «Pakka» signifie «bien fait» en Hindi…

... ainsi que «bon, solide, intègre».

Qu'avez-vous fait de bon aujourd'hui?

Je me suis levé tôt et ai pris le train pour me rendre au bureau. En outre, jusqu'à présent, je me suis alimenté de façon plutôt saine.

Qu’avez-vous fait de moins bon aujourd'hui?

À peine arrivé au bureau, j'ai dévoré un paquet d'amandes au chocolat. Je me sentais un peu faible.

Pourquoi?

Hier soir, j'ai joué trois heures au tennis. Cela a sapé mon énergie.

En 2006, vous avez fondé la société Pakka avec Balz Strasser. Depuis, vous importez en Suisse des noix, des fruits secs et des épices issus de l'agriculture biologique et du commerce équitable. Comment tout cela a-t-il débuté?

Je viens d'une famille marquée par l'esprit d'entreprise. Enfant, la plupart du temps, je ne comprenais rien à ce que mes parents disaient à la table du déjeuner. Mais un jour, les pièces du puzzle se sont emboîtées, et j’ai enfin compris de quoi il retournait. Ainsi est née ma fascination. Lorsque Balz Strasser est venu me trouver des années plus tard, avec le projet d'importer en Suisse des noix de cajou provenant de petits exploitants indiens, j'ai été promptement séduit par son idée. À l’instar de la durabilité, la nourriture m'a toujours captivé. Cependant, je n'avais pas encore eu maille à partir avec les noix, à part lors du goûter préparé par ma mère. Alors j'ai eu envie de lancer une initiative qui m’était propre. De plus, un séjour en Équateur en 1999 m’a grandement influencé. J’y ai passé plusieurs mois à travailler dans le cadre d’un projet de gestion durable de la forêt tropicale de montagne. À l’époque, j’ai été frappé par le fait que l'ONG collaborait avec les agriculteurs pour mettre en place des entreprises locales et ainsi assurer leur durabilité.

Quelle a été la réaction de vos parents?

D’emblée, ils nous ont soutenus. Notamment d’un point de vue financier. Manifestement, Balz et moi leur avions bien vendu notre idée.

En matière de compliment paternel relatif à votre travail, lequel n’oublierez-vous jamais?

Je ne me souviens pas d’un éloge spécifique. Toutefois, mes parents ont toujours montré beaucoup d’enthousiasme. Je pense qu'ils sont fiers de ce que nous avons réalisé jusqu'à présent avec la société Pakka.

Paraître un peu pauvre fait-il partie du look d'un entrepreneur durable?

Non, je ne le crois pas.

Combien de costumes possédez-vous?

J'ai deux costumes qui pendent dans un placard. Je n’en ai porté aucun depuis plus de 20 ans.

Pourquoi avez-vous fait l’acquisition de ces costumes?

Après mes études, j'ai brièvement travaillé pour un institut de recherche, puis j'ai travaillé deux ans durant au sein d’une société de conseil. Pendant cette période, il m’est arrivé de devoir enfiler un costume.

Ueli Baruffol: «J'ai eu envie de lancer une initiative qui m’était propre. Un séjour en Équateur en 1999 m’a grandement influencé. J’y ai passé plusieurs mois à travailler dans le cadre d’un projet de gestion durable de la forêt tropicale de montagne».
Ueli Baruffol: «J'ai eu envie de lancer une initiative qui m’était propre. Un séjour en Équateur en 1999 m’a grandement influencé. J’y ai passé plusieurs mois à travailler dans le cadre d’un projet de gestion durable de la forêt tropicale de montagne».
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Votre modèle?

Tomy et Seepja Mathew, nos partenaires indiens depuis le début de l’aventure, sont mes modèles en matière d’affaires.

Pourquoi les Mathew sont-ils vos modèles?

Les Mathew sont des gens d’une grande intelligence, tout en étant très sociables. Que Tomy collabore avec une coopérative de petits exploitants ou qu'il prenne la parole devant le Parlement européen, il défend toujours la cause. Il excelle dans la création de réseaux et a su rester modeste. Quiconque apprend à le connaître ne peut qu’être impressionné par l'énergie qu’il dégage. «Dignity instead of charity», assène-t-il. La dignité plutôt que la charité. Et c’est un dicton qu’il défend au jour le jour. En dépit de leur succès, les Mathew partagent toujours un appartement trois pièces avec leurs deux filles.

Avez-vous d'autres modèles?

En sport, Roger Federer. J’admire aussi ma tante Verena Baruffol, qui, grâce à sa fondation en Colombie, a donné un avenir à beaucoup de gens vivant dans la rue. Son organisation, Fulfesh, a mis sur pied trois projets ancrés dans le centre de Bogota. L’objectif est de mettre en place des modèles économiques alternatifs, dans le cadre d’un collectif ou d’une coopérative. Son approche est marquée par le social. Elle ne cherche absolument pas le profit. Désormais, cette fondation chapeaute un centre culturel, une auberge et un restaurant.

De 2018 à 2019, vous avez vécu en Colombie avec vos enfants et votre femme Daniela. Qu'espériez-vous tirer de vos voyages?

Pakka collabore actuellement avec trois entreprises en Colombie. Nous travaillons aussi depuis longtemps sur un projet de fruits secs biologiques. En 2012, j'ai fondé une entreprise ayant pour but de produire le premier chocolat biologique colombien à partir d'ingrédients locaux. En outre, il y a deux ans, j'ai mis sur pied une ferme d'arachides biologiques ainsi qu’un projet visant à produire des noix de cajou biologiques, main dans la main avec un partenaire commercial situé dans une des régions les plus démunies du pays. Ces dernières années, je faisais la navette plusieurs fois par an. À la suite d’un changement de direction de l'entreprise productrice de chocolat, j'ai pris la décision de me rapprocher du projet pendant un certain temps. De plus, ma femme et moi souhaitions que nos enfants s’imprègnent d’une culture différente.

La Colombie est considérée comme un haut lieu du commerce de la drogue...

Véridique, mais la Colombie est aussi un pays merveilleux avec de magnifiques paysages. Son peuple est fantastique et son potentiel énorme.

Quel type de potentiel?

Il s’agit d’un potentiel très divers. Pour ma part, c’est le potentiel agricole qui m’intéresse. En Colombie, il existe d’immenses surfaces non cultivées depuis des décennies en raison des différents conflits qui agitent le pays.

Mis à part cela, qu’attendez-vous de vos voyages?

De la détente. Cela fait un bout de temps que je ne voyage plus comme un touriste lambda. En effet, au cours de mes voyages, je visite le plus souvent des projets passionnants ayant trait aux noix.

Vos enfants ne sont-ils pas déçus que leur père travaille constamment pendant les vacances?

Naturellement, je m’accorde aussi des vacances normales en compagnie de ma famille. Étant donné que je suis souvent à l'étranger pour mes affaires, ces vacances se déroulent le plus souvent en Suisse, au grand désespoir de nos enfants. Dernièrement, ma fille m’a confié qu'elle aimerait revoir la mer.

Alors? Vous y êtes allés?

Oui.

Y a-t-il un voyage qui, pour vous, tient de rituel?

Pas de rituel, mais une tradition: notre famille passe ses vacances d’hiver à Brigels, dans les Grisons. Et ce depuis 40 ans.

Avez-vous déjà envisagé d’émigrer?

Je peux m’imaginer passer une autre année à l'étranger avec ma famille. Toutefois, je ne trahirais pas les envies que ma femme et moi partageons quant à notre avenir, lorsque les enfants auront grandi et quitté le nid familial.

Ueli Baruffol: «Que Tomy (troisième à partir de la droite) collabore avec une coopérative de petits exploitants ou qu'il prenne la parole devant le Parlement européen, il défend toujours la cause. Il excelle dans la création de réseaux et a su rester modeste. Quiconque apprend à le connaître sera impressionné par l'énergie qu’il dégage».
Ueli Baruffol: «Que Tomy (troisième à partir de la droite) collabore avec une coopérative de petits exploitants ou qu'il prenne la parole devant le Parlement européen, il défend toujours la cause. Il excelle dans la création de réseaux et a su rester modeste. Quiconque apprend à le connaître sera impressionné par l'énergie qu’il dégage».
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À l'étranger, lorsque vous rencontrez des Suisses, avez-vous le mal du pays?

Non, mais ma famille me manque lors des longs trajets.

Quels aliments suisses vous donnent un sentiment de sécurité?

J'aime le chocolat noir et l’Emmental jeune.

Comment vos noix, épices et fruits secs sont-ils expédiés en Suisse?

Par voie maritime.

Beaucoup voyager est synonyme de mauvaise empreinte écologique. Cela vous préoccupe-t-il?

Non. Mes voyages sont liés à ma fonction professionnelle. Je suis également intimement persuadé que nos projets compensent largement nos émissions de CO2. Par exemple, chaque année, nous plantons 300 hectares d’anacardiers en Colombie.

Des mois durant, la pandémie de Covid-19 a restreint les voyages. L’épidémie a-t-elle eu un autre type d’impact sur votre entreprise?

Pendant la fermeture, notre chiffre d’affaires relatif aux produits vendus en restauration s’est effondré. Heureusement, nous avons été en mesure de compenser la majeure partie de cette perte par le commerce de détail.

La pandémie va-t-elle changer notre société? Si oui, de quelle façon?

Je suis convaincu que les individus adopteront un mode de consommation plus réfléchi à l’avenir. Ces derniers mois et semaines, nombre de Suisses se sont rendus compte que leur pays se prête merveilleusement bien aux vacances. Il n'est pas toujours nécessaire de s’envoler pour profiter. En revanche, je pense que le coronavirus attise les craintes des citoyens. J'espère que ce malaise ne paralysera pas trop notre société dans les années à venir.

Avez-vous téléchargé l'application Covid-19?

Oui.

Est-elle activée?

Bien sûr.

De but en blanc, comment se porte la dignité humaine à l'automne 2020?

Le coronavirus a donné un ennemi commun à l’humanité. Certes, de nombreux problèmes ont émergé, mais la pandémie représente aussi l’avènement d’une meilleure compréhension mutuelle. Malgré toutes les difficultés de ces derniers mois, je ne laisserai pas ma positivé s’estomper.

Que craignez-vous le plus?

J’ai tendance à m’atteler à plusieurs tâches en même temps. Ce trait de caractère m’amène par moments à être une source de stress pour mes proches, notamment mes enfants et ma femme. Cette dernière doit donc me freiner de temps à autre, même si elle considère mes activités comme géniales. J’ose espérer, qu'à l'avenir, je pourrai mettre un frein à mon hyperactivité et ne plus être une source de stress pour mon environnement.

Peut-être qu’une pilule de Ritaline, de temps en temps…

Le tennis me suffit comme distraction (rires).

À quand remonte le dernier moment d’heureuse ignorance?

Nos enfants ont 10, 12 et 15 ans. Les voir acquérir une indépendance croissante est merveilleux. J’adore les voir m'expliquer des choses que je connais pas, et ce de plus en plus fréquemment.

Êtes-vous en faveur d'un revenu de base universel?

Une idée passionnante. Je pense qu’il nous faut la mettre sur le banc d’essai.

Vous travaillez avec des producteurs en Inde, en Afrique et en Amérique du Sud. Êtes-vous plutôt du genre travailleur humanitaire ou gestionnaire tenace?

Entre les deux.

Le monde serait-il un meilleur endroit si toutes les entreprises adoptaient le même modèle que Pakka?

Il m’est difficile de faire l'éloge de nos propres activités commerciales. En réalité, notre intention est de faire ce qui nous semble bon et juste. Néanmoins, nous n’avons pas pour objectif d’intimer aux autres entreprises la façon dont elles doivent se comporter. Mais si d’aucuns estiment que Pakka dispose d’un modèle durable et rentable, alors nous sommes satisfaits.

Le profane peine à trouver son chemin dans le monde labyrinthique des labels de qualité et des appellations. Auriez-vous un conseil pour nous faciliter la tâche?

En Suisse, c'est relativement aisé. Pour les produits affichant le label «Max Havelaar», on peut estimer que la production a été équitable. Il en va de même pour le label «Bio Suisse», en matière de certification biologique.

Ueli Baruffol: «Nous n’avons pas pour objectif d’intimer aux autres entreprises la façon dont elles doivent se comporter. Mais si d’aucuns estiment que Pakka dispose d’un modèle durable et rentable, alors nous sommes satisfaits».
Ueli Baruffol: «Nous n’avons pas pour objectif d’intimer aux autres entreprises la façon dont elles doivent se comporter. Mais si d’aucuns estiment que Pakka dispose d’un modèle durable et rentable, alors nous sommes satisfaits».
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Pourriez-vous faire une déclaration frappante sur le progressisme et son lien avec la durabilité?

Aujourd'hui, nous sommes perplexes lorsque nous imaginons un temps où les femmes ne pouvaient voter. Dans 50 ans, nous nous interrogerons sur notre consommation gargantuesque de ressources en 2020 (170% des ressources mondiales). En matière de neutralité des émissions, nous serons également ébahis de constater que notre mobilité dépendait encore de la combustion de matières fossiles.

Mangez-vous des noix tous les jours?

Quasiment. Surtout des noix de cajou.

Elle emporte vos faveurs?

Oui et non. Dernièrement, j'ai aussi beaucoup consommé d’amandes pakistanaises. J'aime leur goût épicé..

Y a-t-il des noix que vous n’aimez pas du tout?

La noix de base, que je mange rarement.

Celles qui ressemblent à un cerveau? Coïncidence ou appel du pied?

Faites-vous référence à votre question sur mon quotient intellectuel au début de l’entretien? (rires) Plus sérieusement, je ne peux pas vous dire pourquoi je ne raffole pas de ce type noix. Sans doute parce que nous n’en vendons pas.

Quelles sont vos recettes de noix préférées?

Je préfère les déguster au naturel.

Qu'y a-t-il toujours dans votre frigo?

Lait de riz, gruyère jeune, emmental et beurre. Notre famille consomme beaucoup de beurre.

Je vais vous répéter trois phrases que vous avez prononcées dans les médias, et vous devrez me donner leur signification. «On ne peut miser sur la durabilité de façon crédible si l’on ne pense pas à sa famille et à soi».

Être durable aujourd'hui, c’est influencer l'avenir. Le monde qui abritera nos enfants et petits-enfants. J'espère que par le biais de mes activités commerciales, je pourrai apporter ma pierre, aussi peu importante soit-elle, à l’édification d’un monde meilleur.

«Les gens devraient acheter nos noix pour le plaisir, et non pas seulement par bienveillance».

C’est tout à fait vrai. Nous ne voulons vendre que des produits biologiques qualitatifs qui ont du goût. Notre souhait est de montrer aux gens que la qualité, le bio et le commerce équitable peuvent être en harmonie.

«La grande illusion du commerce équitable, c’est de penser que la noix transite directement de l'agriculteur local au consommateur suisse. En réalité, il existe toute une série de processus économiques complexes intermédiaires».

Les ONG veulent souvent que les agriculteurs soient responsables de la vente de leur production. Selon moi, c'est une chimère. Il est crucial de montrer aux agriculteurs les méthodes permettant de cultiver des noix de meilleure qualité et de leur indiquer les processus à suivre pour les faire certifier. Ils peuvent également réaliser la première étape: le séchage des noix. La commercialisation doit toutefois être organisée par une entreprise locale, épaulée par un entrepreneur spécialisé dans la vente. C'est exactement dans ce type d'entreprises que nous investissons. Je n'ai jamais vu une coopérative d'agriculteurs capable de gérer l’aspect commercial dès ses premiers instants. C'est un long processus.

Que craignez-vous le plus: le jugement d'un ami ou le jugement d'un adversaire?

Quand la critique émise par un ami est juste, c’est ardu. Un adversaire, en revanche, émet sans doute des critiques à votre égard parce qu’il veut parler en mal de vous.

Avez-vous des aspirations déçues?

Souvent, j’ai dû enterrer l’espoir d’un changement rapide. Les processus démocratiques sont cruciaux et passionnants, mais aussi chronophages. Je dois concéder qu'en ma qualité d'entrepreneur, je voudrais souvent aller plus vite. Toutefois, je suis aussi conscient que cela ne fonctionnerait pas. Entre autres parce que nous ne voulons pas imposer à nos partenaires un certain fonctionnement.

Enviez-vous parfois les animaux, qui s’accommodent très bien de ne pas avoir d’aspirations?

Lors de la création de Pakka, quand les événements ne se sont pas enchaînés aussi vite que prévu, je me suis parfois dit: «ah, si j'étais un poisson rouge, ces problèmes me seraient inconnus». Mais au fil du temps, j'ai appris à valoriser les défis qui ne se transforment pas sur le champ en succès.

Quel est votre animal préféré?

L’éléphant. Enfant, je les collectionnais en toutes sortes de matériaux. Pourquoi? Aucun souvenir.

Cette collection existe-t-elle encore?

Oui, dans une caisse à la cave.

Le dernier livre lu?

Un polar... désolé, j’ai oublié le titre. Je lis souvent au lit le soir.

Ueli Baruffol: «Lors de la création de Pakka, quand les événements ne se sont pas enchaînés aussi vite que prévu, je me suis parfois dit: «ah, si j'étais un poisson rouge, ces problèmes me seraient inconnus».
Ueli Baruffol: «Lors de la création de Pakka, quand les événements ne se sont pas enchaînés aussi vite que prévu, je me suis parfois dit: «ah, si j'étais un poisson rouge, ces problèmes me seraient inconnus».
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Votre dernière manifestation?

Je ne défile pas.

Les jeunes sont-ils plus intelligents que les personnes âgées?

J’espère que l'humanité évolue de génération en génération. Je suppose donc, ou plutôt j'espère, que la prochaine génération sera plus intelligente que la mienne.

Les enfants doivent-ils apprendre à penser comme Jeff Bezos et Elon Musk?

Absolument pas. Jeff Bezos et Elon Musk sont deux entrepreneurs qui connaissent le succès dans leurs domaines. Mais cela ne signifie pas que les autres doivent s’aligner sur leur mode de pensée. Chacun débute différemment dans la vie, chacun a des intérêts différents. Selon moi, il ne s’agit pas d’apprendre à singer les autres, mais plutôt de découvrir qui vous êtes et ce qui vous anime.

Êtes-vous fier d'être père?

Oui.

Voudriez-vous être votre femme?

Non (rires).

Croyez-vous en Dieu?

Je crois en la vie, en l'amour et je suis persuadé qu'il existe une énergie positive. À chacun de la nommer comme bon lui semble.

Pierre Maudet, Mario Fehr, Christoph Blocher: y a-t-il des responsables politiques qui ne sont pas des idiots?

Je passe.

À quel socialiste souhaitez-vous donner «un coup de pied dans le derrière»?

Je passe.

Quel responsable politique écolo souhaiteriez-vous mettre sur la bonne voie?

J’estime que la politique suisse fonctionne bien. De temps en temps, quand je découvre les supposés problèmes dont nous débattons pendant des heures, une histoire qu’un collègue du Guatemala m'a racontée me revient à l’esprit. Trois ans durant, à Genève, il a travaillé pour une organisation internationale. Un jour, en lisant le journal, il est tombé sur un article en une qui traitait du budget de l’opéra. Il a alors décidé de quitter la Suisse.

Pourquoi?

Il m’a confié qu'un pays capable de traiter du budget de l'opéra en une d’un journal n’avait pas de vrais problèmes. Il voulait vivre dans un pays avec des problèmes tangibles, où il pourrait œuvrer en faveur du changement.

La plus belle bagarre de votre vie?

Enfant, nous nous battions parfois, depuis, plus jamais.

Pour quels produits dépensez-vous trop d’argent?

Je dépense beaucoup d'argent en aliments biologiques.

Manque-t-il quelque chose à votre bonheur?

Il est presque midi... il faut que je déjeune (rires).

L’autocritique vous réussit-elle?

Oui, je me remets régulièrement en question. En outre, je suis également ouvert aux critiques venant de mes employés. Selon moi, chacun doit pouvoir s’exprimer ouvertement dans notre entreprise.

Qui auriez-vous souhaité ne pas rencontrer?

Aucun nom ne me vient à l’esprit.

La série «Upload» est actuellement diffusée sur la plateforme de streaming Amazon Prime. L’histoire en deux mots: les humains, au terme de leur vie, peuvent télécharger leur conscience dans un monde virtuel merveilleux ou mourir. Si cela était possible, que choisiriez-vous?

J’opterai pour le téléchargement. Mais avec une condition: si je n'aime pas le monde virtuel, je veux pouvoir effacer mes données.

Espérez-vous une vie après la mort?

Non. Je pense que nous avons tous le droit à un seul tour de manège. Ce qui serait beau, c’est que chacun laisse derrière soi quelque chose de bon.

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