Interview «J’espère que mon émission va participer à une prise de conscience»

Aurélia Brégnac/AllTheContent

10.1.2019

Cela fait bientôt dix ans qu’elle propose ses recettes simples mais savoureuses, dans son émission «Pique-Assiette». Annick Jeanmairet revient, à partir de ce samedi 12 janvier sur RTS Un, pour une nouvelle saison de démonstrations culinaires, accompagnée de prestigieux chefs suisses.

La présentatrice livre ses précieux conseils à «Bluewin» au sein de son emblématique cuisine – sa cuisine domestique! – qu’elle a, pour l’occasion, rénovée. Rencontre.

Pouvez-vous nous présenter cette nouvelle saison de «Pique-Assiette»?

Il y a pas mal de nouveautés. D’abord, la fameuse cuisine – dont on me demande souvent si c’est bien la mienne, ce que je confirme – a été transformée. J’ai fait une ouverture dans le mur, ce qui change complètement la perspective. J’ai aussi changé la déco, l’électroménager… Mais ça reste une cuisine domestique. On gagne en espace et en lumière.

«Il y a aussi une complicité qui se créé avec certains d’entre eux.»

Quelle évolution en dix ans d’émission?

La venue des chefs, puisque j’ai pendant longtemps officié toute seule. Ça amène un plus évident, car ils partagent avec nous leur savoir-faire, leurs gestes, leurs trucs… On a la présence de très grands professionnels, et j’ai la chance d’avoir des chefs très fidèles, dont certains reviennent chaque année. Il y a aussi une complicité qui se créé avec certains d’entre eux.

Votre premier invité, ce samedi 12 janvier, sera donc Franck Giovannini de Crissier, une star de la cuisine romande…

Oui, il n’était encore jamais venu, c’était donc une occasion pour marquer le coup. En fait, le chef Benoît Violier était déjà venu dans l’émission et devait revenir en 2016, l’année où il s’est suicidé. Il se trouve que j’avais invité Franck à ce moment-là, mais ce n’était pas le moment… Donc on a gardé contact, et je me suis dit «nouvelle cuisine, nouveau chef», et pas des moindres! C’est quand même un des plus grands chefs, si ce n’est le plus grand chef, de Suisse romande.

Que pensez-vous des différentes émissions autour de la cuisine, que ce soit le nouveau concept suisse de «Bon App’», ou bien des émissions de téléréalité comme «Top Chef» ou encore «Masterchef»?

Toutes ces émissions sont différentes. Ce sont plus des «shows culinaires», il y a beaucoup de jeu… Moi, je m’inscris plus dans la tradition de la recette filmée, telle qu’on la voyait déjà dans les années cinquante à la TV. Le but, c’est qu’on puisse, à la fin de 25 minutes d’émission, être capable de réaliser une recette pas à pas. J’essaie de proposer des recettes peu techniques, du quotidien, faciles… Ces émissions-là ne sont pas des démonstrations. On y voit des gestes, une partie de la recette, mais ce n’est pas le même propos. Moi, ce qui m’importe, c’est aussi de m’inscrire dans une conscience des saisons, et de varier les plaisirs. Tant que ça donne envie aux gens de cuisiner, de se mettre aux fourneaux, c’est bien.



Il y a un véritable engouement autour de la cuisine et de la gastronomie, notamment à la TV, ces dernières années. Pourquoi, selon vous?

Il y a aujourd’hui un problème de cuisine industrielle évident, qu’on appelle communément la malbouffe, la nourriture ultra transformée. Alors peut-être que les gens prennent conscience de ça et se disent «ce serait bien que je reprenne, moi, le contrôle de ma propre nourriture en allant choisir des aliments bruts et en les transformant». C’est ça, la cuisine. Mon discours a toujours été autour de cette réappropriation. Moi-même, je ne suis pas cuisinière, et je ne vais donc pas impressionner les gens par ma technique. Je ne demande pas non plus aux chefs de faire des démonstrations de haut-vol. Je propose des recettes qui sont d’un très bas niveau technique, mais qui sont bonnes, faciles, simplement pour se régaler sans être pro. Le grand luxe pour moi, ce n’est pas de pouvoir faire de temps en temps une recette très longue et très sophistiquée, mais de se dire que tous les jours on peut se préparer un petit frichti qui fait du bien. Se dire qu’on ne va pas avaler n’importe quoi… C’est une reprise de contrôle face à une industrialisation croissante.

«Je travaille à la maison, donc ça n’a pas trop changé ma vie professionnelle.»

Plus personnellement, quels sont vos spécialités et plats préférés?

En général, c’est la cuisine italienne, pour les raisons que je viens d’évoquer. Les Italiens arrivent à faire des choses extraordinaires, fabuleuses, délicieuses, avec très peu de choses et peu de moyens. C’est aussi une grande cuisine végétarienne. On peut réaliser des plats avec trois fois rien, très bons, souvent très diététiques, et pas chers.

Vous êtes branchée cuisine vegan?

Tout à fait. Là, justement, on va faire un plat qui s’appelle la ribolitta, à base de légumineuses. On est dans une société où on mange de la viande à l’excès, et la légumineuse, très grande source de protéines, permet d’en manger moins. Sauf que, contrairement aux Italiens qui n’ont jamais lâché les «fagioli» (les haricots secs), ni les «cece» les pois chiches ou les lentilles, on a ici plutôt méprisé «ces choses de pauvres» au profit de la viande. Mais ce sont des aliments d’avenir, source de protéines, bon marché et écologiques. On est donc parti sur ce plat toscan de la ribollitta, qui est une sorte de minestrone enrichi avec du pain sec. Ça fait partie de la «cucina povera», c’est-à-dire faire des plats consistants sans viande ni poisson, mais avec ce qui nous entoure, y compris les restes. Avant, on n’avait pas le temps de disserter sur la cuisine, il fallait survivre. C’est aussi un plat vegan, sans crème, sans beurre, et sans œuf.

«Je me suis promis de ne pas forcer mon fils à manger ce qu’il n’aime pas.»

Vous êtes devenue maman, il y a quelques années, est-ce que cela a changé quelque chose à votre vie?

Pas trop, non. Je travaille à la maison, donc ça n’a pas trop changé ma vie professionnelle. J’essaie de faire en sorte que mon fils profite de ma philosophie de la nourriture. Il n’a jamais mangé de petits pots, de la nourriture toute prête. Il connaît la «cuisine cuisinée»…
Après, je me suis promis de ne pas forcer mon fils à manger ce qu’il n’aime pas. Donc j’essaie de lui proposer des goûts, qu’il choisisse ou qu’il apprenne à les apprécier plus tard. Ça ne veut pas dire que, quand il sera ado, il n’ira pas se préparer des trucs au micro-ondes. Ce serait une façon de montrer sa révolte, mais je me dirais que c’est un passage…

Avoir un enfant après 40 ans… Quels sont pour vous les avantages et les inconvénients?

Je ne sais pas puisque je n’en ai pas eu avant. C’est difficile de répondre!

Hormis le succès de la nouvelle saison de votre émission, que peut-on vous souhaiter pour cette nouvelle année 2019?

J’espère que mon émission va participer à une prise de conscience. Parce que manger, c’est un acte culturel, naturel évidemment, mais qui est aussi éthique, environnemental… Et je pense qu’il y a une énorme urgence au niveau de la Terre. Les recettes que je propose sont ma petite contribution. Privilégier les saisons, ce qui est local, qui ne sont pas ultra-transformées, dans le respect des produits, de leurs producteurs et de l’environnement. J’espère que j’apporte un tout petit peu ma pierre à l’édifice, parce qu’il y a urgence, la maison brûle… L’alimentation a une place énorme dans l’amélioration de l’environnement. Cultiver des pois chiches, plutôt que de manger de la viande, permet aussi de nourrir la terre, car c’est riche en azote. C’est une manière d’être écolo.

Retrouvez  «Pique-Assiette» chaque samedi à 18h45 sur RTS Un. Avec Swisscom TV Air, vous profitez gratuitement de Swisscom TV sur votre ordinateur, votre tablette et votre Smartphone. Ainsi, vous pouvez regarder Swisscom TV, vos enregistrements inclus, où que vous soyez

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