Coronavirus "Beaucoup prennent le contre-pied de leur image erronée"

ATS

26.4.2020

D'Instagram à Twitch, les «live» des stars du sport se multiplient sur les réseaux sociaux, entre confessions inédites et liberté de ton rare dans un univers verrouillé par la communication. Pour le plus grand plaisir des fans, heureux de découvrir certaines facettes cachées de leurs idoles.

Les dérapages incontrôlés du pionnier Serge Aurier sur l'application Periscope en 2016 sont définitivement oubliés. De Karim Benzema à la légende brésilienne Ronaldo, le confinement a poussé plusieurs vedettes du sport à sortir de la discrétion pour interagir en direct avec leurs millions de «followers».

Même Rafael Nadal, qui a éprouvé toutes les peines du monde à maîtriser l'outil Instagram pour sa première, s'y est mis lors d'une rencontre tennistique au sommet avec Roger Federer!

«Comme les compétitions sont suspendues, les sportifs ne sont plus nécessairement encadrés par l'attaché de presse. Dès lors, une barrière tombe et favorise un rapprochement direct avec les fans: l'athlète devient son propre média et peut prendre la parole sur des sujets sur lesquels on ne l'entendait pas auparavant», explique Boris Helleu, expert des stratégies numériques dans le sport.

Avec ses «Nueve Live», c'est Karim Benzema, davantage au fait des subtilités de la plateforme où il est l'une des personnalités françaises les plus suivie dans le monde avec 33,6 millions d'abonnés, qui a pour l'instant remporté le match de l'audience.

Casting cinq étoiles

Entre fous rires, ton décontracté sans «langue de bois», jeu du «ni oui ni non» et joutes verbales à coups de «fumier» ou «t'es éteint» - ses expressions favorites -, l'attaquant du Real Madrid a fendu l'armure pour faire découvrir une partie de son univers et de ses passions: du hip-hop avec les rappeurs Alonzo et Lacrim, à l'humour avec Malik Bentalha et Thomas Ngijol. En seulement deux «émissions», «KB9» a réuni près d'un million de personnes en cumulé, avec un pic à 130'000 spectateurs en direct.

La recette de ce buzz? La taille et l'engagement de sa «fanbase», mais aussi le casting des invités. Et à ce jeu là, difficile de faire mieux que son idole Ronaldo «Fenomeno», lequel a réussi à interviewer le président de la FIFA Gianni Infantino ou à réunir David Beckham, Roberto Carlos, Iker Casillas ou encore Luis Figo pour se remémorer les souvenirs des «Galactiques» du Real Madrid!

Du portugais, à l'anglais, en passant par l'espagnol ou l'italien, le double Ballon d'Or brésilien a pris des nouvelles de ses anciens coéquipiers et de leurs familles comme s'il passait un appel privé... sous les regards émerveillés de dizaines de milliers de personnes.

De quoi offrir un moment convivial via le récit d'anecdotes méconnues, tout en mettant sa notoriété au service de la lutte contre la pandémie de Covid-19 à travers le même message: «Restez chez vous». Lors d'un «live» caritatif de 24 heures sur leur chaîne Twitch, Antoine Griezmann et son frère Théo ont par exemple multiplié les parties de Call of Duty avec les principaux influenceurs de l'univers des jeux vidéo. Résultat: 29'200 euros récoltés en faveur de la Croix Rouge.

«Image erronée»

L'intérêt est surtout de mieux se faire connaître auprès du grand public. Car au-delà des «punchlines» acides sur Mathieu Valbuena et Olivier Giroud qui ont focalisé l'attention des médias, Benzema a dévoilé un «franc parler» aussi naturel que déroutant en prenant notamment la défense de l'attaquant Valère Germain, injustement brocardé à ses yeux par les supporters de Marseille.

«L'erreur d'analyse serait de considérer qu'il est en roue libre, alors que non. La difficulté de l'exercice, c'est au contraire d'être authentique, ne pas être un robinet d'eau tiède. Et ça pour le coup, il le fait bien», estime Boris Helleu.

Avec cet outil «beaucoup de footballeurs ont pour objectif de prendre le contre-pied de l'image erronée du gars tout juste bon à taper dans un ballon, en montrant qu'ils ont une personnalité, de l'humour, une opinion», ajoute le maître de conférence à l'université de Caen.

Principales victimes de l'arrêt des compétitions, les émissions TV traditionnelles vont-elles se voir dépassées à terme par ces «live» à forte audience, prisés notamment par les plus jeunes? «Auparavant, la parole du sportif n'existait et n'était possible qu'à travers la presse classique. Maintenant, ce n'est plus le cas», rappelle M. Helleu. «Une fois que le championnat aura repris, ce serait intéressant de voir si Benzema dit: 'On s'est bien amusé, je garde ce rendez-vous'». Ses «followers» n'attendent que ça!

Retour à la page d'accueilRetour au sport