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«Bötschi questionne» Marcel Gisler: «J’aurai honte devant mes amis»
De Bruno Bötschi
7.8.2019
Le succès déprimait auparavant Marcel Gisler. Le réalisateur («Rosie») se livre sur son manque de confiance en lui, son taux de réussite en matière de flirt et pourquoi il a besoin au minimum de huit heures de sommeil.
Il est un peu plus de 14 heures au Restaurant Fischers Fritz à Zurich. L’atmosphère est estivale. Le sommelier nous sert de l’eau minérale et du vin blanc.
Monsieur Gisler a l’air quelque peu fatigué. La raison? Il est actuellement occupé par la post-production de son film «Aus dem Schatten», son premier long métrage pour la télévision suisse. Mais à ce sujet, c’est-à-dire les choses qui le fatiguent, il nous en parlera cet après-midi uniquement hors enregistrement.
Ça va? Oui, tout va bien. Alors c’est parti avec les questions, et comme d’habitude, on commence tout doucement.
Monsieur Gisler, je vais vous poser un maximum de questions auxquelles vous devez répondre le plus rapidement et spontanément possible au cours de la prochaine demi-heure. Si l’une des questions ne vous convient pas, dites simplement «Je passe».
Je suis un peu stressé en ce moment. Si mon portable devait encore sonner, il nous faudra interrompre l’interview.
Pas de problème. Que préférez-vous: un jour sans natel ou manger un sachet d’insectes?
Je préfère passer un jour sans mon portable.
Quel livre emporteriez-vous sur une île déserte?
«À la recherche du temps perdu» de Marcel Proust – de la grande littérature. Et il compte assez de pages pour n’être pas lu tout de suite.
Dans un portrait paru dans le «magazine» du «Tages-Anzeiger», vous avez déclaré en 1992 que manger et dormir étaient les seules constantes dans votre vie. Est-ce toujours le cas?
Manger et dormir sont toujours deux choses très importantes et j’y consacre encore beaucoup de temps. Et une autre constante s’y est ajoutée, le travail.
Dormez-vous encore toujours huit heures, peu importe l’heure à laquelle vous vous êtes couché?
Si possible, oui.
Est-il vrai que vous n’avez besoin que de la moitié de votre temps de sommeil habituel lorsque vous êtes en tournage?
Je me couche désormais plus tôt durant les périodes de tournage afin de bénéficier d’assez de sommeil, et je ne bois que deux verres de vin au lieu de quatre.
Êtes-vous désagréable sur le plateau quand vous n’avez pas assez dormi?
Je ne pense pas, mais il faudrait le demander à l’équipe. J’ai comme l’impression que mes batteries ne sont pas pleinement rechargées et c’est un état qui me déplaît.
Votre style de vivre est-il digne d'être imité?
Aucune idée.
Le producteur de cinéma et de télévision allemand Günter Rohrbach a déclaré un jour: «Le cinéma est un moyen de survie - sans cinéma, l'humain dépérirait psychiquement». Vrai ou faux?
C'était certainement vrai dans les années 1970. Mais nous n’avons définitivement pas besoin des super-héros de films, qui génèrent aujourd’hui la plus grande part d’audience à travers le monde, pour survivre.
Les questions semblent convenir à Marcel Gisler. Vraiment.
Les films peuvent-ils fournir des réponses à la question de comment les gens doivent vivre?
Absolument, le bon film ou aussi le bon livre au bon moment peut déclencher beaucoup de choses chez une personne. J’ai pu assister il y a quelques années durant la «Berlinale» à une interview «questions-réponses» de Krzysztof Kieślowski. Le réalisateur polonais m’a fait l’impression d’une personne plutôt résignée malgré tous ses nombreux films merveilleux. Kieślowski a déclaré qu’un film ne pouvait pas changer le monde. Peut-être le pensait-il à l’époque seulement à une trop grande échelle ...
... vous voulez dire la paix dans le monde ou quelque chose de similaire?
Tout-à-fait, mes films ont suscité quelque chose, à petite échelle, même si je ne l’ai souvent qu’appris des années plus tard. Lorsque j’ai tourné «F. est un salaud» en 1997, il s’agissait d’un des tout premiers films gays en Suisse. De nombreux homosexuels m’ont déclaré que cela avait été comme une sorte d’éveil pour eux. Un film permettant une identification avait soudainement vu le jour. La situation avait été similaire avec mon premier film, «Tagediebe». Des années après, j’ai encore rencontré à Berlin des personnes qui pensaient s’être installées dans la métropole allemande à cause de moi ou de mon film. J’ai alors parfois demandé si cela avait été une bonne ou une mauvaise décision.
Quelles ont été les réponses?
Certains regrettaient, d’autres étaient heureux de cette décision.
Pleurez-vous au cinéma?
Oh, cela m’est arrivé hier soir encore.
À l’occasion de quel film?
Je ne peux pas le dire publiquement sinon j’aurai honte devant mes amis (il éclate de rire). C’était un gros mélodrame ... bon, j’avoue: j’ai regardé «Rocketman».
Quelles sont les scènes qui vous ont fait pleurer?
L’histoire en soi ne m’a pas fait pleurer, mais la musique – les premières chansons des années 1970 comme «Saturday Night's Alright For Fighting» m’ont ému aux larmes. Les hits de ma jeunesse, c’étaient des larmes de nostalgie.
Regardez-vous encore la télévision?
Rarement.
L’abonnement Netflix, oui ou non?
Non, j’ai résilié mon abonnement après une année. Lorsque je suis occupé sur un tournage, je ne peux pas me le permettre pour des questions de temps. Si une série me plaît, je fais partie des téléspectateurs qui enchaînent les épisodes et s’y attardent volontiers. Dans mon cas, la situation pourrait s’emballer et nuire à ma carrière.
Votre série préférée des années 1980?
Je me suis mis tardivement aux séries. J’ai probablement commencé par regarder «Six Feet Under» , mais il me semble qu’elle n’a été produite que dans les années 1990. J’ai découvert le cinéma dans les années 1980 et les séries sont par conséquent passées au second plan. Je peux en revanche en énumérer quelques-unes des années 1970, «Jinny de mes rêves» notamment ou «Ma sorcière bien-aimée».
Vos séries actuelles préférées?
Il y a «Breaking Bad», que j’ai trouvé extrêmement bonne. «True Blood», car j’aime les histoires de vampires, «Mad Men», que je n’ai pas encore vue mais qui enthousiasme de nombreux amateurs et «Handmaid's Tale».
Je ne connais pas la dernière.
C’est brutal et sombre, et dès la deuxième saison, il s’agit en fait d’un «torture porn». «Handmaid's Tale» montre une dystopie incroyablement oppressante: les États-Unis sont devenus un état fasciste et théocratique. Les évangélistes ont pris le pouvoir. La plupart des femmes sont stériles en raison de multiples problèmes environnementaux. Il n’en reste que peu à pouvoir mettre au monde des enfants. Ces femmes sont retenues comme esclaves et violées régulièrement lors de leur période de fécondité – des faits naturellement commis en invoquant un passage de la Bible, il s’agit là de la volonté divine. Les homosexuels sont qualifiés de «traîtres à leur sexe» et sont pendus. «Handmaid's Tale» est incroyablement bien réalisé, mais c’est vraiment du gros calibre.
Êtes-vous bon pour raconter des choses insignifiantes?
Il sourit de manière éloquente.
Le traumatisme de votre jeunesse?
C’est trop personnel, je passe.
Quand avez-vous tenu une caméra en mains pour la première fois?
J’ai d’abord découvert le cinéma jusqu’au jour où j’ai senti que réaliser des films m’intéressait. Lorsque j’ai acheté ma première caméra à 15 ou 16 ans, j’avais déjà quelques ambitions en tête, sinon je n’aurais pas effectué un tel investissement. Au début, tout était encore très expérimental et fantaisiste.
Est-ce réellement vrai que le cinéma remplaçait les voyages que vos parents ne pouvaient pas s’offrir?
On peut le dire ainsi. Le cinéma était une porte pour découvrir le monde.
Qu’ont pensé vos parents et vos amis de votre choix de devenir réalisateur?
Ils ont cru qu’il s’agissait seulement d’un spleen et ont probablement pensé: «Un jour ou l’autre, il va bien exercer un métier convenable». En même temps, je dois dire que mes parents ne m’ont jamais empêché de faire ce que je souhaitais. Leur résistance était davantage en douceur. Ils m’ont par exemple demandé si je ne souhaitais pas exercer un métier plus sûr.
À 21 ans, vous quittez votre cité provinciale d’Altstätten im Rheintal pour Berlin la métropolitaine. Vous n’avez apparemment pas manqué de confiance en vous …
... c’était peut-être aussi lié à une forme de naïveté et d’audace. Je ne suis pas allé à Berlin et ai déclaré: «Hey, je suis le grand réalisateur». Les trois premières années n’ont pas non plus été très faciles.
Un brave type, ce Marcel Gisler. Vraiment. Mais nous souhaitons creuser davantage, aller un peu plus en profondeur. Sous la ceinture? Peut-être.
Vous vouliez étudier à l’Académie allemande du film et de la télévision à Berlin mais avez échoué à l’examen.
Encore pire, je n’ai pas été admis à la deuxième session! La visite de l’Académie aurait surtout rassuré mes parents: OK, notre fils entreprend au moins une formation. Par la suite, je me suis inscrit pour des études, d’abord en faculté des lettres. Cela a duré jusqu’à ce que je réalise que ces études prenaient beaucoup trop de temps et m’empêchaient de réaliser mes productions de films. J’ai voulu ensuite étudier le théâtre, mais, malgré une bonne note de maturité, je n’ai pas été retenu en raison du numerus clausus. J’ai donc étudié l’ethnologie. Nous avons simultanément fondé avec des amis un groupe de cinéma. Nous nous sommes entraînés à l’écriture de scénarios, la mise en scène et l’interprétation.
Comment avez-vous subsisté durant cette période?
J’ai reçu des bourses d’études depuis la Suisse.
Les échecs vous rendent-ils plus fort?
L’échec d’admission à l’Académie m’a naturellement inquiété. Mais j’étais à Berlin, et plusieurs de mes idoles et modèles se trouvaient concrètement sur place. Rainer Werner Fassbinder était justement en train de tourner à cette époque le film «Querelle». Un ami décorateur me tenait régulièrement informé sur le tournage. Et j’ai rencontré Rosa von Praunheim. Je lui ai parlé de mes idées, de mes rêves, et de ma non-admission à l’Académie. Il m’a donné des conseils, m’a redonné courage. Rosa von Praunheim pensait que je devais faire comme l’acteur Christoph Eichhorn, l’interprète principal du film «La Montagne magique»: «Tu sais, il a simplement pris un jour une caméra en mains et a commencé à filmer». Ce ne serait plus vraiment possible de nos jours, l’industrie du cinéma ne comptant presque plus d’autodidactes dans ses rangs. Du reste, 25 ans après mon échec, j’ai quand même réussi à entrer à l’Académie comme professeur. Une petite satisfaction.
Les réalisateurs sont des conteurs d’histoires. Qu’est-ce qui vous intéresse dans la narration?
L’histoire est le véhicule du thème, le pont formel vers les spectateurs avec des conflits, des moments-clés, des climax, une dissolution, etc…. Pour moi, elle n’est en revanche pas aussi importante. J’aime les film cryptiques, atmosphériques, dépourvus de l’intrigue habituelle. J’aime me plonger dans des moments émotionnels. C’est probablement pour cette raison que les débuts de mes films sont souvent trop lents. Je ne m’aventure jamais directement dans une histoire, mais j’effectue préalablement une analyse d’ensemble avant qu’un possible conflit ne se cristallise lentement.
Trouvez-vous les histoires ou ce sont elles qui vous trouvent?
Dernièrement, ce sont les histoires qui m’ont trouvé. Prenez «Electroboy» par exemple. Il y a environ dix ans, une société de production m’a demandé si le sujet pouvait m’intéresser pour un film, mais j’ai refusé. Cinq ans plus tard, une autre proposition a émané d’une nouvelle société, indépendante de la première, me demandant si je souhaitais traiter le sujet dans un film documentaire. Ce sujet s’est véritablement entêté pour me chercher, et j’ai cédé.
Quiconque souhaite faire des films à succès doit avoir une intuition pour ce qui intéresse les gens.
Je ne cherche jamais à attirer un public aussi large que possible. Pour moi, la pertinence du thème est un élément important. Et je traite souvent des marginaux dans mes films.
Ne pouvez-vous réaliser que des bons films sur des sujets ayant des liens avec vos propres histoires de vie?
Je ne l’espère pas, du moins ce n’est pas le cas dans le nouveau film que j’ai tourné pour la télévision suisse SRF. Le téléfilm «Aus dem Schatten» raconte une partie de l’histoire de la psychiatrie en Suisse dans les années 1970. Mais allez savoir, j’ai peut-être uniquement réalisé ce film car il traite encore une fois des personnes marginalisées. J’ai d’une certaine manière un lien particulier avec elles.
Il faut nous expliquer cela.
Mon père était un enfant placé, ma mère également une personne déracinée. Elle est venue en Suisse depuis l’Italie du Nord au terme de la Deuxième Guerre mondiale.
Êtes-vous souvent triste?
Par intermittence, mais il y a aussi de plus longues périodes sans que je sois mélancolique, comme en ce moment.
Devrions-nous pleurer plus souvent?
Je ne sais pas, mais la capacité de pouvoir pleurer n’est certainement pas mauvaise. Personnellement, je n’arrive malheureusement qu’à pleurer au cinéma.
Pourquoi est-ce bien les larmes?
Avec elles, les problèmes non résolus enfouis en nous trouvent une solution. Les larmes peuvent redonner un équilibre émotionnel à une personne.
Avec quel animal avez-vous beaucoup de points communs?
Ce doit être un animal d’apparence calme à l’extérieur mais qui bouillonne de l’intérieur. Qui sait, peut-être que le loir est intérieurement extrêmement nerveux?
Ou que diriez-vous d’une taupe?
J’ai aperçu une taupe morte il y a quelques jours et j’ai pensé: quel étrange animal ce doit être, à passer sa vie à creuser la terre. Non, je n’aimerais pas être une taupe.
À quel moment de la journée êtes-vous le plus facilement irritable?
Le matin.
Avez-vous déjà dit «non» à un homme attrayant?
Oui, malheureusement.
Que veulent entendre tous les hommes?
La phrase juste, qu’ils soient véritablement reconnus dans ce qu’ils représentent comme personne. Dire simplement que quelqu’un est beau ne suffit pas.
Votre meilleure expérience avec les femmes?
En tant qu’homosexuel, je n’ai pas de stress érotique vis-à-vis des femmes. Les femmes sont de bonnes amies, et lorsqu’elles décèlent que je suis gay, la situation se détend considérablement. Un ami m’a dit récemment: «Marcel, si tu abordais les hommes de la même manière que les femmes, alors tu aurais un succès fou».
Les gens devraient-ils davantage vivre en relation polygame puisque la plupart des relations monogames sont un échec?
C’est une bonne idée, mais ce n’est probablement pas dans la nature des humains. La pensée de la monogamie et du mariage est profondément enracinée dans notre socialisation. Il existe pourtant quantités de bons exemples de relations gays libres. Des problèmes surgissent aussi parfois, mais je trouve que beaucoup d’homosexuels le font plutôt bien.
Votre premier long-métrage «Tagediebe» a déjà décroché un «Léopard d’argent» en 1985 au Festival de Locarno. Comment se sent-on quand son rêve de toujours devient réalité?
J'ai eu la diarrhée à cause de l’émotion. Lorsque nous avons tourné le film, j’ai pensé qu’il serait présenté en petit comité, dans l'ancien Café Central de la Nollendorfplatz à Berlin, par exemple, car il y avait régulièrement des soirées cinéma là-bas. Mais lorsque je me suis aperçu que tout ce qui était prévu se déroulait différemment, j’ai pris soudainement peur. Je n’avais encore jamais participé à un festival de cinéma. Et je suis tout à coup honoré devant 3 000 personnes sur la Piazza Grande. J’ai encore reçu une invitation pour le Museum Of Modern Art à New York. C’était mon premier voyage outre-mer. Cela m’enchantait bien sûr, mais en même temps, j’étais aussi totalement surmené. Après mes quatre premiers films, j’ai à chaque fois sombré dans une crise, bien que ceux-ci aient eu du succès.
Pourquoi?
Je n’avais pas assez de confiance en moi pour gérer le succès et la pression liée aux attentes, même les miennes. Affirmer que l’on est réalisateur est bien plus aisé que de pouvoir prétendre l’être par la suite. Après «F. est un salaud», mon quatrième film, la crise était à son apogée. J’ai souffert d’un effondrement physique et psychique. J’ai eu besoin d’une longue pause en tant que cinéaste pour sortir de la dépression. Je n’ai jamais été aussi sûr de moi que l’était Dani Levy...
... l’acteur bâlois qui interprétait en 1984 le jeune commis de cuisine Peperoni dans la série TV suisse «Motel», ...
... il est parti presque au même moment que moi à Berlin pour tourner son premier film. Je l’ai toujours perçu comme une personne dotée d’une grande confiance en soi. Je suis par contre en conflit personnel permanent. Même s’il y a une grande part de transposition. Il connaît bien sûr des doutes au niveau artistique tout comme moi, mais peut-être pas si profonds.
En 2003, vous êtes allé à la télévision suisse où vous avez collaboré comme scénariste à temps complet pour la série «Lüthi & Blanc».
Le job était un filet de sécurité, et «Lüthi & Blanc» m’a aussi sauvé financièrement. Un travail ingrat, techniquement exigeant, mais pas toujours gratifiant au niveau artistique. J’ai collaboré quatre ans. Puis tout s’est arrêté du jour au lendemain. J’étais encore assis avec le rédacteur et l'équipe des auteurs quand nous avons reçu un SMS nous indiquant que quatre épisodes au maximum seraient encore produits.
Marcel Gisler a commencé sa collaboration en 2003 à partir de l’épisode 155 de «Lüthi & Blanc» et a écrit en tout 34 épisodes au cours des années suivantes.
Durant l’été 2013, après une pause de 14 ans, votre cinquième film «Rosie» est sorti au cinéma. Il raconte une histoire extrêmement tragique, parfois même pathétique avec une légèreté presque joyeuse. Comment y êtes-vous parvenu?
C’est probablement lié à l’approche personnelle de l’histoire. Les 50 à 60% du film sont autobiographiques.
Les acteurs passent souvent leur journée à attendre des conditions techniques parfaites. Ils doivent se montrer irréprochables sur commande. Que doit entreprendre un réalisateur pour que cela fonctionne?
Certains réalisateurs s’occupent davantage de la technique que des comédiens. Chez moi, c’est l’inverse. S’il n’y a pas de relation de confiance entre les acteurs et moi, ils ne peuvent pas se lâcher, ils se contrôlent trop eux-mêmes. Les spectateurs le ressentent immédiatement.
Comment créez-vous ce lien de confiance?
Les comédiens doivent sentir qu’il s’agit, pour eux comme pour moi, de chercher la meilleure performance possible. Et que j’ai un bon œil et dispose des moyens nécessaires pour les diriger. À partir de là, la confiance est une chose réciproque. Plus je leur accorde ma confiance, plus j’en reçois en retour.
«Un bon réalisateur fait disparaître la peur de son équipe». Vrai ou faux?
C’est malheureusement faux, il existe des réalisateurs qui répandent avant tout la terreur sur le plateau et parviennent quand même à réaliser de bons films. Ce n’est pas ma manière de procéder. Si quelqu’un commet une faute grossière, je ne dois pas non plus la lui faire remarquer et ridiculiser la personne devant les autres. J’apprécie qu’il y ait une atmosphère positive sur le plateau.
La plus grande erreur que vous ayez commise sur un plateau de tournage?
La plus grande erreur est de vouloir imposer à tout prix sur le plateau les idées que l’on avait en écrivant le scénario. Et par conséquent de ne pas reconnaître le cadeau d’une interprétation inattendue. Cela m’est arrivé par moments quand j’étais plus jeune. Je suis aujourd’hui plus ouvert, je peux mieux laisser entrer les apports de l’extérieur.
Auprès de quelle actrice ou quel acteur devez-vous encore vous excuser?
Je dois encore écrire un mail aux actrices et acteurs que j’ai supprimés lors de la post-production du film «Aus dem Schatten».
L’écrivain américain John Updike affirmait que «la célébrité est un masque qui mange le visage». Les stars de cinéma vous font-elles parfois pitié?
On ne devrait vraiment pas s’apitoyer sur celui qui encaisse 15 millions de dollars pour un film et se plaint ensuite qu’il peut uniquement sortir dans la rue entouré de gardes du corps.
L’entretien touche gentiment à sa fin. Le journaliste est toujours très frappé par l’honnêteté des propos de Marcel Gisler.
Existe-t-il un morceau de musique qui ait changé votre vie?
Cela m’est arrivé assez souvent. Durant ma jeunesse, la musique était un moyen bien plus fort qu’aujourd’hui d’exprimer son style de vie et sa vision du monde.
Pouvez-vous donner un exemple concret?
L’album «Hunky Dory» de David Bowie de 1971, en particulier le morceau «Life on Mars». J’écoutais jusque-là surtout les hits du moment. À treize ans, j’aimais ABBA par-dessus tout. Et puis je suis soudainement tombé sur ce personnage étrange, maigre comme un clou avec sa coupe mulet déclinée en roux. Dans le magazine «Bravo», David Bowie avait été présenté comme «extraterrestre» et «gay» ou «bisexuel». Sa musique m’a si profondément bouleversé que je n’ai plus pu écouter cet album durant un certain temps. J’ai commencé à consommer du cannabis à cette période.
Vous fâchez-vous si quelqu’un vous traite de mauviette?
Personne ne me le dit (il rit).
Quel est le prénom de votre meilleur ami?
Rudolf, Stefan, Philipp. Tous les trois sont mes meilleurs amis.
Qu’enviez-vous à vos trois meilleurs amis?
Les aptitudes linguistiques et littéraires de Rudolf, l’optimisme et le fait que Stefan sache presque toujours prendre prendre la vie du bon côté. Et j’envie à Philipp son succès auprès des hommes.
Dans votre prochain film, vous traitez de la profonde mutation de la psychiatrie dans les années 1970: qu’est-ce qui vous intéresse dans ce sujet?
L’ambivalence de l’histoire. Dans les fictions télévisées, le sujet est souvent trop formulé, trop évident, trop clair. «Aus dem Schatten» raconte une histoire sous l’angle d’une jeune travailleuse sociale. Elle veut entreprendre des réformes au sein d’une clinique psychiatrique rétrograde. Il s’agit de son conflit avec le chef de clinique. On ignore à la fin si l’assistante sociale s’est montrée trop ambitieuse dans la réalisation de ses projets, c’est-à-dire sans tenir compte des pertes. Elle est en même temps une figure féminine forte qui souhaite parvenir à des résultats pour le bien des patients. Il en va de même pour le chef de clinique. On se demande en permanence s’il n’est pas inhumain et insensible. Marcherait-il sur des cadavres afin de garder son rang ou est-il loyal et emphatique?
À quel point les essais de médicaments, qui ont eu lieu dans des cliniques psychiatriques chez nous, sont-ils un sujet dans votre film?
Il est fait allusion aux expérimentations dans le film, mais elles ne sont pas un thème central. L’histoire se déroule dans les années 1970, période où ces expérimentations ne faisaient pas scandale.
Votre prochaine échéance?
Je vais mettre en scène une pièce de théâtre au printemps 2019 à Göttingen, en Allemagne, ou vous parliez d’aujourd’hui?
Oui, aujourd’hui.
Je dois encore discuter avec le scénariste de «Aus dem Schatten» pour l’ajout de textes de voix OFF.
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